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Accord entre Maurice et les Seychelles : Saya de Malha l’endroit le plus important de la planète

30 mai 2025, 10:10

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Accord entre Maurice et les Seychelles : Saya de Malha l’endroit le plus important de la planète

Nous nous réjouissons tous de la restitution de l’archipel des Chagos. Date historique après une longue bataille. Les Chagos, y compris Diego Garcia, mais nous ignorons presque tout sur Saya de Malha (jupe de maille en portugais). Or, c’est l’endroit le plusimportant de la planète.

Proche d’Agaléga au nord-est de Madagascar dans les Mascareignes, depuis 2008, Maurice et les Seychelles s’en partagent une souveraineté à parts égales. Depuis 2012, elles y possèdent des zones économiques exclusives comprenant le sous-sol, les fonds marins, les organismes marins que l’on trouve en dessous du plateau.

Ce banc en haute mer, vaste comme la Suisse mais invisible à moins de le voir du ciel, est l’un des plus grands herbiers du monde qui capture 1/5 du CO2, ce qui en fait un des poumons de l’océan. Il le capture trente fois plus vite qu’ailleurs. Moins connu malgré sa biodiversité exceptionnelle avec des tortues, la zone de reproduction des requins et baleines bleues ou à bosse.

Un écosystème oublié

Saya de Malha recouvre 40 000 km2 et abrite de nombreuses espèces dans de vastes prairies marines. Attention aux activités humaines ! Chaque année, l’homme déverse 8 millions de tonnes de plastique mais ce vaste herbier piège les microplastiques, filtre l’eau polluée et réduit l’acidité de l’eau. Des milliers d’espèces qui s’y trouvent sont inconnues, ce qui fait de Saya de Malha le plus vaste herbier de la planète, qui est souvent submergé dans l’eau.

Le malheur veut qu’il soit situé dans des eaux internationales difficiles à protéger. On y trouve régulièrement 200 navires de pêche au long cours venus du Sri Lanka et de Taiwan, attirés par le thon. Ils échappent aux règlements internationaux et pratiquent une pêche industrielle sans limite. De la surpêche pendant des mois alors que des artisans pêcheurs malgaches ne peuvent les concurrencer.

Des forçats

Ceux travaillant sur les bateaux sont presque des forçats. Les conditions de vie y sont exécrables. Ils sont soumis à toutes sortes de maladies d’autant qu’ils manquent régulièrement d’alimentation et d’eau potable. Ils doivent transborder les poissons pêchés dans des navires frigorifiques. Ce qui implique qu’ils doivent rester longtemps en mer, soit un minimum de six mois sans revoir les leurs.

Parfois des yachts luxueux les abordent pour découvrir des pêcheurs amaigris, parfois sans carburant, nourriture et eau. C’est une zone très reculée où des milliers de pêcheurs srilankais entreprennent des voyages périlleux. Des conditions rendues encore plus pénibles quand la météo est mauvaise. On raconte que parfois quelques-uns se suicident ou qu’on les pousse par-dessus bord.

Rencontre avec un bateau thaïlandais, dont 38 membres de l’équipage sont malades et six décédés de béribéri, de difficultés respiratoires, de douleurs thoraciques ou tout simplement de faim. Le tout pour un salaire mensuel de 270 dollars. Certains souffrent même de troubles mentaux. Malgré toutes ces difficultés, d’autres passent par ce moyen pour fuir leur pays et gagner La Réunion.

Saccage

Alors que Saya de Malha est d’une valeur exceptionnelle puisqu’il absorbe du dioxyde de carbone dans de vastes puits, ces déserts de fosses marines sont de plus en plus saccagés. Le vaste plateau n’est recouvert par endroits que par quelques dizaines de mètres d’eau. Les coupables sont des pêcheurs bien équipés à la recherche d’ailerons de requins ou des navires qui procèdent à l’extraction minière ni vu ni connu. On trouve même à Saya de Malha des propriétaires de yachts de luxe très contents d’avoir découvert cet endroit ignoré de la communauté internationale bien qu’indispensable à la planète.

Une lueur d’espoir. En mars 2023, la Mission océan Indien de l’Institut océanographique de Monaco s’est intéressée à Saya de Malha. Les Seychelles et Maurice ont signé un accord avec cet institut pour s’occuper de cet endroit unique et peu connu. Il ne pourra pas passer au peigne fin tout Saya de Malha mais c’est un début scientifique et ce, pour le bien de l’humanité. Les scientifiques l’ont surnommé «la grande Suisse invisible» en raison de sa taille. Ses récifs coralliens permettent la migration d’espèces qui sont bien moins connues.

La légende veut que dans un passé lointain, Saya de Malha avait mauvaise réputation. On prétendait qu’on y trouvait des dragons. Des organismes internationaux commencent à découvrir Saya de Malha. Ça a été le cas pour Greenpeace qui l’a visité et étudié avec à son bord une scientifique mauricienne, Shaama Sandroyen. Idem du côté américain en 2019 avec l’Outlaw Ocean Project mais ces recherches sont encore insuffisantes.

Et si on y découvrait du pétrole, du gaz ou des métaux rares ? Sachons en tout cas que se trouve dans notre zone des Mascareignes «la plus grande île invisible du monde».

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