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Perspectives économiques 2025

Afrique : cap sur la reprise, malgré les vents contraires

27 juin 2025, 16:00

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Afrique : cap sur la reprise, malgré les vents contraires

Dans un monde économique en pleine recomposition, marqué par le retour du protectionnisme, la montée des tensions géopolitiques et la fragmentation des flux financiers, l’Afrique avance à contrecourant. C’est ce que révèle le dernier rapport de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), Africa Trade and Economic Outlook 2025, présenté à Abuja lors de ses assemblées annuelles. Il dresse un portrait d’un continent encore fragile mais résolument tourné vers la relance et l’intégration régionale.

Une première bonne nouvelle : la croissance du continent est de retour. En 2024, le produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique a progressé de 3,3 %, une performance modeste mais encourageante compte tenu des chocs mondiaux. Les perspectives pour 2025 sont meilleures encore, avec une croissance attendue à 4 %. C’est plus que la moyenne mondiale et à peine en deçà des niveaux des économies émergentes.

Mieux : selon le rapport, près de 41 % des pays africains enregistreront une croissance supérieure à 5 %, soit presque le double de la moyenne planétaire. Cette dynamique est portée par plusieurs facteurs : une consommation intérieure robuste, un rebond de l’investissement et une demande mondiale soutenue pour les exportations africaines, notamment les matières premières.

Sur le front des prix, le continent commence aussi à souffler. Après avoir atteint 19,3 % en 2024, l’inflation moyenne devrait reculer à 14,8 % en 2025. Cette baisse est attribuée à des politiques monétaires plus rigoureuses, à des efforts nationaux de stabilisation des prix et à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement.

Meilleure gestion de la dette

Du côté des finances publiques, la trajectoire est également plus rassurante. La dette publique, qui représentait 67,2 % du PIB en 2024, devrait reculer à 65 % l’année suivante. Cela reste élevé, mais la tendance est à la modération, grâce à une meilleure gestion de la dette et à une croissance plus soutenue. Par ailleurs, avec une reprise du commerce africain en 2024, avec notamment une progression de 13,9 %, pour atteindre US 1 500 milliards de dollars, un signe encourageant est à noter : le commerce intra-africain a repris des couleurs, avec une hausse de 12,4 % en 2024, après une chute de près de 6 % l’année précédente. Il atteint désormais USD 220,3 milliards. Toutefois, il ne représente encore que 14,4 % du commerce formel total, un chiffre bien en deçà du potentiel du continent.

L’essor du commerce continental repose en grande partie sur la mise en œuvre de la Zone de libreéchange continentale africaine (AfCFTA). Si les progrès sont réels, le rapport souligne de nombreux freins : lenteurs bureaucratiques, obstacles non tarifaires, infrastructures déficientes et accès limité au financement du commerce.

C’est d’autant plus problématique que l’Afrique fait face à un déficit de financement du commerce estimé entre 100 et 120 milliards de dollars par an. Pour y remédier, Afreximbank a injecté 18,7 milliards de dollars en 2024, avec un objectif ambitieux de 40 milliards d’ici 2026. D’autres institutions régionales tentent de suivre, mais sont encore contraintes par les règles prudentielles internationales et les biais des agences de notation.

L’un des faits saillants du rapport est la montée en puissance de PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), un système de règlement panafricain qui permet les paiements transfrontaliers en monnaies locales. Déployé dans 15 pays et connecté aux banques centrales, il contribue à réduire la dépendance au dollar, à diminuer les coûts de transaction et à favoriser le commerce intra-africain.

Le développement de monnaies numériques de banques centrales (comme l’eNaira au Nigeria ou l’eCedi au Ghana) montre également une volonté d’innovation monétaire et d’adaptation aux nouveaux outils digitaux. À ce titre, l’Afrique se distingue par un taux d’usage du mobile money (33 % des adultes) largement supérieur à la moyenne mondiale (10 %).

Ce rapport brosse le tableau d’un continent en mouvement, confronté à des risques importants, mais animé d’une volonté d’agir. Son message est clair :l’Afrique ne peut plus dépendre des dynamiques extérieures. Elle doit accélérer son intégration, renforcer sa souveraineté économique, investir dans ses infrastructures et moderniser son système financier.

L’Afreximbank appelle à «institutionnaliser la résilience» en s’appuyant sur des politiques coordonnées, des outils numériques innovants et des plateformes régionales solides. Dans un monde multipolaire et incertain, l’Afrique affirme qu’elle entend désormais tracer sa propre voie – et sur ses propres termes.

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