Publicité
Krishna Luchoomun : «Le Corporate Social Responsibility est venu tuer la culture»
Par
Partager cet article
Krishna Luchoomun : «Le Corporate Social Responsibility est venu tuer la culture»

L’association pARTage, qui a pour mission de professionnaliser et de redynamiser l’art à Maurice, fête cette année ses dix ans d’existence. Son président, le plasticien Krishna Luchoomun, évoque les difficultés rencontrées depuis 2003.
PARTage fête cette année ses dix ans. Comment l’avez-vous vécue, cette décennie ?
Durant ces années, nous avons accompli beaucoup de choses. Nous avons créé des plateformes de rencontres entre divers artistes. Plusieurs artistes mauriciens ont également pu côtoyer des confrères étrangers; certains sont également partis approfondir leurs connaissances et faire découvrir leurs oeuvres dans d’autres pays. Mais si nous avons accompli beaucoup de choses, nous avons connu également beaucoup de difficultés.
Lesquelles ?
Nous avons dû faire face, notamment, à une absence de structure pour organiser des activités et également à un manque de soutien. Nous ne recevons pas d’aide du ministère des Arts et de la Culture pour soutenir notre association. Celui-ci nous aide sur certains projets, mais jamais à long terme. Beaucoup d’entreprises refusent de nous soutenir. Elles se demandent en effet toujours ce qu’elles vont gagner en échange ; or nous ne pouvons rien leur offrir.
D’une certaine manière, le Corporate Social Responsibility est venu tuer la culture. Si aider à éradiquer la pauvreté et promouvoir l’éducation est une priorité, promouvoir la culture est également important. Je ne pense pas que les gens ont seulement besoin de manger et de se vêtir. Ils sont également besoin de réfléchir.
Selon vous, comment peut-on inverser cette tendance ?
Le ministère ne devrait pas être un organisateur d’événements, mais un facilitateur. Le budget accordé à ce ministère n’est que symbolique. Des aides sont accordées aux organisations socioculturelles et quand il est question d’aider la création artistique, il n’y a plus d’argent dans les caisses. La société même a besoin de comprendre que l’art – et là je parle de tous les médiums artistiques – est le thermomètre de notre société.
Or les gens sont toujours à voir l’art comme un «entertainment». Quand on achète un tableau, il faut que ça aille avec la décoration intérieure et si on va au théâtre, on y va pour rire. Voir l’art comme un outil de réflexion n’est malheureusement pas encore entré dans nos moeurs. Il a été un temps question de la mise en place d’un musée d’art national. C’était une excellente idée dont on n’entend malheureusement plus parler.
Beaucoup a été dit sur la promotion de l’art, ce n’est pas un sujet nouveau…
En effet, cela va prendre beaucoup de temps, mais je vois qu’avec les jeunes, la mentalité commence à changer. Il faut maintenant que le ministère arrive à faciliter la promotion de l’art. Il faut toutefois dire que depuis mes années au collège, la plateforme artistique à Maurice a beaucoup évolué – mais il reste encore beaucoup à faire.
À vous entendre, on comprend que l’avenir n’est pas rose pour pARTage…
L’avenir est assez sombre pour pARTage. Nous avons de gros soucis de financement. Il faut courir dans tous les sens pour trouver de l’argent pour organiser les ateliers et les résidences. On ne fait pas ni concerts ni expo-ventes, donc on ne gagne rien en échange.
Notre but, c’est d’enrichir la vie culturelle et artistique de l’île, ce n’est pas quelque chose que nous faisons pour de l’argent. Je pense que pARTage va continuer à exister mais moi je suis sur le point de jeter les armes, j’ai besoin de temps à consacrer à ma création artistique.
Appel à participation
Dans le cadre de son dixième anniversaire qui coïncide avec l’Année internationale des petits États insulaires en développement (PIED), pARTage organise un atelier avec des artistes locaux et internationaux du 6 au 21 juin 2014 autour du thème ARTchipelago. Dans cette optique, les plasticiens contemporains mauriciens et rodriguais sont invités à participer audit atelier en faisant parvenir leur CV, une présentation de l’artiste et de son oeuvre ainsi qu’un exemplaire de ses travaux à partage2004@gmail.com avant le 15 mai. À souligner que les artistes internationaux invités viennent de différents pays, dont l’Angleterre, les Étas-Unis, la Finlande, la France, le Bangladesh et le Portugal.
Publicité
Publicité
Les plus récents




