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Aisha Timol, Chief Executive de la Mauritius Bankers Association : «La Task Force sur les pratiques bancaires a été préjudiciable aux banques dès le départ»

19 juin 2014, 09:19

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Aisha Timol, Chief Executive de la Mauritius Bankers Association : «La Task Force sur les pratiques bancaires a été préjudiciable aux banques dès le départ»
L’institution, par la Banque de Maurice, d’une «Task Force» pour se pencher sur les pratiques bancaires n’est pas tout à fait au goût des banquiers. Aisha Timol, leur porte-parole, en donne les raisons.
 
Comment réagissez-vous aux recommandations et commentaires de la «Task Force» sur les termes et les conditions des contrats bancaires rendus publics par la Banque de Maurice au début de ce mois ?
Le rapport de la Task Force instituée par la Banque centrale était très attendu. Cela fait presque deux ans que celle-ci avait été annoncée, que le public avait été invité à soumettre ses commentaires sur les contrats bancaires ainsi que sur les frais, les commissions et autres charges perçus par les banques.
 
Le groupe de travail de la Mauritius Bankers Association (MBA) qui devait se pencher en parallèle sur la simplification du langage utilisé pour la rédaction des contrats attendait de se réunir. Dès fin 2012 et début 2013, la Task Force avait fait appel aux banques individuellement pour que celles-ci soumettent leurs contrats types pour diverses demandes de crédit, et le relevé de tous les frais et autres charges bancaires.
 
Malheureusement, le groupe de travail mixte avec les banques, annoncé dans le communiqué de la Banque centrale en date du 4 juillet 2012, n’a jamais été convoqué. Je ne comprends pas pourquoi cela n’a pas été fait. Je trouve que c’est fort regrettable.
 
La MBA avait fait la demande auprès de la Banque centrale pour recevoir le nombre de plaintes logées auprès d’elle et leurs fréquences, entre autres, afin d’effectuer une évaluation correcte et pertinente de la perception du public sur ses attentes et les lacunes ressenties par rapport aux banques. Malheureusement, il n’y a pas eu de suite à cela. Nous comptons réitérer notre requête auprès de la nouvelle Task Force qui agit sous la présidence d’Yvan Martial et qui a été instituée pour recueillir les commentaires sur le rapport et les analyser.
 
Le rapport parle du consommateur et reproduit certains commentaires – «The Customer Speaks». Plutôt que de simplement réagir aux soumissions du public sur ce que l’intitulé de la Task Force décrit déjà comme «unfair», la MBA estime qu’il aurait été souhaitable qu’une étude scientifique, avec chiffres à l’appui, eût été menée.
 
La MBA et les banques commerciales, je pense, ne peuvent que constater que l’étude leur a été préjudiciable dès le départ.
 
La «Task Force» a répertorié plus d’une trentaine de ces frais et autres charges et commissions que les banques commerciales imposent aux consommateurs. Êtesvous surprise qu’il existe autant de frais bancaires qualifiés d’injustes par ce comité ?
Les frais et leurs appellations ne sont pas identiques pour l’ensemble des banques. À titre d’exemple, certaines banques évoquent le Prime Lending Rate tandis que d’autres se réfèrent au Base Rate par rapport aux taux d’intérêt à l’emprunt. Cela tient au fait que certaines banques internationales suivent les procédures de leurs groupes bancaires respectifs. L’uniformisation n’existe pas – sinon il n’y aurait pas eu nécessité d’avoir 21 banques. Toutes vendraient les mêmes produits et les services seraient identiques.
 
La Task Force préconise que cela soit fait pour permettre à la clientèle de mieux comparer et préconise certains produits types comme le GO Account. Les banques étudieront la question et décideront dans quelle mesure elles pourraient le faire et, sinon, quelles seraient les contraintes et les conséquences.
 
La question des frais, des charges et des commissions ne figure pas à l’agenda des discussions de la MBA car celle-ci est de nature purement compétitive. La MBA s’en tient aux sujets ayant trait à l’ensemble du secteur bancaire. Sinon elle aura affaire à la Competition Commission, qui lui reprochera d’agir en mode collutoire. Ce qui n’est certainement pas le cas.
 
La BoM souhaite à travers ce rapport apporter des changements en profondeur dans le secteur bancaire et replacer les intérêts du client au centre de la relation banque-client. Êtes-vous satisfaite de cette nouvelle volonté de la Banque centrale ?
Le rôle de tout régulateur est de veiller à ce que le droit des consommateurs ne soit pas bafoué tout en s’assurant des les opérateurs du secteur puissent fonctionner de façon efficace et responsable.
 
Il est reconnu que le secteur bancaire à Maurice a joué pleinement son rôle en tant qu’acteur économique important au fil des décennies. Malgré un contexte international difficile, il a continué à être un support crucial à l’exportation, l’importation, l’investissement et le développement des activités économiques dans son ensemble. Sa contribution au Produit intérieur brut, aux recettes fiscales de l’État, à l’emploi des jeunes et des cadres ainsi que sa vocation sociale est indéniable. Le secteur a su s’adapter non seulement aux contraintes de son environnement domestique et international mais aussi aux défis de la mondialisation et des avancées technologiques. Pour ce faire, il a fallu qu’il soit avant tout résilient mais aussi profitable. Il demeure plus que jamais déterminé à continuer à jouer son rôle dans le développement du pays.
 
Par contre, le client peut ne pas s’y retrouver dans un secteur de plus en plus diversifié et complexe. Ce nouvel environnement bancaire et financier est hautement compétitif non seulement à l’échelle domestique mais planétaire. Les défis sont d’ordre local, régional et international.
 
Souvenez-vous qu’en 1968, il n’existait que cinq banques à Maurice. Aujourd’hui, nous en sommes à 23 avec des banques spécialisées, y compris celles qui opèrent dans le domaine du private banking, du wealth management et de l’islamic banking, offrant des produits et des services de plus en plus sophistiqués tels les produits dérivés et structurés et le treasury management. Toutes les banques peuvent opérer localement sous une licence unique. Avant 2004, les banques offshore en étaient exclues.
 
Ce développement exponentiel du paysage financier a encouragé tous les stakeholders – institutions financières, associations bancaires aussi bien que régulateurs – à se pencher sur l’éducation financière comme outil de vulgarisation du domaine de la finance et l’inclusion de tout un chacun dans ce processus de développement - les personnes vulnérables ou en situation précaire, les jeunes et les retraités.
 
Les banques ne peuvent certainement pas exclure leurs clients ou le public en général de ce processus de modernisation. Cette volonté par rapport à l’éducation et à l’inclusion financière existe et sera renforcée.
 
La «Task Force» propose que la BoM régule le différentiel entre les taux d’épargne et les taux à l’emprunt ou encore que les banques l’informent de tout changement intervenu au niveau de l’application de leurs frais et autres intérêts imposés aux clients. Êtes-vous à l’aise avec cette nouvelle proposition ?
Cette proposition remet en question la politique de libéralisation du secteur bancaire et financier en place depuis 1994 avec la suspension du contrôle de change et des taux d’intérêt. Ce serait une mesure interventionniste qui freinerait la compétition et découragerait le «investor confidence» non seulement dans le domaine bancaire mais dans l’économie en général. Ce serait un très mauvais signal pour l’investisseur étranger et le FDI (foreign direct investment).
 
Bramer Bank a été la première banque à réagir promptement à la proposition de la «Task Force» en lançant le compte Go tel que préconisé par la «Task Force». Est-ce que la MBA compte reprendre la question auprès d’autres banques commerciales pour qu’elles emboîtent le pas ?
Chaque banque réagira individuellement aux propositions de nature purement commerciales.
 
Comment la MBA compte-t-elle procéder quant aux recommandations et commentaires contenus dans ce rapport et des réunions régulières sont-elles prévues avec vos membres pour s’assurer que ces recommandations soient appliquées ?
La MBA se propose d’étudier le rapport en profondeur et fera connaître ses conclusions à la Banque de Maurice et à la Task Force sur les sujets d’ordre non compétitif par rapport à ses membres. Ceux-ci feront leurs recommandations à titre individuel sur tout sujet ayant trait aux taux pratiqués et autres frais.
 
On associe généralement la MBA à une association qui défend uniquement les intérêts de ses membres, donc principalement les institutions bancaires. Doit-on comprendre qu’elle se soucie moins des intérêts de ses clients ?
La MBA représente ses membres mais a un mandat beaucoup plus large par rapport au développement du secteur bancaire et de sa relation vis-à-vis de ses nombreux stakeholders, y compris sa clientèle. C’est dans cette optique que nous publions un «Code of Ethics and of Banking Practice» et ce depuis 2007 et qui est régulièrement mis à jour. Ceci n’est pas un engagement creux. Elle est souscrite par toutes les banques de l’association. Nous avons également récemment fait sortir un Guide aux Garants et la prochaine publication de la MBA sera sur les principes de KYC – KnowYour Client, c’està- dire les règlements imposés aux banques pour ce qui est du contrôle des clients et de leurs activités.
 
Par ailleurs, nous attendons toujours le Banking Ombudsperson, et ce, depuis la loi bancaire de 2004. Cette personne aurait permis aussi bien aux clients des banques qu’aux institutions financières d’obtenir un «fair deal».
 
Les frais et autres commissions se comptent en milliards en termes de revenus pour les banques commerciales. C’est d’ailleurs une de leurs principales sources de revenus. Prévoyez-vous des réticences de la part de vos membres pour revoir certains de leurs frais comme il a été recommandé par la «Task Force» ?
Les frais et les commissions sont principalement générés par les clients «corporates», souvent à l’étranger. C’est là toute la différence entre le marché domestique, dans notre jargon, le Segment A business de nos banques, et ce qui se fait offshore ou dans le global business, c’est-à-dire le Segment B business.
 
La décision de revoir les frais incombe aux banques individuellement car elle est d’ordre commercial. Elle repose, entre autres, sur le coût du capital, la concurrence interbancaire, le besoin de réinvestissement, la prise de risque et les nouvelles normes prudentielles de Bâle III qui entrent en vigueur incessamment.

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