Publicité
Kris Valaydon: «Je pense qu’on devrait interdire les alliances»
Par
Partager cet article
Kris Valaydon: «Je pense qu’on devrait interdire les alliances»

Militant foncièrement de gauche, avocat, chargé de cours… Kris Valaydon a plus d’une corde à son arc. Et il vient d’en ajouter une: celle d’écrivain. Auteur d’un essai romancé sur Paul Bérenger, il dit écrire pour les militants qui sont tombés en cours de route. Le déclic qui l’a poussé à écrire sur les «dysfonctionnements qui minent le débat politique à Maurice» : l’annonce du début de cancer du leader des Mauves.
Pourquoi un livre sur Paul Bérenger alors que les critiques à son égard fusent de partout ?
Selon moi, Paul Bérenger est le politicien le plus critiqué et ce depuis longtemps. Je dis dans mon livre qu’il a été le plus combatif des politiciens que ce pays ait connus. C’est comme pour dire qu’il a été le plus grand politicien, dans la durée et dans la substance. Puis, j'ai parlé du plus grand fléau que connaît le pays : le communalisme. Et comment ne pas parler de Bérenger, lui contre qui la plus intense campagne communale fut menée.
A voir la couverture et le contenu on ne peut s’empêcher de vous demander si vous êtes Bérengiste…
Je ne récuse pas un tel qualificatif. Si être Bérengiste veut dire reconnaître l’œuvre d’un homme et un combat qui dure depuis 45 ans, alors, oui, quelque part, je le suis. Mais si c’est pour dire que mes réflexions politiques passent nécessairement par une sorte de filtre, je vous dirais alors non.
Votre livre, du moins l’essentiel de votre écrit date de l’année dernière. Ce n’est que maintenant qu’il sort. Vous attendiez le bon timing ?
Pas du tout. Ce sont des circonstances que je ne maîtrise pas totalement (coûts, vérification, correction etc.). Puis, il y a le fait que c’est un livre politique qui met en avant Bérenger, un leader de l’opposition. Personne n’ose s’y associer. Même pour écrire une préface, il y a la peur d’être vu du mauvais côté, la peur de déplaire.
Actuellement Bérenger est critiqué par ses propres militants et certains ont même démissionné…
Le livre a été achevé l’an dernier dans un environnement usuel, animé par des pro et des anti Bérenger. Les choses n’ont pas évolué, autant que je sache. Bérenger est toujours soutenu par des milliers de Mauriciens, comme il y en a qui ne voteront pas pour lui.
Je reconnais que depuis avril dernier, il y a des militants et sympathisants qui ne sont pas d’accord avec sa position sur une alliance avec le PTr. Mais je précise bien que je change rien de mon texte original, et je n’ai pas voulu me laisser aller dans la facilité de la critique et de «join the band wagon».
J’ai choisi de ne pas me laisser emporter dans les vapeurs de l’actuel car la philosophie de mon livre est avant tout un réquisitoire contre le système, contre les dysfonctionnements au sein de notre système politique, contre le communalisme, contre le transfugisme, contre la transmission du pouvoir fondée sur la consanguinité, contre les microsystèmes et autres diviseurs de notre société, contre un système parlementaire et électoral dépassé, contre tout ce qui entraîne la déconstruction de notre nation.
Que pensez-vous des alliances ?
Je trouve que les alliances électorales demeurent le symbole de la déchéance politique d’un pays qui se divise de plus en plus à l’approche de chaque élection. Elles ne sont que des mécanismes qui reconnaissent l’existence du communalisme. Elles ont un fondement peu glorieux pour notre société.
Au fait, comme je l’ai écrit, les militants qui s’agitent ne sont pas contre les alliances. Ils disent non à une alliance avec un parti en particulier. Il y a deux raisons : la première, c’est la nouveauté, le fait nouveau. C’était le cas avec le PSM, et les autres partis avec lesquels le MMM avait, dans le passé, contracté une alliance. Au début, certains sont contre, mais petit à petit, ils finissent par s’habituer.
En règle générale, une alliance ne se fait pas autour d’un programme. La seule exception était peut-être celle que prévoyait une éventuelle alliance entre le MMM et le PTr autour de la réforme électorale. Sinon, une alliance est avant tout une alliance des communautés.
N’est-ce pas bien ainsi ? Réunir des communautés différentes dans un même projet ?
Oui, c’est mieux que rien. Mais la nécessité d’une alliance fondée sur la réunion des communautés traduit un problème dans notre système politique. Personnellement, et ce n’est pas dans le livre, je pense qu’on devrait interdire des alliances. Et remplacer par des arrangements pré-électoraux. Ce qui donnera à l’électeur plus de liberté dans l’expression de ses choix d’alliances.
Ce cri de cœur est un cri contre quoi, contre qui ?
C’est une réflexion contre le système. Mais tout système est fait d’institutions, de mécanismes ou de procédés. Et surtout, il est fait d’hommes et de femmes qui l’animent. Donc c’est une réflexion sur ce système politique que nous avons hérité de la colonisation, et qui n’a subi aucun changement depuis notre indépendance.
Quels sont ces éléments du système sur lesquels vous portez votre réflexion ? Est-ce que la réforme électorale nous apporte la réponse ?
Ce sont les grands dysfonctionnements du système, et pas uniquement le système électoral. La réforme électorale ne règle qu’une partie du problème, même si l’on peut considérer comme un pas important dans une démarche de faire progresser la démocratie chez nous. Le communalisme, le transfugisme, la transmission du pouvoir par la voie héréditaire, cette sorte de monarchie constitutionnelle qui ne dit pas son nom, le rôle effacé du Parlement, l’influence des religions sur le pouvoir sont autant de sources de dysfonctionnements.
Et quid du débat actuel sur le rappel du Parlement ?
Au-delà de l’actuel, il faut placer le Parlement dans un débat de fond sur le système. Et oser poser la question : est-ce que le Parlement sert vraiment à quelque chose ? Si ce n’est pas qu’une institution symbolique ? J’explique bien ma position sur la question de séparation des pouvoirs. Nous avons un système où l’exécutif domine le législatif, et le rôle de ce dernier ressemble plus à un rubberstamp. L’opposition peut bien causer, mais le projet de loi passera comme le gouvernement l’a voulu. Quant aux questions parlementaires, qui ne sont pas la première fonction du Parlement, le ministre peut répondre comme il l’entend.
Qu’en est-il de l’engagement politique ? Vous mentionnez que le contexte n’est plus le même que lors des années de braise.
Quand je dis que le contexte n’est plus le même, il y a certes un peu de nostalgie dans tout ça. Les conditions matérielles dans lesquelles vivent nos jeunes d’aujourd’hui ne sont pas comparables avec une période de chômage, de pauvreté où on avait perdu le droit à l’ambition. Et on n’avait rien à perdre en s’engageant. En fait, c’était plus ou moins un engagement intéressé, car notre avenir en dépendait grandement.
Avez-vous été un militant koltar à l’époque ?
Non. Moi j’étais plutôt un suiveur. Je n’ai jamais été dans les instances dirigeantes.
Vous pensez que le livre sera bien accueilli par les adversaires du jour de Bérenger ?
On ne peut s’attendre à ce que tout le monde en ait une bonne opinion, d’ailleurs ce ne serait pas bien que tous pensent du bien de ce livre. Cet ouvrage sert au débat. J’espère qu’il servira à lancer des discussions. Je dis d’ailleurs que le livre reste ouvert… comme un cœur.
«Cri du cœur», de Kris Valaydon, sera disponible en librairie à partir du lundi 30 juin.
Publicité
Publicité
Les plus récents




