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Lilowtee Rajmun: «Un AGOA trop court ne permet pas un retour sur investissement»
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Lilowtee Rajmun: «Un AGOA trop court ne permet pas un retour sur investissement»

La porte-parole des exportateurs, Lilowtee Rajmun, fait état d’un «seul bémol» quant au souhait du président Obama de renouveler l’AGOA: l’absence de signal clair sur le moment où ce renouvellement interviendra et sur la durée de l’extension.
À l’issue du sommet États-Unis-Afrique, le président Obama s’est prononcé en faveur d’un renouvellement de l’«African Growth and Opportunity Act» (AGOA). Comment la «Mauritius Export Association» (MEXA) accueille-t-elle cette déclaration?
Nous accueillons l’engagement du président Obama très favorablement. On sait qu’aux États-Unis, tout commence et se termine par le président. Nous pensons donc que c’est un signal fort qu’il a donné à la fois au Sénat et au Congrès américain.
Je dirais aussi que cet engagement a été très bien accueilli par l’ensemble du continent africain. De plus en plus de clients américains se tournent vers l’Afrique aujourd’hui, et si l’AGOA est renouvelé comme nous le souhaitons, je suis convaincue que ce sera un boost énorme pour l’Afrique. Et Maurice a tout à y gagner.
Pendant les dernières semaines, on a aussi entendu des déclarations favorables venant des membres du Sénat et du Congrès, à la fois démocrates et républicains. On a été également ravis d’apprendre que le plus grand regroupement de syndicats aux États-Unis, l’American Federation of Labor - Congress of Industrial Organizations, s’est prononcé en faveur de l’AGOA.
Je dirai que les développements de ces dernières semaines ont été très positifs pour nous. Cela dit, «the devil remains in the details» et c’est maintenant que le vrai travail commence pour nous.
Quelles sont vos attentes par rapport à la nouvelle édition du traité ?
À la MEXA, nous avons exprimé clairement notre souhait pour un renouvellement de l’AGOA sur une période de 15 ans. Notre second souhait est que la third-country derogation soit renouvelée sur la même période. C’est un aspect très important de l’AGOA pour l’industrie du textile (NdlR, cette exemption permet aux pays africains, dans le cadre de l’AGOA, de s’approvisionner en produits autres que le coton de pays hors du continent africain et des États-Unis).
L’Afrique ne produit pas toutes les matières premières et cette dérogation permet aux producteurs africains d’élargir la gamme de produits qu’ils peuvent proposer aux clients américains et ainsi augmenter leurs parts de marché aux États-Unis.
Ce que nous craignons, par contre, c’est que le renouvellement intervienne après décembre. Il faut savoir que nos exportateurs ont besoin de neuf mois au moins pour confirmer les commandes.
Nous ne voulons surtout pas faire face à la même situation qu’en 2012. La third-country derogation de Maurice avait été renouvelée en août cette année-là et nous avions perdu pas mal de commandes à l’époque à cause du manque de visibilité. L’absence de signal clair de la part du président Obama sur ces deux aspects, le moment où l’accord sera renouvelé et sa durée, est d’ailleurs le seul bémol à noter sur ces dernières semaines, à notre avis.
Un renouvellement de l’AGOA pour 15 ans, n’est-ce pas trop demander aux États-Unis ?
Pas du tout. Je dirais au contraire que, jusqu’ici, le caractère à court terme de l’AGOA n’a pas permis d’atteindre les objectifs voulus. Ceux-ci sont, d’une part, l’intégration régionale et d’autre part, le développement du secteur textile en Afrique.
Nous pensons qu’un renouvellement de l’AGOA sur le long terme est primordial pour le développement du secteur textile et non textile en Afrique. C’est ce qui va donner de la visibilité et permettra d’attirer les investisseurs.
La filature et le tissage, par exemple, demandent des investissements énormes. Et aucun investisseur ne va s’engager s’il n’a pas une visibilité à long terme sur un accord préférentiel comme l’AGOA. D’autant plus qu’il faut attendre jusqu’à huit ans avant d’obtenir un retour sur investissement satisfaisant. C’est pourquoi au niveau de la MEXA, nous mettons l’accent sur un renouvellement à long terme.
Maurice bénéficie du régime AGOA depuis bientôt 15 ans. Quelles ont été les retombées concrètes jusqu’ici?
L’AGOA a été très bénéfique à la fois pour le secteur textile et non textile. Entre 2008 et 2012, nos exportations vers les États-Unis ont augmenté de 95% et nous avons créé plus de 10 000 emplois directs. Aujourd’hui, nous exportons pour environ $ 338 millions vers les États-Unis.
L’AGOA a aussi favorisé l’implantation de trois usines de filature à Maurice, qui ont permis l’émergence d’un secteur textile rapide, efficace et verticalement intégré. Cela nous permet maintenant de réduire les délais de mise en oeuvre et de répondre plus rapidement à la demande de nos clients.
L’AGOA a également bénéficié énormément aux petites et moyennes entreprises locales. Nous en voyons de plus en plus qui ont la possibilité d’exporter sur des marchés niches aux États-Unis, ce qui n’était pas le cas avant l’AGOA.
Comment expliquer que Maurice ne soit pas encore compétitif sur le marché américain 15 ans après la première version de l’AGOA?
Je pense que Maurice est compétitif dans des créneaux spécifiques. Il faut rappeler que nous sommes en compétition avec des pays comme le Cambodge, le Bangladesh, et le Vietnam, qui exportent beaucoup plus que nous. L’Afrique subsaharienne dans l’ensemble compte pour moins de 1% des exportations de textile et d’habillement vers les États-Unis.
Cela dit, nous arrivons à envoyer 14% de nos exportations vers les États-Unis en ciblant des marchés niches. Maurice est aussi perçu comme un pays qui respecte les délais et les normes sociales, ce qui joue en notre faveur. Bien entendu, nous n’arriverons jamais à rivaliser avec des pays comme le Cambodge, mais nous sommes assez satisfaits de notre performance.
Ne devrions-nous pas tirer des leçons de notre trop grande dépendance sur les accords préférentiels dans le passé? Accord multifibres pour le textile, quotas sucriers…
Si vous analysez notre performance, vous verrez que si Maurice a pu briller en tant qu’exportateur, que ce soit dans le textile, le seafood ou la bijouterie, c’est un peu grâce à nos accords préférentiels. Ceux-ci nous exemptent de droits de douane, qui vont jusqu’à 20% du prix dans certains cas. Ces exemptions ont des répercussions directes sur le coût de nos produits et nous donnent un avantage considérable sur nos compétiteurs.
Cela dit, nos exportateurs sont bien conscients qu’on ne peut pas bénéficier éternellement de cette couverture. D’où l’idée de toujours s’améliorer au niveau de l’efficience et de la productivité. À mon avis, le secteur de l’exportation figure aujourd’hui parmi les plus productifs et les plus efficients à Maurice. L’innovation et la quête de l’efficience sont une question de survie pour nous.
Nous savons que les États-Unis souhaitent se diriger vers un modèle de libre-échange avec les pays africains. Pensez vous qu’une telle configuration sera bénéfique à Maurice?
Nous croyons au libre-échange. .Nous travaillons d’ailleurs déjà sur un Trade and Investment Framework Agreement entre Maurice et les États-Unis. Ce sera un accord bilatéral entre les deux pays.
On est très ouvert sur la question. Mais le moment n’est pas encore propice. C’est un travail de négociation qui va prendre du temps. On l’a vu dans le cas de l’Economic Partnership Agreement que l’Europe veut conclure avec les pays africains. Les négociations durent depuis six ans.
Nous pensons que c’est un travail qui doit être fait parallèlement au renouvellement de l’AGOA. Pour l’instant, l’AGOA reste la priorité.
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