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Sheila Bappoo: «Les mineurs doivent être jugés comme des adultes dans certains cas»

20 août 2014, 17:18

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Sheila Bappoo: «Les mineurs doivent être jugés comme des adultes dans certains cas»

La situation au sein du «Rehabilitation Youth Centre Girls» (RYC) est devenue ingérable pour les autorités. La recrudescence de la violence dans ce centre censé encadrer les jeunes filles délinquantes suscite des inquiétudes. Parmi les solutions identifiées par le gouvernement : la création d’un centre correctionnel pour les mineures, comme il en existe pour les garçons, une refonte des structures abritant les jeunes difficiles et une approche différente envers eux.

 

Un groupe d’adolescentes détenues au RYC s’est livré à des actes de vandalisme dans la soirée de samedi. Était-ce simplement de la violence gratuite ou avaient-elles vraiment de bonnes raisons ?

Il y a un peu des deux. D’abord, il faut savoir que la trentaine de filles détenues dans ce centre ne sont pas toutes des rebelles. Il y a des filles très calmes, qui répondent positivement à leur programme de réhabilitation. Il n’y a qu’une infime partie des filles qui sème la violence. Ces dernières se révoltent d’abord contre elles-mêmes. Elles se rebellent contre ce qu’elles sont. Du coup, elles se dressent aussi contre ceux qui les entourent, dont les médecins, les psychologues, le personnel du RYC et les vigiles. Elles n’acceptent pas d’être détenues là. Mais elles y ont été placées à la suite d’une décision de la justice. Elles font du mal à la société. Il nous faut faire en sorte qu’elles soient capables de réintégrer cette société. L’autre raison pouvant être à l’origine de leurs actes de vandalisme, c’est que ces adolescentes ont, malheureusement, grandi dans des milieux où la violence a été leur lot quotidien. Souvent, elles ont eu une enfance difficile et elles ont elles-mêmes été des souffre-douleur. Le résultat d’un tel bagage familial est qu’elles finissent par avoir de graves démêlés avec la justice. Ce qui est malheureux, c’est que tous les cas sont mélangés dans le centre de réhabilitation. Les délinquantes qui ont commis toutes sortes de délits sont détenues dans un seul et même bâtiment. Les plus violentes finissent par influencer celles qui présentent des signes positifs d’amélioration.

 

Ce petit groupe de filles compte aussi des tentatives de fugue et est accusé d’avoir commis une série d’actes d’indiscipline. Que compte faire le gouvernement pour gérer cette situation ?

Le gouvernement accorde de l’importance à la réhabilitation des enfants délinquants. En 2004 et 2005, le budget du RYC était de Rs 9,7 millions et j’ai hérité de cette situation. À présent, le budget est passé à Rs 22,7 millions. Nous avons investi dans un programme de réintégration. Quand je suis arrivée à ce ministère, j’ai dû faire un état des lieux et à l’époque, il n’y avait pas ce nombre de filles délinquantes. Aujourd’hui, beaucoup plus de filles que de garçons ont des démêlés avec la justice. Quand le centre correctionnel pour les garçons, placé sous l’égide du Prime Minister’s Office, avait été créé, il n’y avait pas lieu d’en construire un pour les filles. Mais après la première mutinerie dans la section des filles en 2005, nous avons revu notre posture. Nous avons reçu l’aide d’experts français pour rectifier notre approche.  Ils ont eu pour mission de relever les failles de notre système et de faire un rapport. Et parmi ces manquements, il nous fallait recruter du personnel spécifiquement destiné à s’occuper de ces enfants. Et il nous manque encore du personnel.

 

Tout ce qui a été fait depuis 2005 n’a pas empêché les événements de samedi dernier. Elles sont des récidivistes. Pourquoi n’arrive-t-on pas à les encadrer convenablement ?

 

Depuis la mutinerie de 2005, il n’y a pas eu d’actes de délinquance de cette ampleur. Mais depuis l’arrivée de ce petit groupe de filles dans l’établissement, la situation s’est détériorée. Il y a eu des fugues mais aussi des tendances suicidaires. Nous avons eu le cas d’une fille qui a avalé des morceaux de vitre. Tout est parti d’une bousculade entre détenues ; cette fille a atterri sur un panneau de vitre qui s’est brisée en mille morceaux et elle s’est ruée dessus pour en ramasser et en manger. La situation devient très difficile à gérer, il faut intervenir au plus vite. Et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai expliqué au conseil des ministres qu’il nous fallait un centre correctionnel pour les filles aussi. Nous sommes en consultation avec le commissaire des prisons, Jean Bruneau. Nous savons également que nous pouvons toujours compter sur l’aide française. De plus, nous devons séparer les délinquantes de par la nature des infractions qu’elles ont commises. L’autre manquement noté, c’est que la Juvenile Offenders Act de 1998 est complètement caduque. Mes anciens collègues Rama Valayden et Yatin Varma se sont penchés dessus. Il faut revoir la loi, les structures où sont détenues les mineures. Deux blocs de bâtiments en béton, ce n’est pas l’idéal pour les encadrer. Souvent, ce dont elles ont besoin, c’est d’un encadrement familial avec des house mothers. Il ne faut pas que pour des délits mineurs, le centre de détention ressemble à une prison.

 

Si l’on considère que les adolescents d’aujourd’hui sont l’avenir du pays, l’ampleur de la violence chez les mineurs à de quoi inquiéter...

C’est souvent la faute des parents. Je suis inquiète de ce qui se passe au sein des familles. Dans toutes les religions, on prêche les valeurs familiales et l’importance des parents dans l’éducation des enfants. Mais je pense également aux garçons. Ce sont eux qui font que les femmes deviennent des victimes. Je pense aux garçons en bas âge et j’insiste pour que les hommes repoussent la violence. On ne peut pas laisser les jeunes sans guide. Je suis d’accord que le gouvernement a un rôle à jouer, mais il ne faut pas oublier celui des parents et des ONG.

 

Que pensez-vous de la proposition du DPP à l’effet que les mineurs soient jugés comme des adultes dans des cas de sérieux délits ?

Quand vous dites délits sérieux, je pense aux meurtres mais aussi au viol… et au viol collectif. Je connais la position du Directeur des poursuites publiques et je pense personnellement qu’il faut pouvoir juger des mineurs comme on le fait pour les adultes. Toutefois, il nous faut une structure adéquate comme une Juvenile Court. Les ONG pourraient également jouer un rôle précis. En Angleterre, par exemple, des travailleurs sociaux accompagnent les enfants qui ont des démêlés avec la justice. Les enfants prennent des décisions. En tant qu’autorités responsables, il faut que nous arrivions à remettre ces enfants sur les rails afin qu’une fois devenus adultes, ils puissent être intégrés à la société. J’estime qu’il faut pouvoir les juger. C’est parce que nous n’avons pas de structures que nous faisons toujours face à des difficultés.

 

Retrouvez une précision du bureau du Directeur des poursuites publiques

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