Publicité
Mukesh Balgobin: rendre la vie meilleure au Champ-de-Mars
Par
Partager cet article
Mukesh Balgobin: rendre la vie meilleure au Champ-de-Mars

«Je ne dis pas le contraire : les courses hippiques n’ont jamais été à 100 % correctes dans le passé. Mais maintenant,on a atteint le paroxysme ! Je ne suis la caisse de résonance de personne. Je suis un franc-tireur. Quand je ne suis pas d’accord avec quelque chose, je le dis. Je l’ai fait avec mon père dans la gestion de l’entreprise familiale et il en est ainsi là où je passe, y compris au MTC. Je suis pour la transparence», déclare Mukesh Balgobin lorsqu’on lui dit que la rumeur le transforme en «homme de Jean-Michel Giraud». Pour rappel, ce dernier, ancien président du Mauritius Turf Club (MTC), avait confié, dans une interview à l’express dimanche, avoir informé le Premier ministre sur ce qui ne tournait pas rond au Champ-de-Mars et ce, une semaine avant l’annonce officielle d’une commission d’enquête sur les courses hippiques.
Mukesh Balgobin est le huitième des dix enfants de Ramsurransing Balgobin, propriétaire d’une entreprise d’importation de fertilisants et de pesticides. Il déclare avoir toujours nourri un amour pour les chevaux. Mais si lui et les siens se rendaient au Champ-de-Mars du temps où il était encore adolescent, c’était surtout en raison de l’atmosphère conviviale qui y prévalait. «Le Champ-de-Mars à l’époque était davantage un lieu de rencontres qu’un temple pour zougader. On y rencontrait des amis, on bavardait tout en écoutant les morceaux exécutés par les membres de l’orchestre de la police sous la direction de Philippe Oh San. C’était extraordinaire.»
Et lorsqu’il ne peut effectuer le déplacement, Mukesh Balgobin, qui intègre l’entreprise familiale à la fin de sa scolarité au collège St Mary’s, écoute le compte rendu des courses à la radio. Graduellement, lui et des amis finissent par s’essayer au jeu, notamment au coup double. Mais ses responsabilités au sein de l’entreprise R. Balgobin & Co.Ltd prennent le dessus.
Issu d’une famille travailliste, à 23 ans, il se voit offrir un ticket pour les élections municipales de 1977 à Beau-Bassin/Rose-Hill. Son coup d’essai est un coup de maître car il est élu aux côtés de Gaëtan Raynal et de Robert Rey. Il siège au conseil jusqu’à 1981, année de son mariage avec Amita. C’est aussi l’année où il perd son père. Il doit alors consolider l’entreprise familiale, tout en concentrant son énergie dans l’ouverture d’un supermarché à Port-Louis. Et il a le flair d’offrir, quelques années plus tard, une alternative aux denrées alimentaires importées d’Europe et d’Afrique du Sud sous forme de produits alimentaires malaisiens.
La première année, il a eu du mal à convaincre les commerçants à acheter ses produits. «Je peux dire que j’ai été un des pionniers dans l’importation de produits de la Malaisie car on remettait en question leur qualité alors que ce sont de bons produits. Vous savez, les grands fabricants vont toujours dénigrer les autres».
En 1998, il décide de diversifier et se lance notamment dans la commercialisation de whisky écossais sous le nom de MBL Distribution, soit Mukesh Balgobin Ltd Distribution. Avant que le temps légal pour cette appellation ne soit écoulé, la Mauritius Breweries Ltd lui sert une mise en demeure l’interdisant d’utiliser leur sigle. Mukesh Balgobin, qui a un attachement sentimental pour ses initiales, se débat comme un beau diable et obtient finalement gain de cause. Ce père de trois enfants – Kareena, 31 ans, avocate, Trishna, 29 ans, diplômée en International Business auprès de grandes universités bostonienne et londonienne, qui l’a rejoint dans l’affaire familiale, rebaptisant la compagnie Much Better Life, et Mrina, 19 ans, qui étudie actuellement le droit et le business en Grande-Bretagne – se remet à fréquenter le Champ-de-Mars pour mieux booster la vente de ses produits.
Il commence par parrainer des courses à chaque journée et invite même ses fournisseurs étrangers à effectuer le déplacement pour y assister. «À partir de là,quelqu’un m’a proposé d’acheter un cheval et d’être membre d’une écurie.» Il avoue que c’est son épouse Amita, Portlouisienne de souche, qui a insisté pour qu’il accepte.
Comme l’entraîneur Philippe Henry a une très bonne réputation, il le rencontre et ce dernier le prend comme membre et lui conseille même quels chevaux acheter. Au fil des saisons, il en achète une dizaine. Son cheval fétiche nommé Rhythmically lui fait remporter la Coupe d’or en 2003. Deux ans plus tard, ce même cheval remporte la Barbé Cup et la Coupe d’or et sort second dans la course au Maiden. Mukesh Balgobin est alors le plus heureux des hommes. «Feue Elisa Lagesse me disait que le jour où je ramènerais mon cheval gagnant au paddock, j’oublierais le monde qui m’entoure. Et c’est vrai. On éprouve une montée d’adrénaline extrême et on oublie tout.» Entre 2002 et 2006, l’écurie Philippe Henry est l’écurie championne remportant le plus de courses en termes de stakes money.
En 2006 toutefois, Philippe Henry se retire du Champ-de-Mars. Mukesh Balgobin rejoint alors le frère de celui-ci qui est décédé récemment, soit l’écurie Serge Henry. Des victoires sont encore au rendez-vous pour lui.
En 2007, plusieurs personnes le sollicitent pour qu’il soit candidat au poste de commissaire administratif et il se laisse convaincre. Il est élu à l’unanimité. Si d’après ses statuts, le MTC doit être administré par le président, ses cinq commissaires administratifs et le secrétaire, dans la pratique, c’est une autre histoire. «En 2008, j’ai trouvé que quelque chose ne tournait pas rond. Je n’étais pas d’accord avec la façon de faire du président Gilbert Merven.» En sus de trouver que celui-ci dirigeait le MTC en autocrate, il le trouve trop clément, notamment envers le jockey australien Danny Nikolic qui a tenté de gifler un commissaire. «Je n’étais pas au pays quand cela s’est passé mais à mon retour, j’ai dit qu’il fallait sanctionner ce jockey. Je me suis retrouvé esseulé sur cette question.»
Lorsque ses deux enfants qui sont aussi membres du MTC posent une question sur les voyages du président lors d’une assemblée générale, le lendemain, ils se voient interdire l’accès comme membres pour un an. «Et la descente s’est poursuivie. À un moment, j’ai dit qu’il ne fallait pas laisser la mafia s’infiltrer dans le board des commissaires et Gilbert Merven m’a demandé de prendre du recul. Mais je ne l’ai pas fait. Ce que Giraud et moi avons en commun, c’est notre franc-parler. Et c’est pour cela que les gens nous associent. Mais je ne suis pas un béni oui-oui. Trouvez-vous normal qu’un bookmaker soit aussi propriétaire de chevaux? Il y a beaucoup de prête-noms au Champ-de-Mars et tout le monde le sait mais la situation perdure. L’éthique s’est envolée.»
Cela explique qu’il ne se soit pas représenté à la fin de son mandat de commissaire administratif. Mukesh Balgobin se dit totalement en faveur d’une commission d’enquête et, qui plus est, présidée par des étrangers «car cela garantirait la transparence». Il ne comprend pas sur quelle base légale la motion de révocation du président du MTC réclamée par plus des 125 membres, dont lui, a pu être jugée irrecevable. «Nous n’avons eu aucunes explications. Nous rechercherons aussi un avis légal», dit-il.
Comme le MTC est un club privé, les contestataires ne peuvent saisir la cour. «On essaie de changer les choses de l’intérieur», dit-il. Mukesh Balgobin pense que les statuts au sein du MTC doivent être revus afin, par exemple, qu’un président ne puisse pas cumuler plus de deux mandats et que tous les membres élus commissaires administratifs et les propriétaires d’écuries soient dans l’obligation de déclarer leurs avoirs tous les ans.
Depuis le début de la saison hippique 2014, Mukesh Balgobin ne s’est pas rendu au Champ-de-Mars une seule fois. «Il n’y a plus d’ambiance. Le Members Guest est vide. Et puis, je ne veux pas être hypocrite. Je note aussi que le public joueur n’est plus aussi présent et que le bilan financier du MTC est plutôt négatif. Cela fait craindre pour l’avenir de ce club bicentenaire. J’attends la commission d’enquête car il faudrait une Much Better Life au MTC… »
Publicité
Publicité
Les plus récents




