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Michel de Spéville,président exécutif, Food & Allied Ltd: «Il faut un développement inclusif pour préserver l’harmonie sociale»
19 novembre 2014, 05:00
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Michel de Spéville,président exécutif, Food & Allied Ltd: «Il faut un développement inclusif pour préserver l’harmonie sociale»

Michel de Spéville, fondateur et président exécutif du Groupe Food & Allied, revient sur sa passion pour l’entreprise et annonce la poursuite de sa stratégie de diversification en Afrique.
Le pays est en pleine campagne électorale. Que pensez-vous de ces élections et comment les vivez-vous ?
Ces élections, je les vis avant tout comme citoyen, mais aussi évidemment comme dirigeant d’un groupe d’entreprises engagées à Maurice et dans la région. En tant que citoyen, je considère que c’est un moment d’une extrême importance dans la vie démocratique du pays, où les citoyens ont la possibilité, voire le devoir, de choisir ceux en qui ils croient pour diriger le pays. Je suis avec beaucoup d’intérêt la campagne et les propositions des uns et des autres sur la façon dont ils comptent relever les nombreux défis auxquels le pays fait face sur les plans socio-économique et culturel.
Au niveau des discours politiques, on note plus ou moins les mêmes objectifs, soit la justice sociale, la croissance, la création d’emplois et le combat contre la fraude et la corruption. Ce qui change, évidemment, ce sont les moyens envisagés pour y arriver.
Un élément essentiel, c’est la confiance à tous les niveaux. Il est important que les différentes formations politiques conservent un niveau de débat axé sur les objectifs et les moyens afin de convaincre les citoyens et d’éviter des dérapages qui risqueraient de porter atteinte à la cohésion sociale, qui est une priorité.
On connaît votre passion pour l’entreprise. Vous êtes vousmême un entrepreneur hors pair, ayant fondé le Groupe Food & Allied qui est 4e au classement des entreprises du pays. L’entreprise, c’est quoi, pour vous ?
L’entreprise est à la base de la création de richesses. C’est un rassemblement de moyens et un moteur de développement par excellence. Il y a les grandes entreprises et les multinationales qui sont essentielles pour créer la croissance mais aussi la petite entreprise qui offre des possibilités de développement et d’autonomie au plus grand nombre et contribue significativement à l’équilibre social.
La «petite entreprise» c’est, bien sûr, la «semence du savoir-faire». Elle est à dimension humaine, facilitant le relationnel, le management participatif et a le potentiel de grandir avec des valeurs qui restent à la base de sa culture.
Avec les problèmes de pollution, d’équilibre biologique etc., l’entreprise a un rôle crucial à jouer et ne peut plus avoir comme seul objectif le profit. Le profit est, de toute évidence, à l’entreprise ce que l’air est à l’être humain, on ne vit pas pour respirer mais on respire pour vivre. L’entreprise doit évoluer avec cet équilibre essentiel qui garantit sa pérennité.
Vous avez toujours défendu et cherché à promouvoir la petite entreprise. Qu’est-ce qui motive, chez vous, cette approche ?
Dans les années 80, je rencontrais régulièrement des entrepreneurs en herbe qui éprouvaient du mal à se faire entendre. Nous avons alors créé le Centre de promotion de la petite entreprise (CPPE) au centre du village de Gentilly, à Moka, où les aspirants entrepreneurs venaient se documenter pour avoir des idées ou pour acquérir le savoir-faire lorsqu’ils avaient un projet. Une bibliothèque, un secrétariat, un économiste à plein-temps accompagnaient les entreprises naissantes pour la préparation des projets, les démarches auprès des autorités ou des banques et pour la formation à la gestion.
Des douzaines de petites entreprises ont été ainsi créées dans la plus grande simplicité et certaines d’entre elles se sont même développées à l’exportation (chaussures, fleurs, lingerie) et sont devenues des entreprises importantes. La franchise «Chantefrais» représente, par exemple, environ 120 petites entreprises à travers le pays et quelque 500 emplois.
Par ailleurs, avec la Maison du Petit Aviculteur créée dans les années 70-80, où des conseils aux éleveurs, des poussins, de la nourriture etc., étaient fournis, des milliers de petites entreprises ont été créées, sans compter les services autour qui génèrent des emplois.
Nous avons ainsi contribué à créer et à structurer la filière avicole comprenant des milliers d’opérateurs, grands et petits, qui contribuent non seulement à la sécurité alimentaire mais beaucoup à l’économie sans compter l’offre entièrement diversifiée au bénéfice des consommateurs.
Vous êtes allé hors des frontières depuis quelques années déjà. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce grand pas ?
Maurice est un «great little country», le «great» est en grande partie dû au fait qu’on soit «little», ce qui a permis le développement d’une nation qu’on aime appeler «Arc-en-ciel», où les immigrants venus de tous les continents ont su grandir en s’enrichissant de la culture des autres. Nous sommes donc ouverts naturellement vers l’extérieur. Mais il y a aussi le fait que le marché est à la dimension du pays. Aller hors des frontières avec de nouveaux horizons est nécessaire.
À Madagascar, où nous sommes implantés depuis 20 ans, nous y sommes allés avec le même esprit et le même enthousiasme que lorsque notre aventure a commencé à Maurice.
À Madagascar, nous avons développé des opérations dans un climat d’interdépendance avec les citoyens malgaches, où nous traitons des aspects techniques : reproduction, production de nourriture, abattoir, et des services offerts aux éleveurs Nous avons développé, comme à Maurice, la filière avicole.
Aujourd’hui, nous attaquons une nouvelle phase qui consiste à structurer la filière production de maïs et de soja. Madagascar est un grand pays et il existe un fort potentiel de développement. Toutefois, il y a d’autres contraintes que nous abordons avec beaucoup de sérénité et de conviction. Le relationnel, où la «confiance» est en priorité, est la base de notre engagement à Madagascar.
Par ailleurs, nous sommes également actifs à La Réunion, aux Comores, aux Seychelles mais dans d’autres activités plutôt axées sur les services, la logistique, le marketing, la publicité, les conseils.
En Afrique de l’Est, quoique toujours au stade de projet avec un bureau au Kenya, nous avons prioritairement comme objectif le développement de la filière avicole intégrée comme à Maurice et à Madagascar.
Depuis quelque temps, le maître mot est la diversification. Au fil des années votre groupe a incarné la diversification. Une manière de traduire l’adage qui dit qu’il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier...
Effectivement la diversification a été une constante dans le développement du groupe. La première diversification a eu lieu à travers l’intégration verticale. Ainsi, au moment de la création de Food & Allied Industries Ltd en 1965 déjà, nous avons eu l’idée de créer une filière avicole intégrée avec la production de nourriture pour volailles en amont et des usines de transformation en aval. Puis sont venues la restauration et l’hôtellerie. Cela vaut aussi pour les légumes avec Maurifoods en 1974. Maurilait en 1976, LFL en 1977, KFC en 1983, la création des Moulins de la Concorde en 1989 pour garantir l’approvisionnement en farine de qualité optimale et plus tard l’hôtellerie aussi en 1996.
L’autre phase de diversification s’est enclenchée quand les activités de production alimentaire nécessitaient les services de support. Il y a ainsi eu le marketing et la distribution avec Panagora en 1974, la publicité avec Circus en 1995, la logistique et le fret avec FTL en 1994 ou encore l’informatique avec New Edge Solutions en 2002. Manifestement, la diversification a été un accompagnement important pour le développement du groupe.
D’autre part, notre engagement dans l’hôtellerie est venu du fait que nous pensions qu’il fallait contribuer à créer une autre image de Maurice que celle d’une simple destination de vacances et offrir des facilités pour promouvoir le pays comme une destination moderne et «Business friendly». Aujourd’hui, nous opérons Le Labourdonnais, Le Suffren, le Hennessy Park Hotel et l’hôtel de Port Chambly, chaque hôtel ayant sa personnalité.
Quel est votre regard sur la mondialisation et comment votre groupe la vit-elle aujourd’hui ?
La mondialisation touche directement et indirectement tous les secteurs d’activités, même si certains sont plus touchés que d’autres. La libéralisation des échanges suivant les accords du General Agreement on Tariffs and Trade (GATT) dans les années 1990 a été une source de défi . Avec plus d’acteurs – producteurs et acheteurs – sur le marché, les producteurs doivent relever en permanence le défi du rapport qualité/prix de la compétitivité.
Nous vivons cela comme des défis mais aussi comme des opportunités. Deux facteurs qui nous ont permis et nous permettent toujours de faire face à ce nouvel environnement économique. D’abord, nous n’avons jamais opéré dans des marchés protégés et ensuite notre culture d’entreprise est porteuse de qualité de nos produits et de services et c’est notre force.
Cependant, il reste toujours les risques de dumping et c’est important que les autorités en prennent conscience. Prenons le cas de LMLC – les minoteries dans tous les pays en compétition avec LMLC bénéficient déjà d’un marché chez eux et sont en plus protégées du dumping. La loi antidumping a été promulguée à Maurice en 2010 mais de faire un cas de dumping à l’OMC n’est pas facile surtout que l’importateur est une société parapublique.
Maurice se trouve à un tournant de son histoire économique avec de nombreux défis à relever. Quels sont selon vous ces défis. Et comment voyezvous l’avenir du pays et de votre groupe ?
Il nous faut apprécier le niveau et la qualité du développement que le pays a connu depuis l’indépendance. C’est une belle réussite. Tous les acteurs du développement et la population dans son ensemble ont apporté leur contribution. Effectivement, le pays est aujourd’hui à un tournant, devant opérer dans un environnement international en pleine mutation. Un des facteurs de réussite a été la synergie entre l’État et le secteur privé. Avec cette entente, le pays peut relever les défis économiques, de création de richesses et d’emplois, dans le but de faire notre entrée dans le groupe des pays à hauts revenus et de lutter contre la pauvreté et le chômage, dont celui des jeunes.
Pour ma part, je suis confiant dans l’avenir du pays car nous avons des atouts pour réussir.
Quant au défi du jour, il vise à oeuvrer pour un développement inclusif afin de préserver l’harmonie sociale. J’ai toujours eu foi dans le pays et nous avons oeuvré avec pour objectifs la sécurité alimentaire, la création d’emplois, l’économie de devises. Au niveau du groupe, nous allons investir dans le développement de nos entreprises existantes pour encore améliorer et grandir là où c’est encore possible.
Nous développerons d’autres créneaux en synergie avec les grands axes de diversification du groupe et du pays.
Charles Telfair Institute (CTI) est une réalité de cette stratégie de diversification du groupe. Est-ce un acte de foi dans ce nouveau pilier de l’économie ?
Nous croyons dans la formation depuis toujours. Cela a été un pilier de notre groupe. D’ailleurs, nous avons lancé la Société Madco Formation au début des années 1990 pour soutenir la politique de qualité avec l’introduction des cercles de qualité et un management participatif dans les entreprises de notre groupe.
La philosophie du groupe Food & Allied est entièrement alignée sur la promotion des talents et la valorisation de chacun. Il n’a donc pas été difficile de répondre par l’affirmative quand nous avons été approchés par un important groupe d’actionnaires de CTI pour prendre une part active dans la compagnie, renforçant l’actionnariat et participant ainsi activement au niveau supérieur de la formation professionnelle à Maurice.
L’ambition de Charles Telfair Institute est de promouvoir une synergie avec les entreprises du secteur privé local développant ainsi une collaboration et un partage d’expériences réciproques ; mais cela ne s’arrête pas là, car CTI a la volonté de contribuer au développement de Maurice en tant que «knowledge hub» de la région, en harmonie avec la volonté exprimée par les autorités à ce sujet.
Et les jeunes. Comment voyez-vous leur avenir?
Les jeunes représentent le printemps dans les saisons humanitaires. J’ai, personnellement, beaucoup d’estime et de considération pour la jeunesse de notre pays. Nous avons l’avantage d’être un microcosme du monde où, au cours des générations, s’est installée une symbiose des cultures et la jeunesse de Maurice a une valeur exceptionnelle ouverte sur le monde.
Il est essentiel de faire vivre la confiance parmi ces talents qui montent et qui ont beaucoup à porter au pays. Il serait utile d’envisager une instance comprenant des représentants des secteurs privé et public et des personnes spécifiquement qualifiées pour voir comment faire pour que les compétences citoyennes et les grands crus du sol ne s’envolent pas vers d’autres horizons. La jeunesse est notre principal «atout» de demain ; il est essentiel qu’elle occupe une place importante dans l’architecture du savoir et des compétences de demain.
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