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Travail du sexe: les périls du métier
16 décembre 2014, 17:16
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Travail du sexe: les périls du métier

Elles ont accepté de se livrer à cœur ouvert. Ces cinq femmes se confient sur les dangers qu’elles affrontent au quotidien, en amont de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux travailleurs du sexe, célébrée demain, mercredi 17 décembre et en mémoire des victimes assassinées.
Brutalité policière
«Le plus dangereux, ce sont les policiers saouls pendant leur service», confie Jocelyne, «ils peuvent aller jusqu’à nous battre ou faire du chantage en demandant des services en nature et en échange, ils nous laissent libres.»
Nicole poursuit: «Les policiers pensent que nous ne connaissons pas la loi et que la loi est entre leurs mains, comme nous faisons un travail illégal. Mais même si notre activité professionnelle est répréhensible, nous gardons nos droits de citoyens. Nous devrions pouvoir porter plainte en cas de brutalité policière ou de viol. C’est loin d’être le cas aujourd’hui !»
Pour Sophie Montocchio, coordinatrice du Mouvement Parapli Rouz, qui réunit 80 travailleuses du sexe et transgenres, demander l’accès des travailleurs du sexe à la protection de la police en cas d’abus «fera partie de la stratégie de plaidoyer de Parapli Rouz, mouvement que nous prévoyons de formaliser en début d’année 2015.»
Une source aux Casernes centrales fait toutefois remarquer: «Concernant la prise d’alcool pendant le service, le Standing Order de la police est clair: c’est interdit et si un policier se fait prendre par son chef hiérarchique, cette conduite sera sévèrement réprimandée.» Aussi, les règlements prévoient l’emploi de la force minimale, par exemple pour les arrestations. Et la matraque est utilisée très rarement.
Depuis février 2010, une grande réforme a été entamée pour passer d’une «force» policière à une police «de service», autrement dit «de proximité». Il faut garder en tête que la prostitution est une activité illégale, et comme les policiers empêchent les prostituées d’exercer cette activité, elles peuvent accuser à tort les policiers, en retour.
Toutefois, il est essentiel de préciser que comme tous les autres citoyens, les travailleurs du sexe peuvent faire une déposition à la police. «Si cette plainte concerne un policier, elle sera transmise directement à la Human Rights Commission. La victime, peut aussi contacter directement cette commission ou alors écrire au commissaire de police. Il n’y a pas de ‘tag’ sur les travailleurs du sexe, la police ne peut pas refuser de rédiger la plainte d’un(e) plaignant(e)».
Femmes policières
La présence de plus de femmes dans la police ne diminue pas la violence, disent nos interlocutrices. «Même quand une patrouille est composée d’une femme, elle laisse ses collègues ‘fer dominer’. Les policiers sont toujours solidaires entre eux», constate Jocelyne. Et d’arguer que si cette activité était légalisée, les travailleuses du sexe pourraient se rendre au poste de police, comme n’importe quel autre citoyen, sans crainte d’être détenues.
Le client
Les cinq femmes rencontrées dénoncent le fait que le client n’est jamais inquiété par la police – soit il peut partir sur le champ, soit il sert de témoin. «Dans la loi, ‘Any person who solicits or importunes another person in a public place for an immoral purpose’ peut être condamnée. Or, si la travailleuse du sexe ne bouge pas et que c’est le client qui fait la démarche de venir vers elle pour solliciter ses services, qui est le solliciteur ? Le client aussi devrait logiquement être poursuivi», observe Sophie Montocchio.
Jocelyne regrette aussi que les «statements» de la police soient rédigés en anglais: «Nous ne comprenons pas ce que nous signons, c’est injuste ! De toute façon, nous préférons ne pas discuter et rentrer à la maison nous occuper de nos enfants. Aujourd’hui, je connais mieux mes droits : droit au silence, droit de parler seulement au magistrat.»
Possession de préservatifs
Lucie explique: «Les policiers nous arrêtent, même si nous sommes seules dans la rue, parce que nous avons 6 ou 7 préservatifs dans notre sac, alors que c’est notre droit de nous protéger ! Or la possession de préservatifs n’est pas un délit !»
Sophie Montocchio poursuit: «Les arrestations suite à la possession de préservatifs est une réalité dénoncée par plusieurs travailleuses du sexe lors d’ateliers. Cette injustice figurera probablement dans les axes de plaidoyer prioritaires du mouvement».
Selon une source des Casernes centrales: «Si un policier arrête une travailleuse du sexe avec des préservatifs et s’il s’appuie sur ce fait pour établir le «case», cela ne peut pas donner lieu à commentaires, c’est une enquête. Ce sera à la cour de justice de décider ce qui est recevable comme preuve ou pas».
Manque de respect du public
Selon l’étude Integrated Behavioral and Biological Surveillance (IBBS) de 2012, 83,9 % des travailleuses du sexe ont déjà été victimes d’insultes. «Contrairement à ce que les gens croient, la prostitution n’est pas de l’argent facile, c’est un travail qui demande beaucoup de courage. Si j’arrête ce métier, je continuerai à militer au sein de Parapli Rouz et à avoir du respect pour les femmes et les transgenres qui travaillent dans la rue, dans les salons de massage, etc», confie Fany.
Nicole raconte qu’elle a déjà reçu «des oeufs pourris ou de l’eau souillée, jetés au visage depuis une voiture». «Si les gens prenaient le temps de nous parler, ce serait un grand pas !»
Visionnez la video: http://www.facebook.com/paraplirouz
Maurice compterait 7630 travailleurs du sexe
En 2012, l’étude IBBS du National Aids Secretariat en collaboration avec le ministère de la Santé et de la Qualité de la vie, faisait état de 9125 femmes travailleuses du sexe, soit 2,2 % de la population féminine âgée de 15 à 59 ans.
Une étude publiée en septembre 2014 par le National Aids Secretariat (Programmatic Mapping and Size Estimation of Key Population in Mauritius) dénombre en moyenne 6 223 femmes travailleuses du sexe dans les jours de pic (week-end) et 1 407 transgenres* engagés dans cette activité, soit une moyenne de 7 630 personnes exerçant ce métier.
Les Plaines-Wilhems concentrent le plus grand nombre de femmes travailleuses du sexe (44 %), suivies par Rivière-du-Rempart (14 %) et Port-Louis (12,5 %). Ces résultats serviront à mieux diriger les programmes de prévention vers les populations et les zones géographiques particulièrement à risque.
70% des travailleuses du sexe opèrent dans la rue et la plupart de manière indépendante. Les autres opèrent sur la plage, dans des boîtes de nuit, dans des hôtels ou des pensionnats, à domicile ou au sein des salons de «massage» recensés. Dans les pensionnats, les travailleuses du sexe seraient moins autonomes, certains pensionnats opérant sur le modèle des maisons closes. L’étude précise bien que tous les transgenres vivant à Maurice ne sont pas forcément engagés dans le commerce du sexe.
Pour plus d'infos: www.actotgether.mu
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