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Mahen Jhugroo : Le bazooka de service
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Mahen Jhugroo : Le bazooka de service

S’il a été déçu de n’avoir pas obtenu de maroquin ministériel, Mahen Jhugroo, le Chief Whip désigné de la majorité parlementaire, n’en laisse rien paraître. Le pharmacien de 54 ans semble au contraire être passé à autre chose. «Dire que je m’attendais à avoir un ministère est vrai. Mais sir Anerood Jugnauth, qui a une très longue expérience de la politique, a ses raisons et sait mieux que quiconque sur quels critères il s’est basé pour constituer son cabinet», déclare philosophiquement ce Vacoassien très apprécié des habitants de la région, dont plusieurs fréquentent la pharmacie familiale ouverte à la fin des années 90.
Politiquement, ce cadet de cinq enfants, dont le père a été un des partenaires de la pharmacie centrale à Vacoas dès son ouverture en 1960, a été très tôt nourri au lait du Mouvement militant mauricien (MMM) car il est apparenté tant à SAJ qu’à son épouse Sarojini. «Mawsi sir Anerood tom enn mo dadi ek couzin lady Jugnauth inn marie ar mo matante.»
Il a 16 ans lorsqu’a lieu la grève des étudiants. Il est alors scolarisé au collège New Eton, là où se déroulent les réunions des membres du MMM. Il est souvent aux premières loges. Lors de la cassure du parti en 1983, il lui semble normal de suivre SAJ et le Mouvement socialiste militant (MSM). «Je suis resté avec SAJ parce que nous sommes parents. Et puis j’ai toujours admiré sa droiture et sa façon de faire.»
Au niveau professionnel, lui rêve d’être avocat. Mais comme la famille n’a pas les moyens de financer ses études à l’étranger, il doit se montrer raisonnable. Aimant bien les matières scientifiques qu’il a étudiées à l’école et du fait que durant toutes ses vacances scolaires, il passait son temps à la pharmacie où travaillait son père, il opte pour des études en pharmacie.
Il suit des cours dispensés par des pharmaciens du ministère de la Santé. Et gagne sa vie en prêtant main-forte à son frère aîné qui a ouvert une quincaillerie à la route La Marie. Mahen Jhugroo et sa fratrie sont soudés comme les doigts d’une main. «Nous vivions des recettes de la quincaillerie et en même temps on payait les études de Sanjay, notre frère, qui est aujourd’hui professeur de dentisterie à l’université de Nancy en France.»
Il continue à suivre la politique de près et en 1990, Iswardeo Seetaram l’encourage à se présenter aux élections municipales. C’est chose faite l’année ensuite. Il est non seulement élu mais désigné maire de Vacoas-Phoenix. Il a pour colistiers Steven Obeegadoo, Eddy Boissézon et France Delbar. «À cette époque, j’ai eu une causerie de trois heures de Rajesh Bhagwan qui a eu envie de me former à la gestion d’une mairie. Cela m’a aidé énormément. Kan dimounn inn ed moi mo bizin rekonet li.»
Il obtient son diplôme de pharmacien la même année. Alors qu’il va récupérer son agenda oublié dans la maison familiale, il retrouve de vieilles connaissances établies en Grande-Bretagne venues rendre visite à ses proches, en l’occurrence la famille Jhurree. Dès qu’il pose les yeux sur leur fille, Shakuntala Devi, il en tombe amoureux. La réciprocité est telle qu’ils se marient à Blackpool en Grande Bretagne. Sa femme, de 13 ans sa cadette, et ses beaux-parents insistent pour que le jeune couple vive en Grande-Bretagne mais Mahen Jhugroo ne l’entend pas de cette oreille car il est trop piqué de politique.
En 1995, lorsque le MSM perd les élections, c’est la traversée du désert. En 1996, sa fratrie et lui ouvrent une pharmacie à Curepipe et il y travaille, tout en s’accrochant à la politique car son rêve est de faire son entrée au Parlement. Or, en l’an 2000, il n’obtient pas de ticket. Lorsque son parti remporte les élections, il est nommé General Manager des Outer Islands et va régulièrement à Agalega. «J’ai vécu comme un ami avec les Agaléens. C’est moi qui y ai introduit l’argent, qui ai fait construire la boulangerie. J’avais même un projet de port et d’aéroport que je n’ai pas eu le temps d’appliquer. Mais l’actuel gouvernement le concrétisera j’en suis sûr.»
Étant donné qu’il est appelé à siéger à de nombreux conseils d’administration – State Trading Corporation, Medical Council, Dental Council, Pharmacy Board, Trust Fund for Specialised Medical Care et Mauritius Oceanographic Institute – cela ouvre ses horizons. «Je n’étais pas député mais j’ai appris des tas de choses intéressantes sur divers secteurs. Samem pa kapav embet mwa.»
C’est en 2005 qu’il obtient son fameux ticket dans la circonscription de Port-Louis Nord-Montagne-Longue qui lui permet de réaliser son rêve de toujours et de faire son entrée au Parlement. C’est son colistier Joe Lesjongard qui l’incite à poser des questions. «E pwi sans ki monn gagne se ki mo finn asiz ant Dany Perrier ek Françoise Labelle, de fouter dezord kinn egalman ankouraz mwa poz kestion. Ler zot fou dezord, mo pa kapav assize gete.» C’est ainsi qu’à chaque séance parlementaire, il sort son bazooka et bombarde les ministres de questions.
En 2010, lorsque le MSM fait alliance avec le Parti travailliste, on l’envoie dans la circonscription de Mahébourg-Plaine- Magnien. Il y est élu en tête de liste. Nommé secrétaire parlementaire privé, il se démène pour faire aboutir de nombreux projets dans sa nouvelle circonscription. Il souffre toutefois du fait que les PPS ne soient pas autorisés à poser des questions parlementaires. «Ler mo pa poz kestion, mo santi mwa malad. Mo pa kapav asize dan Parlman san fer narnye. Mo agase. Mo plezir se poz kestion lor frod, skandal, bann zafer ki pa paret kler.»
Lorsque le MSM quitte le navire gouvernemental 14 mois plus tard, Mahen Jhugroo est aussi de la partie. Bizarrement, ses proches n’obtiennent pas de promotion dans la Fonction publique. Il est conscient que c’est en raison de ses choix politiques mais en même temps, il n’est pas homme à virer casaque. «Sa finn ankouraz mwa vinn pli agresif dan Parlman.»
S’il y a une séance parlementaire qu’il n’oublie pas, c’est celle où il est mis à la porte par le Speaker parce qu’il n’accepte pas que Shakeel Mohamed qualifie le MSM de plus petit parti du pays en lui accordant seulement 3 % de représentation. «Zordi mo fier ler mo konstate ki a very small party inn zet de pli gran parti du pei dan karo kann e ki so peser ek so labouet inn tas dan file.»
Est-il totalement familier avec les responsabilités d’un Chief Whip ? «J’ai fait deux mandats et je crois connaître un peu la fonction. E mem si monn zour bann politisyen dan Parlman, en deor, nou kamarad. Etan done ki monn touzour gard bon relasyon avek PTr ek MMM, mo panse li pa pou difisil. Me si mo pa kone, mo pa pou hesit dimann bann kamarad ki ena plis leksperyans ki mwa.»
Un Chef Whip pourra-t-il poser des questions ? «Pourquoi pas ? Mo pou kontinie poz mo kestion lor bann dossie. Mo pa pou kite. Sa mo plezir sa», laisse-t-il entendre.
Ce père de deux enfants, à savoir Pooja, 20 ans, ancienne élève du Queen Elizabeth College qui étudie la biochimie à l’université de Bath en Grande-Bretagne, et Dhiren, 16 ans, élève au Collège Royal de Port-Louis, attribue en partie la débâcle de l’alliance de l’Unité et de la Modernité au fait que le Parlement n’a pas siégé pendant trop longtemps. «Le Parlement est une institution sacrée. Parski li enn institution sakre e ki linn tro res ferme ki Ramgoolam pa ladan zordi.»
Que pense-t-il lorsqu’il regarde ses anciens alliés du Remake 2000 ? «En 2010, j’avais dit que le MMM serait encore dans l’opposition. Ce parti a été trop gourmand. Je lui souhaite bonne chance dans l’opposition. Du côté du MSM, zordi nou ena enn gouvernman a nou et nou bizin ratrap nou retar de dis banane.»
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