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Hemraj Ramnial: «Des jeunes seront recrutés et formés pour le marché du textile africain»

21 janvier 2015, 03:18

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Hemraj Ramnial: «Des jeunes seront recrutés et formés pour le marché du textile africain»
Hemraj Ramnial, Managing Director d’Esquel (Mauritius), explique de quelle manière le textile mauricien parvient à garder la tête hors de l’eau dans la conjoncture économique Internationale. Il estime que les jeunes représentent un vivier de cadres pour assurer l’avenir du secteur.
 
Face à la crise qui perdure dans les pays de la zone euro, quelle a été la stratégie adoptée par Esquel pour tirer son épingle du jeu et enregistrer une croissance d’une année à l’autre ?
Il n’y a pas de recette magique. Nous avons la chance d’écouler la totalité de notre production en direction du marché américain où nous bénéficions des avantages liés à l’accord commercial de l’Africa Growth and Opportunity Act (AGOA). Du coup, nous avions été épargnés par les effets de la crise européenne.
 
Mieux, face à la morosité du marché du textile en Europe, notre groupe a augmenté sa capacité de production. L’année dernière, il a exporté vers le marché américain plus de 14 millions de chemises, comparativement à 13 millions en 2013, soit une augmentation de 1 million de pièces.
 
Pour 2015, nous espérons réaliser une croissance de 5 %, ce qui portera notre production à 14,7 millions de chemises annuellement. Avec une main-d’oeuvre de 6 000 employés, dont la moitié ou presque relève des travailleurs étrangers, et compte tenu de la conjoncture économique internationale dans nos principaux marchés d’exportation, nous estimons que c’est une croissance raisonnable.
 
Cela étant dit, j’insiste sur le fait que cette performance n’est pas le fruit du hasard. Esquel, comme une des rares entreprises hongkongaise opérant à Maurice, a bâti sa réputation sur sa capacité à produire pour un marché niche. En fait, nous confectionnons des chemises de haute et moyenne gammes pour une brochette de magasins représentant des griffes internationales connues.
 
Nous avons par ailleurs su, au fil d’une trentaine d’années, développer un savoir-faire en proposant un meilleur rapport qualité-prix pour des chemises haut de gamme destinées à une clientèle souvent exigeante. Cette fidélité que nous entretenons avec notre clientèle nous rassure dans notre positionnement sur le marché.
 
Quels sont les facteurs qui ont permis de soutenir cette stratégie de croissance, d’autant plus qu’on sait que la compétitivité est devenue le maître mot dans ce secteur ?
Disons que nous avons une main-d’oeuvre formée et un personnel d’encadrement rodé qui est en mesure de répondre aux attentes de notre clientèle. Il ne fait pas de doute que nous travaillons dans un environnement hautement compétitif et que pour survivre, il faut que nous soyons productifs et que nous fassions preuve d’efficacité et de flexibilité dans le travail que nous entreprenons quotidiennement.
 
Vous avez raison de souligner que le maître mot est la compétitivité dans ce secteur. Chez Esquel, nous travaillons à rendre nos produits le plus compétitif possible en privilégiant un rapport qualité-prix qui attire et fidélise nos principaux acheteurs.
 
Certes, notre stratégie d’expansion nous a également permis de répondre efficacement à cette croissance réalisée au niveau de notre capacité de production. Il faut dire que, depuis 2005, nous avons ouvert de nouvelles unités de production à Grand-Bois, Goodlands et Flacq, ce qui nous a permis de recruter plus de 2 000 personnes pour soutenir cette stratégie.
 
Pour l’année en cours, nous envisageons de recruter 200 personnes sur le marché local. Elles seront appelées à opérer les machines. Une nouveauté, toutefois, figure dans notre stratégie de recrutement, celle d’avoir recours pour la première fois à la main-d’oeuvre rodriguaise, une manière de montrer notre solidarité envers les travailleurs de ce territoire mauricien. Si cette première expérience s’avère concluante, nous allons la rééditer régulièrement.
 
Enfin je dirai d’une manière générale qu’il nous faut recruter pour réduire le chômage grandissant dans le pays.
 
Vous êtes toujours optimiste pour ce secteur en 2015 ?
La nouvelle année qui commence sera l’occasion de consolider nos opérations mais aussi d’investir dans de nouvelles technologies.
 
Nous prévoyons à cet effet d’investir quelque Rs 150 millions dans l’acquisition de nouvelles machines entièrement robotisées pour doper notre productivité. Car il ne faut pas oublier que ce sont surtout nos gains en productivité qui permettront à nos produits d’être compétitifs sur le marché. Ce qui m’amène à dire que la modernisation de notre appareil productif est cruciale, et ce, à l’étape actuelle de notre développement. C’est tout le sens de notre positionnement sur le marché.
 
Par ailleurs, Esquel s’est donné les moyens d’améliorer son outil de production et ce depuis plusieurs années pour que les produits confectionnés à Maurice soient comparables à ceux manufacturés par les autres unités du groupe à l’étranger. Aujourd’hui, je n’ai pas à rougir de la performance d’Esquel Maurice, ce qui m’encourage à poursuivre le développement de cette usine dans la stabilité sociale.
 
Le chômage touche durement les jeunes aujourd’hui. Un jeune sur quatre est au chômage. Estimez-vous que le secteur textile peut représenter un nouvel eldorado pour ces jeunes qui sont en grande partie des diplômés ?
Je pense que oui. Aujourd’hui, force est de constater que lorsqu’on parle du secteur textile, on a une fausse perception qu’il n’y a que des machinistes qui y travaillent. Or, il n’y a pas que des machinistes dans le textile. Il y a des emplois pour des professionnels en informatique, en merchandising, en marketing, en ingénierie ou encore en design, etc. Il y a des jeunes diplômés qui sont venus avec leur CV et qui ont trouvé de l'emploi chez nous. En 2012, nous avons organisé une journée portes ouvertes pour permettre justement aux jeunes diplômés de constater de visu le niveau et la qualité de notre main-d’oeuvre. Et surtout l’environnement dans lequel les employés sont appelés à travailler.
 
D’ailleurs, beaucoup de ces jeunes diplômés avaient postulé et sont affectés aujourd’hui aux différents départements de l’usine pour renforcer l’équipe de «middle management».
 
Il faut savoir que les cadres qui y travaillent se font vieux et devront être remplacés dans le temps, d’où l’expérience que nous avons tentée en 2012. Notre démarche, c’est de constituer un pool de jeunes cadres qui seront mis au service de l’entreprise. D’ailleurs, nous comptons recruter cette année quelque 25 ingénieurs.
 
Est-ce que l’Afrique pourrait éventuellement intéresser les jeunes cadres mauriciens formés en textile ?
Pourquoi pas, car l’Afrique manque cruellement de cadres moyens dans ses usines de textile. Le textile africain va émerger comme un pilier économique solide ; cela représentera des opportunités immenses pour les jeunes Mauriciens. Il revient au secteur textile mauricien de se positionner pour en prendre avantage. À Esquel, nous nous sommes engagés à le faire mais il y faudra que le gouvernement vienne structurer ce projet en collaboration avec les entreprises de textile.
 
Vous employez près de 3 000 travailleurs. Estimez-vous qu’ils constituent un important maillon dans le textile mauricien ?
Une chose est sûre : il faudra pendant longtemps compter sur les travailleurs étrangers pour rendre ce secteur productif et compétitif. Ils sont à Maurice pour compléter et non pour rivaliser avec la main-d’oeuvre locale. Ils aident souvent les travailleurs mauriciens à avoir une vie sociale normale, sans la pression liée aux heures supplémentaires.
 
Chez Esquel, nous avons quelque 3 000 travailleurs étrangers sur un total de 6 000, principalement des Chinois, des Malgaches et des Népalais qui, incontestablement, aident, à travers leur assiduité et leur productivité au travail, à respecter nos engagements auprès de nos clients.
 
Il faut comprendre que ces travailleurs sont venus à Maurice pour travailler. Ils sont forcément plus appliqués et sont disposés de ce fait à «go the extra mile» pour gagner plus d’argent. Ce qui n’est pas le cas pour des travailleurs mauriciens qui opèrent dans un cadre différent avec des engagements sociaux et familiaux.
 
Estimez-vous que l’industrie du textile a encore un avenir ?
Certainement. Aujourd’hui, il est confronté à d’importants défis liés essentiellement à la conjoncture internationale. D’ailleurs, le ralentissement du marché d’exportation en Europe a fait que ce secteur n’a pas connu de croissance pendant au moins trois années. Au contraire, il était en décroissance. Cette année, on s’attend à une légère reprise en raison notamment des signes d’amélioration de l’économie européenne. Il faut que les entreprises se préparent et se positionnent pour prendre leurs parts du marché.
 
L’avenir de ce secteur passe également par la consolidation des entreprises existantes pour explorer de nouveaux marchés. À l’instar de l’Afrique du Sud où certaines entreprises ont commencé à exporter.
 
À l’avenir, je pense que ce secteur gravitera autour d’une demi-douzaine d’entreprises qui auront du muscle pour affronter les défis de la globalisation.
 
Quelle importance accordez-vous au renouvellement de l’AGOA qui arrive à terme cette année?
L’AGOA offre à Maurice et aux pays de l’Afrique subsaharienne la possibilité d’exporter sans droits de douane et sans quota sur le marché américain. Des préférences commerciales qui ont permis aux entreprises exportatrices locales d’assurer leur pérennité depuis l’an 2000 tout en conservant les emplois dans ce secteur.
 
Il va sans dire que la stabilité de ce secteur passe forcément par un renouvellement de cet accord commercial. Au cas contraire, je parie fort que beaucoup d’entreprises seront obligées de fermer boutique, avec des risques de licenciements.
 
Toute une campagne de lobbying a déjà commencé, réunissant les institutions du secteur privé et les différentes parties prenantes pour défendre le cas. Nous souhaitons que l’accord soit renouvelé pour une période de dix à 15 ans, le temps qu’on termine la consolidation des entités du textile qui restent encore.

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