Publicité
A Rivière-du-Rempart: adieu émouvant au «capitaine» du séga
Par
Partager cet article
A Rivière-du-Rempart: adieu émouvant au «capitaine» du séga

L’église Noces de Cana, à Rivière-du-Rempart, était bondée en ce samedi 31 janvier. Famille, amis, artistes ou tout simplement fans du ségatier Michel Legris avaient fait le déplacement afin de lui rendre un dernier hommage. Parmi eux, Bruno Raya, Claudio Veeraragoo, Ram Joganah, Menwar, ou encore Xavier-Luc Duval. Le son des ravannes, qu’affectionnait beaucoup le «capitaine», a rythmé la cérémonie.
C’est aux petites heures du matin, hier, que Michel Legris a tiré sa révérence. Agé de 83 ans, il avait été admis aux soins intensifs depuis lundi soir. Selon son épouse, Thérèse, les médecins lui avaient dit que «so disan feb». Mais si le «capitaine» du séga a lâché le gouvernail, sa boussole restera toujours une preuve de son authenticité.
Faisant partie du patrimoine de son vivant, le toujours vert Michel Legris était encore sur scène, le 19 décembre. Il participait à la soirée séga lontan, organisée à la mairie de Curepipe dans le cadre du Festival international kreol. Pour reprendre, plus de 40 ans après sa sortie, le titre qui a fait sa gloire et notre bonheur, Mo kapitenn.
Un séga emblématique qui le porte depuis qu’il lui a permis de remporter le concours Sugar Time, en 1972. Un concours de chant pour les employés de l’industrie sucrière organisé par PROSI, le bureau des relations publiques de l’industrie sucrière, et retransmis par la MBC. C’est à la suite de ce concours que Michel Legris enregistre son premier 45 tours de deux titres : Mo kapitenn et La saison marée noire. Deux tubes qui, avec Dalma Dalma, ont fait la gloire de l’homme à l’inimitable chapeau de paille. Sauf qu’après l’album Dalma Dalma, il ne souhaitait plus faire d’albums «pour ne pas nourrir les pirates», nous avait-il dit.
Mo kapitenn se caractérise par sa phrase en swahili, «apanawapi mo zoli sana», c’est-à-dire «il n’y a rien mais c’est joli». Est-ce lors de son passage sur le sol africain que Michel Legris a eu un petit faible pour le swahili ? Vers l’âge de 18 ans, il s’engage dans l’armée britannique. Il passe un peu plus de trois ans à la base de Cabritz, en Égypte. Fils de cordonnier, il se fait shoemaker dans l’armée.
Chants et danses en hommage à Michel Legris, ce samedi 31 janvier.
Travailleur assidu, Michel Legris a exercé plusieurs petits métiers pour gagner sa vie dont la cordonnerie, manoeuvre sur des chantiers, ou même gardien sur une propriété sucrière. Cela lui est arrivé d’aller à la pêche la nuit, pour pouvoir joindre les deux bouts. Il a aussi fait partie d’un groupe qui chantait dans les gamaat (les veillées de mariage).
Avant d’utiliser son talent pour faire résonner cette lapo kabri, Michel Legris était un fabricant de ravannes. Un artisanat qu’il prenait plaisir à expliquer, dans son atelier situé à son domicile de Plaine-des-Roches, Rivière-du-Rempart. Une méthode qu’il avait apprise en voyant faire ses aînés, qui à l’époque ne fabriquaient une ravanne que pour le jour de l’An.
Il fabriquait jusqu’à une dizaine d'instruments par semaine, comme en témoignait la peau rêche de ses doigts. Un beau métier pour celui qui n’a jamais caché qu’il ne savait ni lire ni écrire, car les circonstances ont fait qu’il n’a pas dépassé le «ti-bilo», à l’École des Frères de Rose-Hill.
L’une de ses fiertés était de pouvoir réciter, plus de 75 ans plus tard, Le paresseux, une fable qu’il avait apprise par cœur «kan mo ti dan lekol», disait-il. Après ses 75 ans, en 2007, il a été décoré par la République. Il a été fait Member of the Order of the Star and Key.
Michel Legris, c’était aussi un père de famille, efficacement épaulé par sa «nimero de», son épouse Thérèse. Ils ont eu 13 enfants, dont plusieurs sont aujourd’hui dans la musique.
Publicité
Publicité
Les plus récents




