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Imdardally Jahangeer : «Le MES doit continuer à mériter la confiance»
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Imdardally Jahangeer : «Le MES doit continuer à mériter la confiance»
Cela fait un mois qu’Imdardally Jahangeer, plus connu comme Ahmed, a été mandaté pour agir comme Officer in Charge du Mauritius Examinations Syndicate (MES). L’objectifqu’il s’est fixé : tout mettre en oeuvre pour que le MES conserve sa crédibilité.
Lorsqu’on prend connaissance du parcours d’Ahmed Jahangeer, 60 ans, on comprend mieux pourquoi il a été nommé Officer in Charge du MES. Car depuis qu’il y a été recruté, il a gravi les échelons et fait le tour de plusieurs départements. Du coup, il a une vision d’ensemble de l’institution. Bien qu’il soit silencieux sur le sujet, le fait qu’il ait eu à attendre autant d’années pour être nommé responsable indique qu’il n’était pas dans les petits papiers des puissants. La seule chose qu’il consent à dire est qu’avant 2005, il n’y avait pas autant d’ingérence politique au MES. Interventions qui ont fini par «atrophier et désenchanter». «Beaucoup de carrières ont été chamboulées.» Nous devrons nous contenter de ces ultimes remarques sur la gestion passée au MES.
Ahmed Jahangeer n’a pas honte de dire qu’il était un campagnard qui a dû partir vivre en ville pour pouvoir poursuivre son éducation. En effet, c’est à Brisée-Verdière qu’il grandit au sein d’une famille nombreuse puisqu’ils sont dix enfants chez les Jahangeer.
C’est son grand-père qui lui tient la main et lui apprend à dessiner les lettres de l’alphabet alors qu’il est tout petit. Bien que son père soit petit planteur et mercier à vélo, celui-ci est très conscient de l’importance de l’éducation et insiste pour que ses filles comme ses garçons soient scolarisés. C’est sur son insistance d’ailleurs qu’une partie de la famille migre vers la capitale et loue une chambre à Camp-Yoloff pour accueillir les plus jeunes qui vont entamer leur éducation secondaire dans les écoles port-louisiennes. C’est au collège Islamic qu’Ahmed Jahangeer étudie jusqu’en Form V. Il poursuit avec sa Form VI au collège Royal de Curepipe dans la filière Arts.
Voulant étudier le droit, il cherche à obtenir une bourse française. Mais l’année où il termine ses études, la France n’offre pas de bourse dans cette filière et il doit revoir ses projets. Ce sera donc à l’université de Maurice qu’il entame une licence en administration afin de pouvoir intégrer la fonction publique. On est en 1974. Il vit là ses meilleures années car en sus des cours qu’il trouve très intéressants, il intègre le Club des Trotters qui regroupe des étudiants de différentes ethnies qui réfléchissent beaucoup sur le devenir de la société mauricienne et qui, en bons patriotes, mettent tout en oeuvre pour libérer le sport de ses carcans ethniques. «Ces années ont été très formatrices pour mon orientation et ma philosophie de vie. Évoluer au sein de ce groupe m’a donné une ouverture d’esprit et des assises sur le pays. Tous ceux qui ont fait partie de ce club ont eu une riche carrière par la suite.»
Sa licence obtenue, Ahmed Jahangeer obtient un emploi d’enseignant dans un collège de Flacq. Il prend plaisir à éveiller les jeunes esprits et y reste dix ans. Il décide de modifier légèrement sa trajectoire professionnelle lorsqu’il note que le MES recherche un Examinations Officer. Il postule et est recruté en 1989. Il a la chance d’opérer sous la direction du tandem constitué par Surendra Bissoondoyal et feu Netthy Rangasamy qui «ont fondé les bases de l’institution». Neuf ans plus tard, il est nommé Senior Examinations Officer et est muté dans tous les départements, notamment ceux chargés de l’administration des examens du Certificate of Primary Education (CPE), de la Form V, de la Form VI, la section administration, le secrétariat, le département légal et celui conduisant les examens professionnels étrangers comme la City and Guilds, l’Association of Certified Chartered Accountants, ceux de l’Université de Londres.
En 2005, il est nommé Principal Examinations Officer et a la responsabilité d’une division. À partir de cette année-là et jusqu’à sa nomination comme Officer in Charge il y a un mois, il stagne au niveau promotion. Mais cela ne l’empêche pas de continuer le travail. Et comme entre 2007 et 2014, le MES fonctionne sans secrétaire et adjoint au directeur, Ahmed Jahangeer se retrouve avec le double du travail. Il ne s’en plaint pas car il y voit là l’opportunité de se familiariser davantage à son environnement professionnel.
Maintenant qu’il tient le fort, il est à même de mieux exprimer ses idées. Oui, il est en faveur de l’abolition du CPE qui existe depuis 30 ans à Maurice. «Il n’y a aucun pays au monde où on conserve un programme d’études aussi longtemps. Cambridge par exemple modifie son programme d’études tous les cinq ans. À Maurice, on a perpétué un système. Je crois que la population est très conservatrice mais c’est une bonne chose que cela change car l’éducation doit être dynamique. Tant qu’il y aura un système de certification et de sélection, il y aura la compétition à outrance et le streaming qui favorisent les leçons particulières excessives.»
Il se dit opposé aux leçons particulières. «Je pense que l’apprentissage doit se faire pendant les heures de classe et pas après les heures durant les leçons particulières. Les leçons doivent être prises seulement en cas de faiblesse dans une matière», analyse-t-il. Il se dit d’ailleurs outré par le prix des leçons particulières actuellement pratiqué par matière pour la Form VI. «Pour les sciences, il faut compter Rs 1 800 par mois. Donc imaginez le budget mensuel pour trois sujets principaux, sans compter Rs 800 pour un cours de General Paper ! Et les parents déboursent cette somme tous les mois !».
Imdardally Jahangeer prône plutôt l’application des contrôles continus au primaire qui devrait, selon lui, être comptabilisés. «Il faudrait considérer d’autres matières comme sujets de contrôle continu. Je pense au sport, à l’informatique et à la culture générale. Ensuite, il ne faudrait pas attendre l’examen pour faire le post-mortem des résultats mais faire l’exercice à l’issue de chaque contrôle continu.»
De nombreux Mauriciens estiment que le MES est désormais capable d’organiser ses propres examens de fin d’études secondaires. Lui pense que nous ne sommes pas encore prêts. «Pour les examens de School Certificate, nous le faisons déjà pour certains sujets comme les langues asiatiques et le français qui sont corrigés ici. Mais remplacer totalement le système de Cambridge par un système local pourrait revenir cher. De plus, je ne crois pas que nous ayons les compétences pour produire des papiers de SC et de HSC de niveau international car il y a un benchmarking très technique à observer.»
Il ajoute que «tous les papiers de Cambridge et ce, quel que soit le sujet, doivent être du même niveau. Cela demande une expertise technique que nous n’avons pas à Maurice, bien que le MES soit une institution très crédible qui n’a jamais été éclaboussée par aucun scandale. Mais le label Cambridge est toujours très important pour Maurice. Si l’on brise quelque chose dans ces paramètres, il y aura une crise de confiance dans le système. Il ne faut pas oublier que Cambridge est un Examining Body qui conduit des examens dans plus de 100 pays. Et puis, je ne crois pas que la population soit prête à lâcher Cambridge».
Le nouveau gouvernement a décidé de prendre en charge tous les frais d’examens de SC et de HSC qui totalisent plus de Rs 300 millions. S’il respecte cette décision, Ahmed Jahangeer avoue que les modalités doivent être clairement définies. Il y a des questions pertinentes qui doivent être considérées selon lui, par exemple si un élève prend dix sujets à l’examen du SC, le gouvernement subventionnera-t-il la totalité des frais ? Ou encore si un élève veut repasser l’examen pour améliorer son résultat, est-ce encore le gouvernement qui en fera les frais ? «Autant de questions qui doivent être abordées», estime-t-il.
Bien qu’il n’ait pas encore été nommé directeur du MES, il prend patience et continue le travail. La semaine dernière, il a réuni tout le personnel et sur quatre axes importants pour l’institution, à savoir l’informatisation de toutes les évaluations et la mise en ligne de toutes les données du MES, la recherche afin que l’institution puisse fournir des statistiques poussées et pour cela «il faut un capital intellectuel très fort», la révision et le renforcement du protocole de sécurité. «Tous les paramètres doivent être constamment revus car nous avons des examens en ligne et il faut toujours tout contrôler.»
Cet homme marié à Madeena et père de quatre enfants adultes, veut réorganiser les sections opérant sous le MES en le rendant encore plus efficient. «Le MES est une institution qui a fait ses preuves, bon gré, mal gré. De toutes les façons, ce sont les gens qui font les institutions. Je veux que le MES conserve sa crédibilité et demeure une institution qui reste à l’avant-plan. Il est important qu’elle continue à mériter la confiance.»
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