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Ismaël Valimamode (Commissaire à la Santé et aux Sports à Rodrigues) : «Il faut donner la chance à Rodrigues de faire ses preuves»

27 mars 2015, 08:19

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Ismaël Valimamode (Commissaire à la Santé et aux Sports à Rodrigues) : «Il faut donner la chance à Rodrigues de faire ses preuves»
Ce ne sont pas les chantiers qui manquent, au propre comme au figuré, dans le domaine sportif rodriguais en cette année 2015. Riche programme d’activités sportives, rénovation et construction d’infrastructures, organisation de compétitions internationales : le sport rodriguais passe à la vitesse supérieure, en phase tant avec ses ambitions qu’avec son potentiel. Ismaël Valimamode, commisssaire à la Santé et aux Sports, veut mettre toutes les chances du côté des sportifs et de la population rodriguais.
 
Le coup d’envoi des activités sportives a été donné le samedi 31 janvier avec le programme «Sport pour tous» dans le cadre du projet «Village on the Move». Pourriez-vous nous présenter ce projet ? Quel en est le concept ?
– Le programme «Sport pour Tous» a été établi afin de permettre à un plus grand nombre de Rodriguais de pratiquer une activité physique et promouvoir ainsi la santé et une bonne hygiène de vie. Nous avons débuté l’année dernière par les Jeux Intervillages avec la collaboration du Rodrigues Council of Social Service (RCSS), organisme qui regroupe tous les villages de l’île. En 2014 donc, nous avons atteint environ 15 000 participants en tenant compte des préliminaires au niveau des zones.
 
Cependant, nous pensons qu’il faut aller plus loin. Réunir une grande foule d’un jour ne va pas nécessairement modifier les habitudes des gens. Il nous faut un travail régulier et de longue haleine pour transformer les habitudes sédentaires en des pratiques sportives régulières.
 
Notre objectif est de cibler la régularité, de fidéliser des pratiquants. C’est cette année que nous avons introduit le concept «Village on the Move». Ce programme est calqué sur le rassemblement des habitants de plusieurs villages dans un endroit accessible à tous pour pratiquer des activités physiques et sportives adaptées et en même temps les préparer pour les Jeux Intervillages.
 
La particularité de ce projet réside dans le fait que nous ne mettons pas de moyens de transport à la disposition des participants afin de les encourager à faire de la marche ou à utiliser d’autres moyens physiques comme la bicyclette. Il n’y a pas si longtemps, on marchait pour aller à l’école, à la boutique ou à la messe, ce qui gardait nos aînés en bonne forme et en parfaite santé. De nos jours, cette forme de locomotion n’existe presque plus.
 
Quel est le lien entre «Physique dans village», «Jeux Intervillages» et «Village on the Move» ? Le souhait visiblement est d’inciter les villages et par extension les différentes régions à s’adonner au sport de façon ludique ?
– Notre motto à la Commission de la Santé et des Sports, c’est «la promotion du sport et le sport pour tous». En ligne avec ce motto, nous voulons que chaque Rodriguais – enfant, jeune, adulte et vieux – pratique une activité physique selon ses capacités et son choix.
 
Le programme «Physique dans village» comprend la pratique d’exercices accompagnée de musique selon le concept «Exercise to music». Le principe est de réunir les hommes, les femmes et les enfants d’un village pendant 30 minutes et de leur faire faire des exercices au son de la musique. Le programme d’exercices est précédé de causeries sur les bonnes habitudes à prendre pour rester en bonne santé, y compris la nutrition, et sur le rôle des parents dans la prévention des fléaux de la société. Nous avons organisé deux activités de ce type jusqu’à présent à Vanguard et à Cascade Jean-Louis et les villageois ont été très satisfaits.
 
Je profite de cette occasion pour remercier la psychologue Virginie, M. Antonio Volbert, le coordinateur du programme, M. Moréno Spéville et mon conseiller, Fernando Augustin, qui en sont les principaux animateurs.
 
Le programme «Sport pour Tous» comporte trois volets : «Physique dans village», activité organisée pour un village précis, «Village on the Move», activité organisée avec la participation d’un groupe de villages qui sont suffisamment proches pour converger vers un terrain principal, et les Jeux Intervillages, compétition entre tous les villages de l’île. Elle commence avec des préliminaires au niveau des cinq zones représentées par le RCSS. Une zone se compose d’une vingtaine de villages environ. Cette compétition se termine par une grande finale, avec des activités sportives adaptées et des jeux récréatifs. Ce programme demande l’implication de tout le personnel de ma commission et celui du RCSS que je salue au passage.
 
En combien de régions est-ce que l’île Rodrigues a été divisée ?
– Rodrigues est divisé en cinq régions selon la classification du Rodrigues Council of Social Service (RCSS).
 
Sont-elles toutes dotées des infrastructures de base pouvant permettre d’atteindre les licenciés aussi bien que les non licenciés et de leur faire prendre goût aux activités physiques ?
– A priori, oui, mais certaines infrastructures demandent à être améliorées. La pratique d’activités physiques de base ne nécessite pas des infrastructures aux normes internationales, l’important c’est qu’elles soient propres et sécurisées.
 
Vous êtes aussi commissaire à la Santé. Il n’est un secret pour personne que vous misez sur le sport de masse pour modifier les habitudes de la population rodriguaise et inverser la courbe ascensionnelle des maladies non transmissibles…
– Nous dépensons des millions chaque année en médicaments pour remédier à des problèmes cardiovasculaires mais nous savons tous que le meilleur moyen c’est la prévention à travers des activités physiques régulières et de la discipline en matière d’alimentation.
 
D’où la création d’une unité Santé et Sport au sein de la Commission de la Santé. Quel est son rôle, quelles sont ses attributions ?
– L’unité Santé et Sport est géré par le Sports Officer et M. Moréno Speville, coach à la commission, en est le coordinateur. L’unité fonctionne à travers le programme «Sport pour Tous». Le programme est passé en revue chaque semaine lors de la rencontre hebdomadaire entre le Sports Officer, le coordinateur et les techniciens de la commission.
 
La réouverture du stade de Camp-du-Roi arrive à point nommé. Sa fermeture a-t-elle impacté négativement sur les pratiquants d’athlétisme ?
– Certainement, cela a eu un impact sur la performance des athlètes mais cela n’a pas empêché la pratique de l’athlétisme. Aussitôt la nouvelle piste livrée en octobre 2014, j’avais pris la décision de permettre aux athlètes de s’y entraîner même si d’autres améliorations sont à prévoir au niveau des vestiaires et des gradins.
 
Je salue bien bas les efforts consentis par les athlètes pendant la fermeture du stade car ils ont continué à s’entraîner dans des conditions difficiles.
 
Cette réouverture sera célébrée de façon spéciale en avril avec l’organisation d’un meeting international, le premier du genre à Rodrigues…
– Nous ne pourrons pas organiser de meeting international comme nous l’aurions souhaité vu qu’un meeting international se tient à Maurice début avril. Mais nous comptons tenir une compétition à laquelle seront conviés des athlètes mauriciens le 18 avril. Elle sera suivie des Intercollèges qui ressemblent toujours ici à ce qu’ils étaient à Maurice à l’époque.
 
Ce ne sont pas les projets qui manquent en cette année : les deux principaux terrains de jeux, à Grande Montagne et La Ferme, seront dotés d’un système d’éclairage professionnel pour permettre aux footballeurs de s’entraîner dans de meilleures conditions. Un nouveau stade sera construit à Roche Bon Dieu pour les villageois de la région est de l’île. La clôture du complexe sportif de Mont Lubin sera réaménagée…
– Eh oui, cette année, nous prévoyons la construction d’un stade à Roche Bon Dieu et l’installation d’un système d’éclairage professionnel sur deux terrains de football très fréquentés, notamment à Grande Montagne et La Ferme. Nous allons clôturer certains complexes sportifs selon une liste prioritaire. Nous prévoyons de construire des boulodromes dans plusieurs villages pour offrir plus de loisirs aux villageois. Nous avons déjà alloué des contrats pour la construction d’un vestiaire au complexe sportif de Maréchal et un complexe sportif à Palissade. Nous allons poursuivre cette politique jusqu’à l’amélioration de toutes les infrastructures.
 
Rodrigues veut être, pour reprendre vos propres mots, un modèle au sein de la République de Maurice et s’en donne les moyens…
– A chaque fois que nous organisons une activité sportive, nous apportons des résultats, tant au niveau de l’organisation de l’événement qu’à celui du nombre de médailles remportées. Depuis 2012, l’organisation de compétitions internationales comme la boxe, le volley-ball et le judo a été un franc succès. Tenant compte de cela, et comme notre Chef Commissaire, Serge Clair, est passionné de sport, je ne rencontre aucun problème pour faire passer mes projets sportifs au Conseil Exécutif. On se donne les moyens, mais est-ce que nous avons tous les moyens nécessaires à la hauteur de nos ambitions ?
La réponse est non. Le financement de nos activités reste toujours un problème, compte tenu du budget dont nous disposons. Depuis 2012, nous avons évolué à ce niveau mais il nous reste encore du chemin à faire.
 
2015 est surtout l’année des Jeux des îles. Comment est-ce que les sportifs rodriguais vivent ces quelques mois qui les séparent de l’échéance réunionnaise ?
– Nos sportifs travaillent assidûment pour pouvoir glaner une place dans la sélection finale. Je demande aux fédérations d’en tenir compte pour finaliser leurs sélections et donner une chance égale à tous les athlètes quelle que soit leur origine.
 
Rodrigues veut aussi que ses spécificités soient reconnues autant que ses talents sportifs. Le souhait d’un nombre grandissant de Rodriguais de participer à des compétitions régionales en tant qu’entité rodriguaise est-il toujours d’actualité ?
– Oui et c’est une aspiration légitime. Nous y tenons fortement. D’ailleurs, notre capacité d’organiser des événements sportifs prouve que nous sommes capables de participer en tant qu’entité aux compétitions régionales. Si nous suivons la même logique, si la Réunion, département de la République française, peut participer en tant qu’île à ces compétitions, pourquoi pas Rodrigues, en tant qu’île autonome ? Mais je pense que cela se fera progressivement avec une participation aux compétitions de la CJSOI dans un premier temps.
 
Un tel souhait, s’il se réalise, permettra-t-il de fédérer davantage les bonnes volontés et forces en présence ? Créera-t-il une plus grande synergie, donnera-t-il un sens plus fort à tous les efforts que font les Rodriguais dans le domaine du sport ?
– Cela va ouvrir la voie aux athlètes rodriguais dans un monde d’opportunités qui est actuellement filtré par les fédérations et dans bien des cas de façon inéquitable. Les efforts des athlètes seront vraiment récompensés.
 
Ce souhait légitime est-il compris à Maurice ?
– A l’issue des discussions que nous avons eues jusqu’ici, je dois affirmer que notre projet est mal compris par certains. Moi, je dis que nous sommes prêts et capables, nous n’avons peut-être pas suffisamment de moyens nécessaires, mais s’il faut commencer, il faut le faire tôt ou tard. Il faut démarrer quelque part. Il faut donner la chance à Rodrigues de faire ses preuves, nous l’avons fait sous la bannière du drapeau national dans tant d’événements sportifs internationaux.
 
On sent également parmi la population rodriguaise ce désir d’ouverture sur le monde et de construction de passerelles susceptibles d’offrir une plus grande visibilité à votre île. Le Trail de Rodrigues y contribue grandement et son succès a des échos de plus en plus retentissants…
– Effectivement, à chaque Trail de Rodrigues, nous avons des athlètes venant de différents pays – France, Réunion – qui y participent. Cette initiative aide à faire connaître Rodrigues sur le plan mondial. C’est à la fois un événement touristique et sportif. A travers le sport, Rodrigues est présente sur les télévisions et dans les magazines internationaux. Je dois souligner aussi qu’une personne portant un handicap a eu la chance de participer au Grand Trail de la Réunion en octobre 2014. Cela a été pour nous un honneur, vu que nous valorisons aussi le sport chez les personnes portant un handicap. Le Trail de Rodrigues est certes un moyen pour contribuer à la reconnaissance de Rodrigues sur le plan régional et mondial. Mais il y a aussi le kitesurf qui a fait sensation lors des deux dernières éditions.
 
Ces projets ambitieux ne sont-ils pas toutefois freinés par la dimension actuelle de la piste d’atterrissage de Plaine Corail ?
– Des développements sont à prévoir dans ce domaine cette année.
 
Le jour où des avions de ligne «gros porteurs» pourront desservir Rodrigues, un grand coup d’accélérateur pourra être donné aux ambitions économiques, touristiques et même sportives…
– Certainement ! Il faut dire qu’avec la récente visite du ministre des Finances et du Développement économique à Rodrigues, ce projet ne tardera pas. D’ailleurs, le gouvernement régional a déjà entamé les procédures pour le développement aéroportuaire. Avec l’appui du gouvernement central, ce projet sera une réalité bientôt. Cela apportera un boost à notre économie, au secteur touristique et bien évidemment au milieu sportif.

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