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Questions à Dominique Filleul, directeur général de City Sport : «Il faut avant tout être humain»

21 avril 2016, 11:01

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Questions à Dominique Filleul, directeur général de City Sport : «Il faut avant tout être humain»

 

Faire des affaires sans jamais cesser d’être humain : c’est le credo de Dominique Filleul, directeur général de City Sport Maurice. Depuis qu’il a posé ses bagages dans l’île en octobre 2010, il a toujours misé sur la communication avec les consommateurs et la proximité avec la population. Une proximité qui se traduit aussi par l’accompagnement de plusieurs fédérations, son amour pour le sport étant toujours au cœur de ses préoccupations.  

Vous avez un riche parcours. Vous avez été tour à tour en France handballeur professionnel, responsable du développement et de l’espace publicitaire au sein de Radio Nostalgie, directeur du centre de profit au sein du groupe Spear Communication, responsable d’un centre de remise en forme, directeur commercial puis directeur général de City Sport Maurice. Comment mettez-vous l’expérience acquise à tous ces niveaux au service de votre carrière aujourd’hui ?
Mon parcours est effectivement assez riche. Il m’a mis en contact avec bon nombre de disciplines et d’expériences professionnelles dans divers métiers, au niveau de la communication par exemple. J’ai toujours voulu démarrer dans une entreprise au bas de l’échelle pour pouvoir faire mes preuves, c’était très important pour moi. La mentalité d’un sportif, c’est de se battre tous les jours, c’est ce qui m’a permis de gravir les échelons dans les entreprises que j’ai pu côtoyer. Ce qui me sert bien évidemment aujourd’hui, c’est toute la partie communication. Je mets à profit tout ce que j’ai pu apprendre dans l’univers radiophonique ou dans celui de la presse écrite. Cela me permet, avec l’aspect vente d’équipements sportifs, de pouvoir être percutant au niveau de ma communication, d’être en relation directe avec les consommateurs.
Il faut être proche des consommateurs, identifier leurs besoins et surtout y répondre et non pas le contraire, c’est-à-dire proposer des produits qui ne sont pas en adéquation avec le marché. 

Vous avez eu, et vous avez toujours, plusieurs cordes à votre arc. Il ne serait pas erroné de dire que le dénominateur commun entre vos différents engagements et vos différentes entreprises est le contact avec les gens…
C’est primordial. Aujourd’hui, beaucoup de gens font la même chose que vous ou plus ou moins la même chose. Ce qui va différencier une entreprise, ce sont ses hommes. J’ai très à cœur, au sein de City Sport Ltée, le contact humain, la relation clients, c’est pour moi primordial. 80 % du business aujourd’hui, c’est la relation avec les gens, c’est avoir un discours franc. Et quand on prend un engagement, qu’on aille jusqu’au bout. Pour moi, c’est impératif. Lors de mes précédents emplois, ça a toujours été ma conviction et effectivement à ce jour, je peux dire qu’elle a été bénéfique.

C’est ce sens du contact qui vous fait accepter le poste de directeur commercial de City Sport Maurice que vous offre Adnan Houdrouge en 2009…
Non, puisque je n’avais pas rencontré le président du groupe à l’époque, j’ai rencontré un de ses collaborateurs. C’est mon parcours, et professionnel et sportif, qui a motivé mon recrutement et après, effectivement, le sens du contact et des relations que l’on peut tisser avec un dialogue franc, avec des choses qui sont effectuées au niveau du pays, qui sont axées sur les vrais sportifs et non-sportifs – puisqu’on habille également les gens qui sont passionnés de sport et qui ne sont pas forcément pratiquants.  

Vous avez posé vos bagages à Maurice en octobre 2010. Vous considérez-vous, six ans après, comme Mauricien de cœur ?
Oui, Mauricien de cœur, à part entière, même peut-être plus que ça, puisque certains de mes collègues, certains de mes amis disent souvent : «T’es plus Mauricien que nous !» C’est vrai que j’ai à cœur de défendre ce pays où il reste certainement beaucoup de choses à faire. Il ne faut pas oublier non plus que c’est un jeune pays. Souvent,  je défends, cœur et âme, l’île Maurice.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans la destination Maurice, dans ce creuset de races et de civilisations ?
Ce qui m’a séduit, c’est cette multiculturalité, des jeunes qui ne sont pas forcément de la même communauté, qui s’entendent, qui vivent ensemble. De par le monde, c’est un bel exemple. Ensuite, la gentillesse des gens. Nouer des relations avec des Mauriciens, c’est toujours agréable. On a des relations qui peuvent être très cordiales, qui peuvent être franches aussi et ça permet d’avoir un échange important et sans ambigüité. 

Vous ne vous contentez pas de faire des affaires. Vous avez voulu rendre au pays tout ce qu’il vous donne…
Bien sûr ! La démarche a été, dans un premier temps, au niveau des partenariats que j’ai pu organiser avec différentes fédérations, aider les fédérations, et surtout les sportifs qui pratiquaient, à être  bien équipés. L’équipement sportif technique est très important dans la pratique, dans la performance mais aussi dans la longévité. Le but est quand même de durer quand on est à haut niveau.  Dans un second temps, il y a eu mon engagement personnel auprès du handball mauricien. Je voulais rendre au handball ce qu’il m’avait donné. J’ai voulu aider. Et puis aussi aider des personnes en difficulté qui sont des sportifs en devenir. Quand je vois que certaines personnes n’ont pas forcément les moyens pour s’équiper, le parcours peut être plaisant dans les années à venir. Je donne un coup de main et City Sport s’engage auprès d’eux pour leur offrir les moyens nécessaires pour pratiquer correctement. 

Dès 2011, City Sport a parrainé les fédérations de basket-ball, handball, volley-ball et kick-boxing…
Tout à fait. En fonction du programme qui m’était présenté et en fonction des objectifs. Je me suis engagé auprès de ces fédérations pour leur donner un coup de main, ne serait-ce qu’au niveau équipementier et au niveau réflexion, sur les différents objectifs et les différentes orientations par discipline. Ça a été enrichissant.

C’est votre amour pour le sport qui vous pousse à faire de City Sport une enseigne sur laquelle les sportifs de l’île peuvent compter ? 
Oui, je suis avant tout un passionné de sport, je pratique bon nombre de sports, en loisir maintenant, parce que quand l’âge vous fait défaut, on ne peut faire de la performance. Une enseigne comme la nôtre, qui représente aujourd’hui toutes les marques internationales – City Sport aujourd’hui est le représentant des marques Asics, Nike, Adidas, Reebok – est obligé d’avoir un dialogue proche des sportifs et de nature, City Sport doit effectivement s’engager auprès des sportifs.

Le commercial sait aussi être humain ?
Oui, il faut avant tout être humain. Comme on le disait au préalable, le commerce c’est bien mais le commerce, pour qu’il soit humain, pour qu’il y ait une relation qui se tisse et qu’on puisse avancer de par nos clients, de par les réseaux qui se créent entre les différents magasins et nos clients, il faut impérativement créer cette relation. C’est le seul moyen de perdurer et faire que nos clients restent fidèles et viennent à nous.

La communauté sportive vous le rend bien si on en juge par le nombre de magasins City Sport qui est passé de quatre en 2010 à douze en 2012…
Il y a eu un déploiement important de magasins City Sport sur l’île. L’île a beaucoup changé, on a eu des grands programmes commerciaux où impérativement on devait être présent. À Bagatelle, dans un centre commercial de cette dimension, il est impossible d’imaginer que City Sport ne soit pas présent. Il y a les deux éléments : premièrement le déploiement des centres commerciaux à l’île Maurice, il a fallu choisir les bons, on en a vu pousser beaucoup ces derniers temps ; ensuite, on a vu l’engouement de plus en plus important de la communauté sportive. Il faut qu’on soit présent et qu’on puisse répondre présent dans les quatre coins de l’île pour pouvoir servir au mieux et au plus proche, nos clients. 

Votre engagement est personnel aussi. Vous avez partagé vos compétences de handballeur avec les joueurs mauriciens. Vous avez été conseiller technique des sélections nationales féminine et masculine dans le cadre des 9e Jeux des îles. Une bonne expérience ?
Douloureuse mais bonne ! Douloureuse parce que les résultats n’ont pas forcément été à la hauteur de l’engagement que l’on avait pris auprès des sélections. On avait pris l’engagement de pouvoir les faire jouer régulièrement contre des équipes réunionnaises parmi le gratin, puisqu’on avait rencontré les quatre meilleures équipes réunionnaises, que ce soit en garçon ou en fille. On a rencontré des sélections, des anciens Croates qui ont été champions du monde. Le programme était riche. Après, au niveau des résultats, je suis effectivement déçu, comme je l’avais dit après les Jeux des îles. Ça fait partie malheureusement du sport. On voit aujourd’hui des grandes équipes de football qui ont les meilleurs joueurs du monde et qui ne sont pas forcément en finale ou champions. Ça fait partie du sport, de la loi du sport. Ceci étant, je reste persuadé que, pour mener à bien un projet de cette ampleur-là, il faut au moins dix-douze ans. Puisqu’il faut former des générations, ça ne se fait pas du jour au lendemain. On prend des joueurs qui ont déjà une maturité. Passé 23-24 ans, on a des réflexes qui ne sont pas forcément les bons ou alors des automatismes qui ne sont pas bons et là, il est très difficile de pouvoir changer ces automatismes.  

Vous avez été poussé vers la sortie à la fin des Jeux. Comment avez-vous vécu cela, vous qui aimez aller jusqu’au bout de ce que vous entreprenez ?
Ça a été un déchirement sportif. Après quelles que soient les raisons, elles peuvent être quelconques, variées et diverses, ce que je n’ai pas compris avec la fédération de hand, c’est que j’étais un DTN bénévole. Je ne leur coûtais pas d’argent. Je me suis beaucoup investi personnellement, j’ai proposé des stages à La Réunion. On a eu l’occasion d’avoir l’actuel entraîneur de l’équipe de France féminine qui est venu entraîner les sélections. J’étais également, via City Sport, le sponsor principal. Je ne vois pas quelle a été la raison de se priver d’un sponsor, sachant qu’il est difficile aujourd’hui d’en trouver. Je n’ai pas compris, encore aujourd’hui, pourquoi on n’avait pas besoin de mes services. Je pense que c’était une question d’hommes.

Quel regard portez-vous sur le sport mauricien, vous qui l’avez côtoyé en tant que mécène et en tant que technicien ?
Il y a beaucoup de choses à dire. Déjà, il ne faut pas se voiler la face. Même si on n’est pas satisfait des résultats ou si certaines personnes pensent que les résultats ne sont pas à la hauteur de ce qu’on attend à l’île Maurice, il ne faut pas oublier que nous sommes 1 200 000. On a quand même des champions d’Afrique, on a des gens qui vont quand même aller aux J.O., on a quand même des performances, des gens qui sont classés dans les Top 20 ou 30 mondial. Pour une petite île, en termes de nombre de pratiquants, n’oublions que sur les 1 200 000, nous n’avons peut-être que 20 % de pratiquants ou 25 % qui font du sport de haut niveau. Honnêtement, je pense que la performance est quand même pas mal du tout. Après, elle pourrait être mieux, bien entendu.  Il ne faut pas confondre le sport de haut niveau et le sport de masse. Il y a un amalgame qui se fait, il faut vraiment dissocier les deux. Les résultats de certains sportifs sont quand même assez brillants, assez exceptionnels. Après, avoir demain un champion du monde ou un podium olympique, faut pas se leurrer. Même les grandes, grandes nations n’ont pas toujours des champions olympiques ou des gens qui sont sur le podium. Faut aussi relativiser la performance de nos sportifs mauriciens. 

Le sport mauricien a-t-il les moyens de ses ambitions ? Moyens financiers ? Moyens techniques ? Moyens humains ?
Je ne connais pas le budget du ministère des Sports (MJS). Je pense sincèrement que le MJS ne  peut pas tout faire. Beaucoup de fédérations attendent tout du MJS, c’est pas possible. Le MJS a un budget, comme une entreprise. Quand le budget est apuré, quand il n’y a  plus d’argent, comment voulez-vous qu’on puisse dégager de l’argent pour des compétitions qui n’ont pas été prévues à l’avance ? Je comprends quelquefois qu’il y ait des difficultés de financement au niveau du MJS. Le rôle des fédérations, c’est impérativement d’aller trouver des ressources financières en dehors du MJS. On ne peut pas s’appuyer, à mon sens, que sur les finances du MJS.  L’enveloppe de l’État pourrait toujours être plus grosse, bien évidemment. Je ne connais pas le budget mais il grossit tous les ans. Après, il y a un autre paramètre. Est-ce que demain on est obligé d’envoyer toutes les disciplines qui le demandent, soit à des championnats d’Afrique, soit à des rencontres interîles ? Je pense que l’État mauricien n’a pas les moyens. Même les grandes nations sportives font des choix. Il faut faire des choix. Est-ce qu’on les fait sur les sports collectifs, sur les sports individuels ? Il peut y avoir un mix de tout ça. Mais le mix doit se faire en fonction du sérieux des fédérations, du nombre de licenciés des fédérations.  Il est impératif que les fédérations puissent être très crédibles pour aller chercher des finances auprès du secteur privé. Sinon le sport mauricien, à mon sens, aura beaucoup de difficultés à évoluer.   

Là où le bât blesse ne serait-ce pas au niveau de la vision, du projet socio-sportif ? Sans projet comment conduire le sport quelque part ?
Le projet socio-sportif, je pense qu’il faut le ramener au sein des fédérations. 

Elles doivent aussi avoir un projet…
Bien évidemment ! Et un gros projet ! L’État va aider les fédérations avec une subvention annuelle plus des rajouts en fonction de la saisonnalité des compétitions, période J.O., période championnat du monde ou Coupe du monde. Mais avant tout, il faut que les fédérations puissent encadrer les jeunes, leurs pratiquants, puissent structurer. Je prends un exemple. Quand quelqu’un vient chercher un sponsoring, très rarement je vois un dossier de sponsoring ficelé. On vient un petit peu au petit bonheur la chance.  Aujourd’hui, les affaires sont plus difficiles qu’auparavant. Le marché s’est tendu, il y a beaucoup plus de concurrents. Si on n’arrive pas avec un dossier de sponsoring ficelé pour présenter ça à l’entreprise, pourquoi ira-t-elle donner de l’argent à une fédération ? Pour avoir des retours, soit médiatiques, soit au niveau de leurs athlètes, pouvoir être présents sur des maillots, avoir une communication externe qui va être visible. Sinon, à part faire des dons ponctuels, l’entreprise n’a aucun intérêt. C’est vraiment là-dessus que les fédérations doivent avoir une réflexion pour pouvoir aller chercher des fonds.  Au niveau du MJS, il y a beaucoup de choses qui sont faites. Il y a les jeux pour les jeunes, les jeux interîles bientôt à Madagascar, des actions pour le sport de masse. Après, la vision claire, il faudrait qu’il y ait de grandes assises du sport et que tout le monde puisse s’asseoir autour d’une table en faisant abstraction des animosités du passé et de cette rivalité qui existe comme partout dans le monde. Si on veut avancer, il faudrait prendre une direction commune pour que la jeunesse mauricienne puisse briller dans quelques années.

S’il y a un sport qui est devenu, loin des projecteurs, le sport national en quelques années seulement, si l’on en juge par l’affluence dans les sentiers, c’est bien le trail. Confirmez-vous ce fait sur le plan commercial aussi ? La vente des équipements trail a-t-elle pris l’ascenseur ?
C’est la discipline qui a le plus progressé. On est à une croissance au-dessus de 50 % dans ce secteur d’habillement, que ce soit au niveau des chaussures. Il n’est pas prudent de faire un trail pas bien équipé, avec des chaussures avec des crampons. Au niveau chaussures, on a eu un gros développement à ce niveau. Il y a aussi les «camel bags» avec la gourde d’eau intégrée. Ça va vraiment dans le bons sens. Quand on voit un engouement comme ça au niveau des particuliers, il n’y a pas de raison qu’au niveau des clubs et des fédérations il n’y ait pas le même engouement. Mais honnêtement, il n’y en a pas.

Comment expliquez-vous cette croissance exponentielle ? Ras-le-bol des Mauriciens pour ce qui touche aux fédérations et associations classiques ? Besoin irrépressible de liberté, de sortir de la sédentarité, de se réapproprier leur île ?
On travaille durant toute sa vie et on voudrait pouvoir profiter, durant sa retraite, des années qu’il vous reste. C’est le message qui a été martelé par les médias. L’engouement hors fédérations, il n’y a pas de sentiment d’appartenance, il n’y a pas une explosion, comme on peut le voir dans le trail, des effectifs des fédérations. Il y a un manque de confiance, il y a un ras-le-bol, très certainement, du passé, des choses qui ont été faites. Il y a réellement un travail à faire à ce niveau-là.

Il se chuchote que vous caressez l’idée de créer une association qui aiderait les sportifs de haut niveau à s’insérer dans la société après leur carrière. Où en est votre projet ?
J’ai rencontré le MJS à ce sujet. Il avait le projet aussi de créer ce genre d’association ou autre. Je ne suis pas le seul à avoir réfléchi sur le sujet. En tout cas, j’espère que ça ira vite, sous la forme d’une association ou autre. Je peux vous assurer que j’irai au bout du projet avec des gens, si on peut être plusieurs, plus nombreux avec des moyens plus importants. Il faudra le faire, il faut qu’on le fasse bien, rapidement, parce qu’on ne peut pas laisser tomber des sportifs qui ont donné tant et tant de sueur, de temps, qui n’ont pas forcément pris le temps d’étudier longtemps, qui n’ont pas forcément pris le temps de commencer une carrière professionnelle. Quand on a honoré le pays avec des résultats ou pas, on n’a pas toujours forcément des résultats, mais l’investissement est là. On ne peut pas laisser nos sportifs sans rien. Je pense qu’une structure telle que celle-là sera la bienvenue pour les prendre en charge. 

Comment l’association qui est en gestation leur viendrait-elle en aide ?
Association ou autre système, je discute déjà avec bon nombre d’entreprises. J’ai déjà vu des gens avec qui je collabore et qui sont ouverts au projet. Il y aura deux axes : il y aura soit le sportif en fin de carrière – pas à la fin – en fin de carrière. Il faut le prendre en mains avant. En fin de carrière, il y a un laps de temps qui risque d’être long. Il n’y aura pas forcément des bourses de sportif ou à l’issue de son sport des rémunérations pour pouvoir vivre décemment. Il faudra le faire en amont. Ensuite, il y aura deux options, soit un système d’étude pour se perfectionner dans un métier qui va lui plaire. Un sportif doit faire un métier qui va le séduire sinon il n’aura pas les mêmes performances. Il s’est entraîné toute sa vie dans son sport qui le faisait vibrer. Il faut que ce soit pareil dans le monde de l’entreprise. Soit on le réoriente vers la formation, là faut trouver des accords, des financements pour les reformer et les mettre dans une filière très précise, ou alors, des gens qui veulent travailler de suite et trouver des partenariats avec des entreprises mais qui garantissent que la personne aura une possibilité d’évolution dans l’entreprise. Après, bien évidemment, comme dans tout métier, on doit commencer au bas de l’échelle et faire ses preuves. Je n’ai aucun doute là-dessus. On sait que les sportifs de haut niveau ont généralement ce tempérament de se surpasser.

C’est le plus joli cadeau que vous ferez au sport mauricien et à cette île qui est devenue aussi la vôtre…
On le fera, quelle que soit la forme. Je ne sais pas si ce sera le plus beau cadeau, il y a tellement de choses à faire, j’ai tellement d’idées. C’est un projet que j’aimerais bien lancer prochainement. Mais en tout cas il y a d’autres pistes après. Souvent il y a des gens qui ont de très bonnes idées à Maurice, qui ont une vision de certaines choses mais le problème c’est entre la vision de ce que l’on peut vouloir faire et comment le faire. La difficulté est là. Il y a beaucoup de personnes comme moi qui peuvent aider le monde sportif en disant : «Vous, vous savez où vous voulez aller, par contre, vous ne savez pas comment faire. Mais moi, j’ai l’expérience pour vous dire, je peux vous mener là.» C’est comme ça que je peux aider, à ma petite échelle, le sport mauricien.




Le travail, un acte de foi


Dominique Filleul, 46 ans, est marié et père de deux enfants, une fille de 24 ans, qui se plaît énormément à l’île Maurice, et un garçon de 19 ans. Il a toujours été convaincu qu’il était impératif de travailler tout en étant joueur professionnel de handball en France. «Je travaillais et l’entreprise me mettait à disposition en fait en fonction des créneaux d’entraînement. Ce qui m’a toujours permis de commencer jeune à travailler et de pouvoir faire mes armes», confie-t-il. Une approche qui a été «un plus» quand il compare son cheminement à celui de ses confrères qui se sont consacrés à leur sport jusqu’à 35-36 ans et qui ont tenté leur reconversion trop tardivement. Rester connecté avec le milieu professionnel est le plus sûr moyen, en effet, d’acquérir de l’expérience le plus tôt possible et d’assurer son avenir.



 

Évasion
C’est dans l’homme qu’il faut investir

Ceux qui dirigent le monde sont incapables de sortir de la transaction, la seule logique véritablement importante à leurs yeux. On le voit tous les jours. Leur grande question existentielle est de savoir combien de millions ou de milliards leur rapporteront les contrats qu'ils signent. Mais ils sont incapables d'agir efficacement contre les changements climatiques drastiques et le rapprochement du pôle Nord de Londres. Que peuvent-ils vraiment face aux défis que représentent l'alimentation, la sécurité alimentaire durable, l'accès à l'eau potable, la lutte contre les épidémies, la santé, l'emploi, les moyens de subsistance, le bien-être des populations et la paix dans le monde ? Quelles réponses sont-ils en mesure d'apporter concrètement aux incertitudes du présent et à l'avenir de plus en plus sombre ? Les belles paroles ne sont pas pour autant suivies d'actes forts. Hélas !


Quelle est la part d’humanisme et d’humanité encore présente dans toutes ces transactions honnêtes et malhonnêtes, avouables et inavouables, auxquelles tout se résume de nos jours et face auxquelles certaines consciences devraient s’engager dans une gymnastique de haut niveau si elles étaient contraintes d’expliquer leur démarche ? L'acte primordial, en fin de compte, ne consiste qu'à sauver l'essentiel : les apparences.
Nous sommes de plus en réduits à n’être que des relations conditionnelles entre des quantités. Nous sommes dépendants de variables, aussi appelées inconnues, membres de formules, séparés par des signes incompréhensibles. Victimes et esclaves d’équations personnelles, cette déformation que la tournure d’esprit et les préjugés font subir à ce que perçoit l'individu.


Les scandales qui se succèdent dans le monde du sport ramènent aussi à cette dure réalité. Malgré les grands discours sur les valeurs, sur l’olympisme et les grands idéaux, malgré ces qualités susceptibles d’être transposées dans l’univers professionnel, celles qui produisent les vainqueurs, dit-on, là-bas aussi tout n’est finalement que transactions. Gains licites et illicites qui finissent par rattraper des hommes-porte-monnaies.
Et le sportif dans tout ça ? Ce pauvre sportif qui sue plusieurs fois par jour dans l’espoir que ses efforts seront récompensés un jour ou l’autre ? Certains «touchent au but» dans l’univers professionnel. Ils deviennent riches comme Crésus. D’autres parviennent à se réinsérer dans la société après avoir découvert qu’être sportif de haut niveau n’a jamais été un métier. Mais ils sont nombreux, à y voir de plus près, à n’être ou à n’avoir été qu’un objet dans le cadre d’une transaction servant l’ambition d’individus qui voient le monde à travers le prisme de leur avidité et de leurs gourmandises multiples. Notre époque est celle de la malhonnêteté, tout simplement.


Pourtant, ce ne sont pas les moyens financiers qui manquent. Mais ils sont si mal utilisés qu’on a l’impression qu’ils sont indisponibles. Partout dans le monde, la distribution de la richesse demeure inéquitable. Le sportif, et pas seulement le sportif, doit donc se résoudre à remuer ciel et terre pour obtenir le soutien financier de X ou de Y, quitte pour cela à entrer sans le savoir ou sans s’en soucier dans l’engrenage d’une transaction dont il ne sera jamais le principal bénéficiaire.


Comment continuer à être humain dans un monde si déshumanisé ? Comment conserver ce minimum de dignité sans laquelle l’animal mérite plus de respect que l’être prétendument le plus intelligent de la création ? Investir dans l’humain, pour de vrai, voilà le véritable défi. Être plus honnête, moins hypocrite, moins avide, plus humble et plus charitable. S’empêcher d’être un loup pour l’autre, un prédateur prêt à tout. Le pari de l'intégrité est démesuré tellement la gangrène s’est généralisée. Mais, face à un tel désastre, on peut au moins se dire que le meilleur reste à venir. Car on ne peut tomber plus bas. 

 

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