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Interview… Fabienne St-Louis ( Triathlète): «Il n’y a pas eu que le cancer…»
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Interview… Fabienne St-Louis ( Triathlète): «Il n’y a pas eu que le cancer…»

À Maurice depuis lundi 5 septembre, la triathlète mauricienne nous a reçu chez elle, à Curepipe, pour revenir sur les moments difficiles qu’elle vient de traverser et qui ont bouleversé sa vie à tout jamais. Elle a accepté de reparler de son état de santé. Elle affirme que c’est plus un handicap au pied, séquelle de son opération du cancer, plutôt que le cancer lui-même, qui lui a nui au Brésil. Les JO de Rio terminés, elle songe à revenir à la compétition un jour. Mais pour le moment, ce qui lui importe le plus, c’est de pouvoir remarcher correctement. Entretien exclusif.

<p><em>«J’avais dit que j’allais arrêter ma carrière internationale après Rio. Je n’ai pas non plus envie de finir sur une telle note. Même si je sais que ce n’est pas de ma faute. Que j’étais malade. Mais peut-être que cela m’encouragera à aller jusqu’aux Jeux du Commonwealth dans deux ans.»</em></p>
Vous vous êtes fait récemment (NdlR : le 2 septembre) opérer du pied. Pourriez-vous nous en dire plus ?
– Je souffrais du syndrome des loges. Qui consistait en une rétractation des orteils. Du coup, je me suis fait opérer des tendons au pied gauche.
Comment l’avez-vous contracté ?
– C’est arrivé durant la première opération pour ma tumeur. Le syndrome des loges en est une séquelle.
Ce problème au pied, selon votre entourage, est survenu malencontreusement lors de l’opération relative à votre cancer. Ce qui signifie que vous auriez très bien pu ne pas en souffrir à Rio…
– Oui, j’aurais pu ne pas l’avoir et être sur pied après mon opération. Cela a été une erreur médicale.
Quand vous avez annoncé votre cancer à la BBC, vous n’avez pas parlé de votre problème au pied. Est-ce que d’en souffrir, à Rio, n’a pas été aussi difficile sinon plus – en tant qu’athlète – que votre cancer ?
– Bien sûr, c’était super pénible de ne pas pouvoir courir surtout.
Vos entraînements ont-ils été altérés à cause de cela ?
– Oui, à cause de mon pied. Je pouvais nager et faire du vélo. Mais courir… J’avais super mal après. Je ne courais qu’une seule fois par semaine.
Vous aviez-mal à quel pied ?
– Le gauche. Mes orteils étaient rétractés. Sur mes appuis, cela faisait mal. J’étais allé voir un podologue qui m’a donné une semelle spéciale pour me permettre de marcher correctement, c’est-à-dire sans boiter. Mais c’est vrai que je souffrais.
Du pied lui-même ?
– En fait, ce sont les chocs qui me faisaient mal quand je courais ou marchais.
Lors de votre maladie, avez-vous eu suffisamment de force pour tenir le coup ?
– J’essayais d’être forte. Mais il y a eu des moments où j’ai craqué.
Vous avez pensé à tout abandonner à ce moment-là ?
– Non, à aucun moment. J’ai plutôt pensé à me battre et aller jusqu’au bout. J’étais bien entourée. J’ai vu que mes amis étaient de super bons amis. Ma famille a été formidable. Elle a toujours été avec moi dans tous ces moments. Je n’ai pas pris ma maladie comme une grosse maladie. Je me suis dit que c’était une étape à passer.
Où en êtes-vous avec votre cancer (NdlR : des glandes salivaires) actuellement ?
– Tout a été nettoyé normalement. Ma tumeur était au niveau de la parotide. Du coup, on a envoyé, analysé, et au bout de 15 jours, on a vu que c’était cancéreux. Du coup, on a enlevé tous les ganglions – susceptibles d’être cancéreux – qui étaient autour de cette zone. Deux jours après mon opération (le 23 mars), j’ai fait un PET scan* qui a montré qu’il n’y avait plus de ganglions cancéreux. Et il faudra que j’en fasse un dans cinq mois (NdlR : en novembre). Je serai sous surveillance pendant cinq ans. Au début, ce sera tous les cinq mois, puis tous les six mois à l’hôpital, pour faire des tests.
De se faire connaître à cause de sa maladie plutôt que par ses performances, comment le vivez-vous ?
– J’ai été touchée par tous les messages de soutien et d’encouragement que j’ai reçus. Mais c’est vrai que c’est dommage d’être plus connue pour mon mal que mon sport. Mais je m’y suis fait.
Vous avez chuté au départ de la course. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
– Je suis allée sur la ligne de départ en me disant que j’allais donner le meilleur de moi-même. J’étais en mode warrior. Le départ a été donné et au bout de 3 ou 4 mètres, j’ai eu une faiblesse au pied.
Le même pied ?
– Oui, le même, et je suis tombée… sur la plage. Dans ma tête, ça s’est passé hyper vite. Je me suis relevée et je suis partie. J’avais un peu honte au début, mais… (hésitation). Oui, le premier sentiment a été la honte, mais je me suis dit «non, il faut que je reparte» et je suis repartie.
Quand vous êtes sortie de l’eau et que vous avez abandonné, comment vous êtes-vous sentie alors ?
– Par rapport à David Bardi, mon entraîneur, et ceux qui ont fait le déplacement pour me voir, pour ceux qui s’attendaient à ce que je réalise une bonne performance, je me suis sentie mal.
Et quels ont été vos premiers mots ?
– Je n’ai rien dit, j’ai pleuré !
La Fédération internationale de triathlon était-elle au courant de votre cancer et de votre handicap au pied ? Certains pensent que vous lui aviez caché tout cela…
– Non, elle était au courant de tout. Depuis le début, elle a été informée dès que j’en ai su plus sur mes opérations et mon état de santé. Elle a été au courant de chaque étape de mon opération et de mes blessures.
Quelle a été sa réaction à cela ?
– C’est elle qui m’a guidée. Qui m’a encouragée et dit que j’avais ma place aux Jeux.
Comment avez-vous accueilli ce soutien ?
– Au début, j’ai un peu hésité. J’en ai parlé à Zita Csovelyak, de l’ITU Development Program, et lui ai fait part de mon hésitation. Je lui ai dit que je n’étais pas en super forme pour faire un super résultat. Mais elle m’a dit : «Non, tu as gagné ta place !»
Avez-vous le sentiment d’avoir barré la place à une autre triathlète si vous n’étiez pas allée à Rio ?
– Mon dossard aurait été perdu. On aurait été 54 filles au départ et non 55. Car mon dossard n’était pas ré-attribuable. La prochaine Africaine après moi n’était pas éligible. Soit j’y allais comme me le conseillait Zita Csovelyak ou alors je n’y allais pas et il y aurait eu une personne en moins sur la ligne de départ. Je n’ai pris la place de personne.
Le Comité olympique mauricien était-il au courant de votre état de santé ?
– Il a fait comme s’il n’était pas au courant alors que je savais qu’il l’était.
Et quand vous avez annoncé votre maladie à la BBC, qu’a-t-il fait ?
– Il a organisé une réunion pour avoir un mot pour moi. Mais je n’avais pas besoin de cela.
Quel avait été votre objectif initial à Rio ? Qu’auriez-vous pu faire sans votre maladie ?
– Mon entraîneur et moi, on visait un Top 40 aux JO. Finir parmi les 30 et 40 premiers triathlètes. C’était réalisable. J’avais fait beaucoup de progrès avant mon opération.
Allez-vous mettre un terme à votre carrière internationale ?
– Je ne sais pas. Pour le moment, je pense surtout à me soigner. À finir cette année 2016. Après je verrai.
Que disent les médecins pour votre pied ? Quand serez-vous en état de marcher correctement ?
– Dans six semaines, on verra. En l’état actuel, ils ne peuvent rien diagnostiquer.
Si vous arrêtez la compétition, est-ce que la FMTri perdra de son aura ?
– (Sourire). Ce n’est pas à moi qu’il faut poser la question. Il y aura d’autres personnes, je l’espère.
Est-ce que vous penserez aux JO de Tokyo si tout se passe bien au niveau de votre santé ?
– C’est dans quatre ans. On verra. Certes, j’avais dit que j’allais arrêter ma carrière internationale après Rio. Je n’ai pas non plus envie de finir sur une telle note. Même si je sais que ce n’est pas de ma faute. Que j’étais malade. Mais peut-être que cela m’encouragera à aller jusqu’aux Jeux du Commonwealth dans deux ans. Ce qui serait intéressant ce serait aussi que le triathlon soit parmi les disciplines choisies aux Jeux des îles qui auront lieu chez nous.
La compétition vous manque-t-elle ?
– Oui, cette année surtout. De refaire ce que j’aime le plus, j’y retrouverai une part de moi. Là, en ce moment, je me sens inutile. Je prends du poids, mon corps change. J’ai un regard assez négatif sur moi. Mais dans mon entourage, on me dit que non. Là encore j’ai le soutien des gens. J’ai hâte de pouvoir au moins remarcher correctement. Et puis, cela va revenir… nager, rouler…
Quelle image aimeriez- vous que l’on garde de vous ?
– Je ne veux pas qu’on ait pitié de moi. Je ne suis pas la première ni la dernière à avoir cette maladie. Dans ma tête, le cancer, c’est fini.
*PET scan : Position Emission Tomography ou Tomographie par émission de positions (méthode d’imagerie médicale)

Syndrome des loges: ce qui s’est passé
<p>Lorsque Fabienne St-Louis se faisait opérer de sa tumeur, le 23 mars 2016, en France, elle a eu un problème aux pieds qui a entraîné le «syndrome des loges» (soit une augmentation au-delà des normes de la pression intramusculaire, à l’intérieur d’une loge. N. B. : les membres supérieurs et inférieurs sont faits de loges musculaires.) Nous reproduisons les propos de l’athlète à ce sujet sur sa page facebook, après les JO de Rio.</p>
<p>«Les anesthésistes avaient placé des repose-pieds sous mes mollets, et il se trouve que ces derniers ont comprimé les gambettes ! Mes jambes ont arrêté d’être irriguées pendant un certain moment, impossible de dire la durée, mais assez pour qu’à mon réveil je hurle de douleur aux jambes. La salle de réveil en panique, les gens s’agitent autour de moi… Je ne comprends pas ce qui m’arrive ! Je n’ai pas du tout mal au niveau de mon oreille, mais souffre le martyr aux mollets ! Résultat : Syndrome des Loges a minima, suite à la compression des mollets.»</p>
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