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Jonathan Bru : «Le football à Maurice est dans un état critique»

10 septembre 2016, 18:27

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Jonathan Bru : «Le football à Maurice est dans un état critique»

Il a récemment accepté le poste d’adjoint au Directeur technique national de football. Retour sur le parcours de ce Français né de parents mauriciens qui tape dans un ballon rond depuis ses deux ans.

Il a évolué en tant que joueur professionnel en France, où il est né, et à l’étranger. Le nouvel adjoint au Directeur technique national (DTN) de football, Jonathan Bru, 31 ans, entrevoit ses nouvelles responsabilités comme des occasions d’échanges.

Chez ce fils d’un couple mauricien immigré en France, le ballon rond a d’abord été une passion. Sa mère et son père travaillant très dur, Jonathan Bru est confié chaque matin à ses grands-parents maternels, qui sont concierges à Neuillysur- Seine, en banlieue parisienne. Son grand-père lui offre un ballon qu’il ne quitte presque plus. Il n’a que deux ans.

À six ans, Jonathan Bru vit son premier drame. Dans la nuit du 24 au 25 décembre, sa mère, 28 ans, succombe à une crise cardiaque. Il conserve le souvenir d’un retour lugubre en banlieue parisienne et des murs d’appartement dépourvus de tableaux que son père a enlevés sans doute en signe de deuil. «C’était tout blanc et vide, se souvient-il. On comprend mal la mort à cet âge-là.»

Il réalise qu’il doit veiller sur son jeune frère Kevin. Commencent alors pour lui des nuits d’insomnie. Le football devient un refuge. «Du matin au soir, je jouais au football et quand ce n’était pas dans la rue, c’était dans la maison. Papa s’énervait souvent car je cassais des choses.»

Un an après la mort de sa mère, son père se met en ménage avec une Française qui inscrit Jonathan Bru, alors âgé de huit ans, dans un club de football, le Paris 11. Il va à l’école et le week-end, il s’entraîne avec le club.

Au bout de deux ans, il intègre le Paris F.C, club de deuxième division. Peu après son arrivée, il est aligné en milieu de terrain et marque un but en retourné. Ce qui fait de lui la coqueluche du club. Celui-ci remporte d’ailleurs le tournoi. Un an après son arrivée, on lui confie le brassard de capitaine. Il reste quatre ans avec ce club.

Le quartier où il vit devenant chaud, Jonathan Bru se dit que sa porte de sortie doit être le football. «Les rumeurs voulaient que les recruteurs assistent aux matchs et sélectionnent les jeunes joueurs prometteurs. Je rêvais de ça et Paris F.C avait une très bonne réputation.»

Carrière internationale

La chance lui est donnée lorsqu’il est convoqué par la Fédération française de football qui offre une formation à l’Institut national de football français, basé à Clairefontaine. Il se fait remarquer dès le premier test et au final, à 13 ans, figure parmi les 25 jeunes joueurs les plus prometteurs de la région d’Île-de-France.

Pendant deux ans, il suit des cours de football, tout en continuant sa scolarité. «L’Institut est une sorte de laboratoire de formation destiné à préparer les jeunes à se perfectionner pour jouer dans des clubs professionnels, explique le jeune homme. J’ai trouvé un équilibre entre les études et le sport, je suis devenu très discipliné et on m’a inculqué des valeurs que j’aurais eu du mal à retranscrire dans ma vie si j’étais resté dans mon quartier (…). J’ai même réussi mon baccalauréat.»

À 15 ans, il est sollicité par des clubs de première division, dont le Paris-St-Germain et Monaco. Mais il préfère commencer dans un club aux prétentions moins importantes et signe avec le Stade Rennais. Dès qu’il complète sa formation à l’Institut, il est sélectionné pour intégrer l’équipe de France junior. Entre 15 et 21 ans, il fait partie de la sélection nationale 45 fois et marque trois à quatre buts. À 18 ans, il signe comme professionnel avec le Stade Rennais.

Une fracture du pied l’immobilise six mois. Lorsqu’il renoue avec le football pratique au Stade Rennais, il a du mal à s’imposer. Il finit par accepter un contrat avec Istres F.C.

L’idée d’une carrière internationale le pousse à signer avec Pafos, un club chypriote de première division, puis à l’Academica Coïmbra au Portugal. Il réalise, entre autres, que le football portugais est «technique et élégant», que celui de France est «plus physique et rigoureux» et le football chypriote plus «agressif et sauvage».

Au bout de trois ans, il est débauché par le club Melbourne Victory, en Australie. «L’Australie a été ma plus belle expérience internationale car les Australiens ont une culture de surpassement d’eux-mêmes qui est extraordinaire. » Après deux ans, il rentre en France et signe avec le F.C de Poissy.

Il se sent mauricien car chaque année, il revient en vacances au pays. Comme il a de bons rapports avec des membres de la fédération locale de football, il leur indique qu’il pense à une reconversion et qu’il serait disposé à accepter un poste ici.

Parallèlement, la fédération contacte son ancien entraîneur français, Sébastien Sirot, qui suggère qu’elle recrute le footballeur comme adjoint. Et une proposition de travailler ensemble e st faite aux deux hommes.

Jonathan Bru accepte pour plusieurs raisons. «J’aime partager mon expérience mais aussi me nourrir de celle des autres. Je suis très attaché à ma famille ici. Et ensuite, le football y est dans un état critique. C’est un sport où les gens sont divisés. Je considère que Maurice est mon pays et qu’il est important de fédérer tout le monde. Je me vois bien travaillant en binôme avec Sébastien Sirot et formant des jeunes. Il faut absolument commencer quelque part.»

Il se rend aussi à Paris une semaine par mois pour suivre des cours en vue de passer l’examen de coach de football en mai 2017. D’autres projets d’avenir à Maurice ? «Je ne crois pas au hasard. Je suis sûr que les choses se mettront en place par elles-mêmes… »

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