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JO-2016: Trois sélectionnés critiquent le rôle des dirigeants mauriciens
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JO-2016: Trois sélectionnés critiquent le rôle des dirigeants mauriciens

Lors d’un point de presse, le vendredi 2 septembre, au siège du Comité olympique mauricien (COM) à Port-Louis, Philippe Hao Thyn Voon, président de cette instance et chef de la délégation mauricienne aux Jeux olympiques de Rio (5-21 août 2016), dressait un bilan positif de la participation de Maurice à la plus grande manifestation sportive de la planète. Mardi au centre social Marie-Reine-de-la-Paix, l’haltérophile Roilya Ranaivosoa (48 kg), l’athlète Aurélie Alcindor (200m) et le boxeur Merven Clair (75 kg) ont donné une tout autre version des faits et dénoncé l’attitude des dirigeants qui ont accompagné la sélection mauricienne au Brésil.
Le ton est donné d’emblée par Roilya Ranaivosoa. C’est elle qui donne le la et sonne l’hallali. «Le but de ce point de presse est de dire ce que nous avons vécu. Ce sont les athlètes qui sont les plus importants car ce sont eux qui représentent Maurice. J’ai une question : comment est-ce que le COM choisit les athlètes pour l’attribution de bourses olympiques ? Quels sont les critères ? Pour ma part, je suis partie à Rio grâce au soutien du Trust Fund for Excellence in Sports (TFES) et du ministère de la Jeunesse et des Sports (MJS). Peut-on offrir une bourse à un athlète si ses performances n’en sont pas dignes ? Qu’avons-nous eu du COM ? Je le redis, s’il n’y avait pas eu le TFES et le MJS, je ne pense pas que j’aurais représenté Maurice aux Jeux de Rio.»
L’haltérophile enchaîne et défend son parcours. «Il est facile de dire que Roilya a fait neuvième. Mais il n’y a personne qui a fait ce que j’ai fait jusqu’ici. Une neuvième place, c’est une grande performance et cela sans l’aide de ma fédération. Les JO, c’est une compétition dont rêve tout athlète», souligne-t-elle.
Roilya Ranaivosoa répond alors à la question posée plus haut : «Qu’avons-nous eu ?»«Deux t-shirts, un track-suit et 200 dollars pour lesquels nous avons signé deux documents mentionnant 200 dollars. Le COM a investi dans les voyages. Il y a un gros budget du Comité international olympique à chaque édition des Jeux. Les dirigeants ont eu plus de «pocket money» que nous. Normalement, quand un athlète se qualifie pour les Jeux, il devrait avoir droit à Rs 40 000 et des équipements personnels. Ces mêmes dirigeants prétendent que nous ne faisons pas d’efforts. Quel est le rôle du COM ? Quand a-t-il aidé les athlètes qui ont représenté le pays à Rio ?»
L’haltérophile déplore ensuite «le va-et-vient» des dirigeants entre Rio et Maurice, insinuant qu’ils n’ont pas tous été présents durant toute la durée des Jeux. «Ils ont tous eu 400 dollars pourtant. Que sont-ils allés faire là-bas ? Nous n’avions pas de physio, il y avait des athlètes sans entraîneur. Mon entraîneur n’a même pas pu prendre part au défilé. Pourquoi ? Durant le défilé lors de la cérémonie d’ouverture, les athlètes mauriciens étaient derrière, les dirigeants devant. Depuis quand les dirigeants précèdent-ils les athlètes dans un défilé ?», se demande-t-elle.
Le boxeur Merven Clair prend alors le relais. «J’ai effectué un stage de trois mois à Cuba avant les Jeux. Mes chaussures se sont abîmées là-bas. Une fois au Brésil, quand j’ai demandé mes équipements, les dirigeants m’ont dit qu’ils n’étaient pas encore arrivés. Les membres du COM auraient dû être là pour nous aider. Quelqu’un a dû emprunter des vêtements pour pouvoir prendre part au défilé», dénonce-t-il, en assurant qu’il était «mieux habillé aux Jeux des îles de l’océan Indien qu’aux Jeux olympiques».
Clair : «Je me suis senti rabaissé»
Roilya Ranaivosoa fait entendre sa voix à nouveau : «Les Jeux, c’est un gros budget. Nous étions onze sélectionnés, la délégation étaient composée majoritairement de dirigeants. Deux jours avant le départ, j’ai eu un t-shirt City Sport. Il aurait dû nous être remis avant. Les dirigeants sont supposés être là pour nous soutenir, nous encadrer. Pourquoi étaient-ils à Rio ?»
L’haltérophile est encore plus critique quant au rôle tenu à Rio par ces mêmes dirigeants. «Nous étions tous des sélectionnés. À la première compétition, nous avons dû nous débrouiller pour obtenir des billets et aller assister aux épreuves. Pourtant, il y avait deux voitures attribuées à la délégation mauricienne. Dans le cas d’un athlète cependant, nous avions reçu une lettre la veille pour nous dire qu’on pouvait aller suivre la compétition. On a même eu un billet pour y aller. Nous nous sommes déplacés à Rio à nos dépens. Nous n’avons rien reçu du COM. Il serai peut-être temps de reconnaître la valeur d’un athlète», s’insurge-t-elle.
«Quelle sera ma prochaine étape ?» s’interroge Roilya Ranaivosoa, demandant par là même si les responsables du sport mauricien ont pensé à cela. L’haltérophile a alors remercié son entraîneur, le Roumain Urdas Constantin, pour son soutien… constant. «Quand lui aussi a demandé pourquoi les sélectionnés ne percevaient que 200 dollars, on lui a dit de se taire», affirme-t-elle.
Merven Clair s’attaque également aux critiques formulées à l’égard des sélectionnés. «J’ai battu un Ghanéen en qualification. Sur le plan des équipements, quand je vois le Ghanéen, je me suis senti rabaissé. Il y a eu des critiques après les Jeux. Mais ce que nous avons fait avant les Jeux, il n’y a pas un mot à ce sujet», regrette-t-il.
Le mot «équipement» provoque une nouvelle vague de reproches chez Roilya Ranaivosoa : «Comme évoqué plus haut, j’ai eu un t-shirt City Sport à la veille de mon départ de Rio. J’ai eu un blouson après les Jeux. Pourquoi n’a-t-on pas distribué ces équipements avant ? Voilà ce que nous avons eu : deux t-shirts, un short, un «track suit», 200 dollars et des équipements du sponsor. Qu’a donné le COM ?»
Aurélie Alcindor, silencieuse jusque-là, entre alors dans la danse. «Quand nous posions des questions, les dirigeants disaient : “Nous prenons note de ce que vous dites.” Certains dirigeants sont allés faire quoi à Rio ? Estce que nous étions présents en foot ? En lutte ? Nous sommes passés par beaucoup d’épreuves. Un boursier olympique doit produire des performances. Si ce n’est pas le cas, doit-on continuer de le payer ? De lui offrir une préparation ?» s’interroge-t-elle.
Merven Clair dit aussi sa frustration au sujet des bourses olympiques. «Je me suis qualifié pour les Jeux, pourtant je n’ai bénéficié d’aucune bourse. Un athlète peut-il bénéficier d’une bourse pendant deux ans sans fournir de performance ? Nous aurions aimé savoir les critères pour l’obtention d’une telle bourse», martèle-t-il.
Josian Valère, président de la Fédération mauricienne de judo, avait été le premier à dénoncer cet état de faits. Les trois athlètes présents, mardi, à Port-Louis, confirment, en tout cas, qu’ils n’avaient pas inventé les manquements déplorés.
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