Publicité

Grand-mère Raymode et tante Olga: racontent La Gaulette

14 avril 2017, 16:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Grand-mère Raymode et tante Olga: racontent La Gaulette

À 83 et 91 ans, Ursule Legois et Berthe Rose ont toujours vécu à La Gaulette. elles ont bien voulu nous dévoiler «lavi lontan»

«Lavi lontan ti pli bon.» Toutes les grands-mères ou presque, dans le monde, le disent. Ursule Legois, que tout le monde appelle Raymode, et Berthe Rose, connue comme tante Olga, ne dérogent pas à la règle. Ces belles-soeurs, âgées de 83 et 91 ans respectivement, ont toujours habité à La Gaulette. Avec une dose d’humour, caractéristique des grands-mères, elles reviennent sur ce fameux «lavi lontan».

Physiquement, elles sont aux antipodes. Raymode a les cheveux teints bien entretenus et est de forte corpulence. Sa belle-soeur à la crinière blanche est toute chétive et se déplace à l’aide d’une canne. Mais les deux précisent d’emblée qu’elles sont en bonne santé, contrairement «a sa ban zenn-la». Leur secret ? La nourriture.

La nourriture des villages

«Qu’est-ce qu’on n’entend pas comme maladie aujourd’hui ! Entre le diabète, le cholestérol, l’hypertension, l’urée et on ne sait quoi d’autre, tout le monde a quelque chose», ne cesse de marteler tante Olga. De souligner : «De notre temps, on n’entendait pas cela. Akoz pa manz bien sa.» Et que mangeaient les gens auparavant ?

La réponse vient de Raymode. «La plupart du temps, c’était du maïs que nous plantions. Les dimanches, c’était mélangé avec du riz ou du manioc. Avec le thé, c’était…»

«Du thé ? Ki dité? Le thé était rare ! La plupart du temps, c’était de la citronnelle ou de la bergamote avec de l’eau chaude», interjette Olga. On l’aura compris, cette dernière n’aime pas forcément être interrompue quand qu’elle parle.

Du temps d’Olga, les légumes venaient du jardin. Même le maïs. Il y avait aussi des tomates, des aubergines, des patates, des violettes et d’autres légumes dont elle ne se souvient plus. Le riz était plutôt rare. Dans le cas de Raymode, sa famille se sustentait de ce qu’elle produisait dans ses champs sur les flancs des montagnes. Aujourd’hui, ces «karo» ont été transformés en chasses.

Le paysage

Avant, le village de La Gaulette était totalement différent. Au détour de la conversation, tante Olga glisse plusieurs fois le fait que la famille Labonne, dont elle est issue, est la plus vieille famille du village. «Wi, mé mwa osi mo’nn viv la lontan», précise Raymode. S’ensuit une longue discussion pour savoir qui était sur les lieux en premier.

Lorsqu’elles étaient petites, toutes les maisons étaient en paille, raconte Raymode. «Oui, mais les riches avaient des maisons en tôle», objecte tante Olga. «Mais ils étaient plus à Surinam ceux-là. Il y avait cinq maisons en tôle recouvertes de bardeaux», poursuit Raymode, ne faisant pas grand cas de l’interruption.

À La Gaulette, les maisons étaient donc en paille. Souvent, les habitants allaient chercher de la terre blanche au Morne pour recouvrir les murs. Louer une pièce de ces maisons coûtait 50 sous. À ce prix-là, un bout de varangue était aussi donné au locataire.

Dans le village, les gens dormaient sur des matelas confectionnés à partir de sacs de jute. «On rembourrait les sacs avec de l’herbe», indique tante Olga. Sa belle-soeur confirme que les matelas étaient presque aussi confortables que les matelas des magasins d’aujourd’hui. À l’époque, il n’y avait pas de routes non plus. Que des sentiers. De temps en temps, le gouvernement mettait des macadams et de la paille pour niveler. «Bann sofer pa ti pé plegné. Akoz pa ti éna loto», rit tante Olga. Sa belle-soeur ne peut s’y empêcher non plus.

Les déplacements se faisaient à pied. Que ce soit les ballades à Baie-du-Cap ou à Chamarel, c’était armées de courage et de bonne humeur qu’elles faisaient le trajet. Les autobus sont arrivés bien après. Ce n’est qu’en 1960 que les maisons en béton ont commencé à apparaître et que les infrastructures ont été améliorées. «C’était après le passage du cyclone Carol. Le pays était à plat. C’est ce qui a poussé les gens à construire autrement», analyse Raymode. C’est l’une des rares fois où Olga ne la contredira pas.

Coût de la vie

Revenons au prix de la location. 50 sous, ce n’était pas très cher pour une pièce ? «À un moment, je travaillais. Je faisais le ménage. Je gagnais 30 sous. Mo ti pé kapav aster diri, délwil, lanti rouz, pwason salé. On avait à manger pour toute la famille», répond Olga pour donner une idée précise du coût de la vie. Et il lui restait la moitié de son salaire après être passé à la boutique. 10 kg de riz coûtait Rs 5. À cette époque, elle achetait un pain à un «cass», c’est-à-dire deux sous. Mais attention : «an vil» – comprenez à Port-Louis –, les prix n’étaient pas aussi bas. Le pain pouvait coûter un sous de plus.

«Tou létan mo bolom ek mwa nou finn ékonomisé. Nous n’avons jamais fait de dépense superflue», fait savoir tante Olga.

 

Une publication du quotidien BonZour!

 

 

Publicité