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Vinod Seegum: «Il faut investir massivement pour rehausser le niveau des collèges»
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Vinod Seegum: «Il faut investir massivement pour rehausser le niveau des collèges»

Alors que les résultats du Primary School Achievement Certificate (PSAC) viennent d’être proclamés, la galère de l’inscription dans les collèges commence. Frustration sur les choix d’établissement, régionalisation à demi-mesure, manque de transparence et de nouveaux collèges : les maux sont divers autour du système, selon le syndicaliste.
Qu’est-ce qui pose problème au niveau de l’allocation des collèges ?
C’était une situation escomptée. Car au fond, le Service diocésain de l’éducation catholique (SeDEC) n’a pas adhéré à la réforme. Pourtant, il y a eu plusieurs discussions et négociations avec le ministère de l’Éducation. Le SeDEC est resté à l’écart. La ministre a rassuré la population que cette instance allait adopter la réforme. Mais nous savions que tel ne serait pas le cas. Le fait que les collèges du SeDEC, qui disons-le, sont de renommée, n’aient pas été convertis en académies, privilégiera un système continu, donc de la Form I (NdlR, Grade 7) à l’Upper VI (Grade 13). À l’inverse, dans les collèges d’État, ce sera uniquement jusqu’à la Form III (Grade 9).
Du coup, si ces établissements n’adhèrent pas à la réforme comme vous le dites, la régionalisation ne semble pas s’appliquer. Pourquoi un système pour certains et pas pour d’autres ?
Au final, les collèges du SeDEC sont des institutions privées. On ne peut les contraindre à l’adhésion….
Pourtant ne touchent-ils pas des subventions de l’État ?
Absolument. Mais je ne vais pas évoquer ce sujet. D’ailleurs, cela ne date pas d’aujourd’hui. Un système s’est établi. Personne ne pourra y toucher. En un mot : ils n’ont pas joué le jeu. Mais s’ils étaient dans la réforme, le problème ne se poserait pas. Nous l’avions anticipé. De plus, face au changement de système dans le public, nous assistons à une prolifération de collèges privés. Et les parents non rassurés par le dispositif mis en place par l’État se ruent vers les collèges du SeDEC. S’ils n’y trouvent pas de place, ils accourent vers les établissements privés.
Pourquoi ne peut-on pas lier régionalisation et résultats ?
Si on liait les deux, nous retournerions à l’époque du ranking et à la situation initiale, soit au temps du Certificate of Primary Education (CPE). Quoiqu’elle soit un peu déjà complexe aujourd’hui…
Est-ce pire que le «ranking»?
Je ne dirai pas pire. Nous savions qu’il y aurait l’émergence des collèges performants et réputés dans la région. Prenons l’exemple de Sodnac SSS à Quatre-Bornes. Celui-ci va s’imposer tel un Queen Elisabeth College (QEC) régional. Ce modèle traduit une solution, soit d’investir massivement pour rehausser le niveau des autres collèges.
Un certain manque de transparence se fait sentir selon les parents. D’où vient-il ?
Avant, il y avait le A+, qui correspondait à un score de 90 à 100 points. Je ne dis pas qu’il faut le réintroduire. Désormais, cela va de 75 à 100 points. Je n’étais pas d’accord avec ça, car un enfant aujourd’hui sait qu’avec le minimum d’effort, il aura ce score. Donc, il s’en tiendra là. Il ne sera ni motivé ni stimulé à faire plus. À la longue, cela cause un problème.
De l’autre côté, il faut aussi protéger les élites. Il y a des enfants nés avec l’intelligence qu’il faut motiver. Reprenons cette grande marge de 75 à 100 points et imaginons deux frères ayant obtenu 4 unités au PSAC. Les deux feront la demande au même collège. Mais l’un d’eux y décrochera une place et l’autre en aura une dans un établissement lointain. Pourquoi ? Le Mauritius Examinations Syndicate (MES) ne va pas fournir d’explications. Moi je vous le dis : c’est parce que celui qui a décroché sa place au collège escompté dispose de meilleurs points. Cela cause énormément de frustration. Allez expliquer cela à un enfant. Lui direz-vous : tu as eu 4 unités mais tes points sont faibles ?
D’autant que cela semble parallèlement engendrer la frustration des parents…
Cela se passe comme ça chaque année. Mais cette fois-ci, la frustration est plus forte. J’ai rencontré plusieurs parents qui nous ont fait part de leurs griefs et nous ont même demandé de les aider. Rien qu’à voir les médias, on constate que 300 parents se sont rués vers le collège du Saint-Esprit alors que seules 60 places sont disponibles. Il faut trouver des solutions avant que la situation n’empire.
Lesquelles ?
Il faudrait instituer une unité qui veillera sur les collèges régionaux afin qu’ils soient tous au même niveau.
Ce nivellement est-il vraiment réaliste ?
C’est tout à fait possible. Il faut donner les mêmes infrastructures aux collèges A, C etc. Ensuite, il faut voir la rotation des enseignants. Il ne faut pas qu’ils travaillent systématiquement dans le même «bon» collège. Si les techniciens du ministère, les syndicats, les associations de parents-enseignants se mettent ensemble, on y parviendra. Il faudrait aussi investir massivement. Il y a eu des réformes mais on n’a pas vu de construction de collèges.
Pourquoi la ruée vers les «star schools» ne va-t-elle pas disparaître, finalement ?
C’est la nature humaine. L’homme, le parent surtout, cherche toujours le meilleur pour son enfant. C’est encore la ruée vers les star schools. Si on n’applique pas des remèdes de cheval comme l’investissement, la situation va se perpétuer dans chaque région.
Pourquoi ne pas donner le choix aux parents puisque tous les collèges ne sont pas du même niveau à ce stade ?
Cela nous ramènerait à l’ère du ranking. Si le choix était libre, tous les parents se précipiteraient vers le meilleur collège de la région. 15 000 enfants se battront pour une place au QEC. C’est pour cela qu’on a décrié le CPE dans le passé. Le système actuel est un mini ranking. Il faut trouver un mode de transparence. On ne doit pas leurrer les parents.
Et dans la zone 1 (PortLouis – le Nord), de surcroît, il n’y a pas de place pour les garçons ?
C’est une vérité. Par exemple, quand on a retiré le collège Royal de Port-Louis, le ministère aurait dû construire un autre grand collège dans la capitale pour pallier ce manque. Là, les parents ont juste le Rabindranath Tagore Institute ou des collèges à Piton, à Bell-Village etc. Dans le centre de Port-Louis, il n’y a pas de collège. Comme je vous le disais, on n’a pas vu de construction d’écoles secondaires. Faute de choix, les parents vont vers les collèges privés. Sous cette réforme, il faudrait que chaque zone éducative dispose de deux à trois nouveaux collèges.
Le taux de réussite est passé à 75,17 % contre 77,7 % en 2017. Pourquoi cette chute ?
À mon sens, ce n’est pas une baisse alarmante. Au temps du CPE, la réussite était de 60 à 62 %. La chute est due à plusieurs facteurs. D’abord, les éléments, soit les candidats, ne sont pas les mêmes chaque année. Puis le questionnaire est lui aussi différent. Je pense même qu’il y a une amélioration avec des enseignants qui se donnent à fond pour apporter ces résultats. On a d’ailleurs vu de belles performances dans les écoles de la Zone d’éducation prioritaire (ZEP).
Et avec des «resits», pourrat-on vraiment remonter la pente ?
Les resits étaient une proposition de la Government Teachers’ Union. Ces 75 % là deviendront 82 %. Aujourd’hui, 1 100 enfants reprendront part aux examens mais ce sera généralement pour une seule matière. Le resit va combler le déficit de résultats. Au minimum, 10 % réussiront…
Et pour ceux qui échoueront encore ?
Les 1 100 élèves qui reprendront part aux examens du PSAC le 21 décembre ont tous obtenu des collèges. Pour ceux en échec constant, il faut recruter des Support ou Remedial Teachers dans les collèges pour les aider.
On se souvient des critiques entourant les épreuves pour l’histoire géographie et la science. Le niveau du PSAC est-il plus dur ?
Beaucoup de fois, les questions semblent avoir été préparées dans l’opacité. Il n’y a pas de modération propre, c’est-à-dire quelqu’un qui vise l’examen préparé par un Paper Setter. L’épreuve doit refléter ce qui existe dans le curriculum. Souvent, le Paper Setter a tendance à aller chercher ailleurs car les questions ont déjà été posées il y a cinq à sept ans. Quand vous placez une question que l’enfant n’a pas apprise, c’est le plus grand drame qu’on commet à son encontre. C’est un crime de tester un enfant sur un sujet qui ne lui a jamais été enseigné. Le MES doit assumer ses responsabilités et proposer des épreuves adaptées.
Des erreurs ont été relevées dans les examens de Cambridge. N’y a-t-il aucune instance pour vérifier cela ?
Je décrie ces erreurs. Le MES doit y remédier. Il ne faut pas que cela se reproduise. Imaginez la frustration des élèves en pleine épreuve. Je pense aussi qu’il faut cesser avec Cambridge. Nous avons célébré 50 ans d’Indépendance. Devrions-nous encore nous fier à Cambridge ? Nous proposons un baccalauréat international mauricianisé mais cela ne résoudra pas le problème de négligence commise dans les examens. Que le MES redouble d’efforts et de vigilance.
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