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Un diplôme, pas une garantie d’emploi

4 janvier 2019, 18:00

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Un diplôme, pas une garantie d’emploi

Avoir un diplôme en poche, est-ce une garantie d’emploi ? Pas si sûr. Le nombre de diplômés au chômage englobe une bonne partie des sans-emploi à Maurice, comme en témoignent les chiffres de Statistics Mauritius chaque année. Pour 2017, le nombre de sansemploi ayant déjà complété leurs études supérieures s’élevait à 9 700, soit 23 % du nombre total de chômeurs. Au troisième trimestre 2018, ce segment représentait 26,4 % des chômeurs. Ces statistiques mènent à la question suivante : offrir des études supérieures gratuites à tous ne risque-t-il pas d’augmenter, en contrepartie, le nombre de diplômés au chômage ?

Roland Dubois, ancien directeur du Mauritius Institute of Training and Development (MITD) et du Youth Employment Programme et directeur de Roland Dubois Consulting Ltd, se pose pour l’heure plusieurs questions. «Quand on parle d’éducation supérieure, à quoi fait-on référence exactement ? Quelles institutions sont concernées ? Les cours à temps partiel sont-ils concernés?» se demande-t-il.

Toutefois, rappelle-t-il, l’éducation gratuite a joué un rôle déterminant dans le développement économique du pays depuis son introduction en 1976. Ce qui fait dire à notre interlocuteur qu’étendre la gratuité de l’éducation jusqu’au niveau supérieur n’est pas une mauvaise mesure dans l’absolu. «Mais il faut instaurer des conditions. Lorsqu’on parle d’éducation supérieure, cela n’englobe pas uniquement les universités. Il y a également la formation professionnelle et technique comme celle qui est dispensée par le MITD et les écoles polytechniques. Elle doit aussi faire partie de cette mesure», avance Roland Dubois.

Citant Singapour, Roland Dubois souligne que 65 % des étudiants se tournent vers l’éducation technique et professionnelle. En gros, pour qu’une telle mesure soit un succès, les jeunes doivent être orientés. Au cas contraire, le marché du travail risque de se retrouver submergé de diplômés dans des filières déjà saturées, comme c’est le cas en ce moment. «Nous devons nous inspirer de Singapour et canaliser les étudiants en amont. Or actuellement, le career guidance est quasi inexistant à Maurice. Les jeunes font des études sans vraiment comprendre les besoins du marché du travail», déplore l’ancien directeur de la MITD.

Au final, dit-il, il faut que les jeunes soient «employables». «Il faut créer de vrais leaders, des entrepreneurs qui peuvent faire preuve de créativité, au risque de se retrouver dans la même situation qu’en 1979 où le taux de chômage chez les diplômés était très élevé, causant des manifestations», prévient-il.

«Un diplômé par famille»

Un autre opérateur du secteur privé abonde dans le même sens. «Cette mesure devrait être accompagnée d’une réforme de l’éducation supérieure», soutient-il. Celui-ci déplore l’inadéquation entre les cours que proposent les universités et les besoins de l’industrie. «Dans l’absolu, rendre l’éducation gratuite vient promouvoir l’égalité des chances. Mais si les universités continuent d’opérer comme elles le font actuellement, cette mesure risque de produire l’effet inverse, avec des diplômés dans des secteurs déjà saturés et sans emploi», anticipe-t-il.

D’ajouter qu’il est temps que les universités se remettent en question, qu’il y ait davantage de consultations entre les institutions supérieures et le secteur privé afin qu’il y ait plus de cohérence entre les formations offertes et les besoins du marché. Notre interlocuteur dresse dans la foulée un parallèle entre cette annonce et le programme d’«un diplômé par famille» lancé sous l’ancien gouvernement.

«Serait-ce une mesure pour réduire le taux de chômage artificiellement ?» se demande-t-il. Une question pertinente, puisque les étudiants ne sont pas comptabilisés dans le calcul du taux de chômage.

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