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JIOI 2019 - Martine Hennequin: «C’est l’événement d’une vie, il n’y en aura jamais de semblable»
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JIOI 2019 - Martine Hennequin: «C’est l’événement d’une vie, il n’y en aura jamais de semblable»

Le souvenir gravé comme un arrêt sur images est : moi au filet poussant le volant vers le fond du terrain et Juliette Ah Wan, dépassée, tendant tout de même sa raquette pour arrêter le volant et moi comprenant que je viens de relever le défi que je m’étais fixé : battre la championne d’Afrique en titre. C’était le volant de match, je menais, 10-0. Je viens de marquer le dernier point du deuxième set.
A ce moment je ne vois rien d’autre que du vert et du gris, la silhouette de Juliette et ma raquette au filet. Je me retourne vers Sylvain et je hurle. Je saute de joie, je tombe dans ses bras. Je suis comme dans un état second, je ne comprends pas vraiment ce qui se passe. Quelques secondes plus tard, je me dirige vers Juliette pour lui serrer la main, c’est à ce moment-là seulement que j’entends les cris de la foule dans les gradins.
Le reste est une traversée de rires, de cris, de drapeaux qui flottent, de serrage de mains de personnes dans le public, comme on surfe sur une vague de Tamarin pendant de longues secondes. Les gestes et les mots me précèdent.
L’autre image qui est surréaliste c’est quelques heures plus tard ou le lendemain, je ne me souviens plus : toute l’équipe se rend au stade Georges V pour soutenir l’équipe de Maurice de football. Je me souviens que je porte une veste orange, un jean et l’écharpe quadricolore. Nous entrons dans le stade tranquillement et les gradins s’enflamment à notre entrée : les membres du public se mettent debout à notre arrivée et nous saluent en criant. C’était fou!
Toute cette dizaine de jours a été un événement hors du temps. J’avais l’impression d’avoir gagné aux Jeux Olympiques. Je n’avais rien vécu de pareil. C’était un mouvement national, toute une nation qui se mettait debout pour son équipe. Tout un pays qui vivait au rythme des compétitions.
Les deux autres souvenirs associés à ces Jeux de 2003 sont :
Juste avant la finale, je m’échauffe dans le jardin du gymnase national de badminton. Je suis au fond du jardin, cherchant à éviter tout le monde parce que la tension monte. J’entends la foule qui encourage mon coéquipier Eddy Clarisse, qui a fort à faire vis-à-vis d’Olivier Fossy, le Réunionnais. Ça me stresse. Plus le simple hommes avance, plus je sens la pression sur mes épaules. Je sens que cela va être bientôt à moi et je ne me sens pas prête. J’ai peur. Je ne veux pas entrer dans la salle, pas encore. Je sais qu’Eddy est en difficultés. Mais je ne peux aller l’encourager parce que j’ai ma finale juste après et je dois rester concentrée sur mon match. Ma mère me rejoint : «Ça va ?» Je lui dis que j’ai peur, je stresse. Elle me répond du tac au tac : « Tu veux un petit coup de serviette mouillée? » Je ris. Elle a réussi à me détendre le temps de quelques minutes.
L’autre souvenir, c’est lorsque j’évoque avec Finlay Salesse pour Radio One qui avait installé son studio dans le village des athlètes, ma joie d’être maman. Il m’avait demandée quel parallèle je faisais entre la grossesse avant la naissance de mon fils Matthieu, et la préparation des Jeux des Iles. Et je lui dis que ce n’est pas pareil : lorsque mon fils naît, tout commence. C’est mon soleil, dis-je à Finlay. Alors que lorsque la finale est jouée, toute la pression tombe, et on tourne la page.
J’ai participé à trois éditions des Jeux des Iles et l’édition de 2003 a été la plus marquante. Mais je me souviens de mon émotion lorsqu’a retenti l’hymne national la première fois à Madagascar en 1990.
Les Jeux des Iles 2003 ont été un événement unique. Aujourd’hui plus de 15 ans après, on m’en parle encore, on m’arrête dans la rue pour évoquer ensemble ce formidable souvenir d’élan national. Ça m’étonne à chaque fois. Et je me dis que c’était un moment unique. Comme celui où Eddy devient Champion d’Afrique pour la première fois en 1992 à l’âge de 19 ans, alors qu’il avait abandonné l'entraînement. C’est ça la performance. La performance qui arrête le temps et qui saisit le public mauricien.
Du coup, je n’en garde aucune nostalgie. C’est un événement à ne pas essayer de retrouver. C’est l’événement d’une vie, il n’y en aura jamais de semblable.
On me demande souvent si je pratique toujours le badminton et si je fais encore de la compétition. On oublie que j’ai aujourd’hui 45 ans et qu’il est largement temps de laisser le temps à la relève qui est là. On oublie aussi que j’avais déjà raccroché en 1996 après les J.O. d’Atlanta et que j’ai repris l’entraînement de haut niveau en 2002 pour me préparer pour les Jeux des Iles de 2003, et que cette année-là, j’avais déjà 30 ans et que j’étais maman d’un petit garçon de 15 mois. En 1993, je perds une demi-finale des Internationaux de Maurice contre Sandra Dimbour, championne de France. Je perds en 3 sets et je sentais la déception autour de moi. Ce jour-là, Patrick Richard, champion de Maurice et vainqueur de la médaille d’or aux JIOI 1985 contre Didier Plassan, s’approche de moi en souriant et me dit : «Ne t’inquiète pas. Tu as tout mais pas encore la maturité. Tu gagneras lorsque tu auras 30 ans.» C’est exactement ce qui s’est passé. Et je lui rends hommage. Il nous manque.»
Palmarès
- 1989 : Mon premier championnat de Maurice senior (en simple dames).
- 1988, 1989, 1990 et 1993 : Remporté plusieurs éditions des Internationaux de Maurice en simple, double et double mixte avec Gilles Allet - En 1993, Gilles et moi sommes battus par Eddy Clarisse et Marie-Josèphe Jean-Pierre.
- 1992 : demi-finaliste du Championnat d’Afrique.
- 1992 : Classée 64ème au classement IBF et No. 1 en Afrique
- 1992 : Qualification pour les J.O. de Barcelone
- 1994 : Finaliste du Championnat d’Afrique 1994 en simple dames
- 1994 : Finaliste du double dames aux Internationaux d’Autriche
- 1990, 1993, 2003: Médaillée d’or aux JIOI de Madagascar (1990), Seychelles (1993) et Maurice (2003)
- 1995-1996: Vice-championne de France en simple dames
- 1996 : Qualification pour les J.O. d’Atlanta
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