Publicité

Football: Mourinho, retour gagnant en Premier League

24 novembre 2019, 12:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Football: Mourinho, retour gagnant en Premier League

Le London Stadium est de ces arènes dont on ne dira jamais qu’elles sont faites pour le football. Malgré tous les efforts des supporters de West Ham, réputés parmi les plus «chauds» d’Angleterre quand ils enflammaient Upton Park, l’ancien stade des JO de 2012 est toujours en quête d’un supplément d’âme. Aller à Stratford pour voir un match, ce n’est pas un pélerinage. Ce serait plutôt une pénitence.

Mais hier, samedi 23 novembre, c’était autre chose. C’était la première de Mourinho à la tête de Tottenham, bref du manager et du club les plus exécrés… avec Chelsea des fans des Hammers. L’ambiance était donc garantie – croyait-on – car cette vaste coquille d’acier et de béton n’a pas son pareil pour aspirer l’atmosphère créée par le public, et il ne fallut que quelques minutes pour que le niveau de décibels passe de celui d’un concert de hard rock à celui d’une fête de village ; le niveau du match n’était pas beaucoup plus emballant, on doit l’avouer, après une entame encourageante des Spurs.

Très vite, hélas, le rythme retomba, pour laisser place à un duel plutôt confus, l’équipe de Manuel Pellegrini montrant trop bien pourquoi elle n’avait pris que deux points sur dix-huit avant ce derby, et pourquoi il est improbable que le manager chilien s’éternise sur le banc des Hammers.

Et plus les minutes passaient, plus elle s’enfonçait dans la médiocrité, pour atteindre le néant. Mourinho, qui ne quitta pas sa zone technique, pouvait se frotter les mains : l’adversaire du jour était exactement celui dont il aurait rêvé pour entamer son règne, autrement dit inexistant. Son, puis Moura concrétisèrent la supériorité des visiteurs, avec un Dele Alli se sentant comme un poisson dans l’eau dans son rôle de numéro 10, se permettant même de lancer Son en contre pour le second but des Spurs alors qu’il était allongé de tout son long sur la pelouse. Et lorsque Kane, dont aucun défenseur n’avait jugé bon de suivre la course, planta la tête du 3-0 sur un centre au cordeau de Serge Aurier, la baudruche crevée de West Ham avait laissé s’échapper sa dernière bouffée d’air (*).

Le but inscrit par le remplaçant Michail Antonio juste avant le dernier quart d’heure récompensait un joueur qui avait tout fait pour réveiller les siens, pas une équipe qui ne réagit que bien trop tard, aura probablement un nouveau manager d’ici peu, et en a bien besoin au vu de cette prestation. D’un nouveau gardien aussi, si Lukasz Fabianski ne revient pas bien vite. Pauvre Roberto, écrasé, tétanisé, anéanti par l’enjeu, qui aurait pu et dû sauver deux des trois buts des Spurs… mais bref.

Ce ne sont pas 90 minutes face à une équipe de morts-vivants qui peuvent permettre de dire qu’on a affaire à un «nouveau» Tottenham, et il faudra plus qu’une victoire pour qu’on sache à quoi il ressemblera les semaines et mois à venir. Son organisation en 4-2-3-1 était aussi celle dans laquelle Pochettino avait aligné son onze lors des trois rencontres de championnat précédentes.

Mourinho n’avait pas bouleversé l’effectif de son prédécesseur outre mesure non plus. C’est ainsi que Harry Winks, dont le profil technique ne correspond pas à celui du milieu de terrain mourinhien habituel, avait conservé sa place. Christian Eriksen, source de tant de maux de tête dans le vestiaire des Spurs depuis des mois, avait été laissé sur le banc une nouvelle fois, jusqu’à ce qu’il prenne la place de Dele Alli en fin de rencontre.

Ce même Dele Alli, avec lequel Mourinho avait eu une conversation des plus franches quarante-huit heures plus tôt («c’est toi ou ton frère qui joue pour Tottenham ?» – «C’est moi» – «Alors montre-le !») pesa davantage sur la rencontre qu’il l’avait fait depuis longtemps, mais sans qu’on puisse parler d’une révolution dans la façon de le faire jouer.

Le geste le plus significatif de Mourinho, en fait, était sans doute l’inclusion d’Eric Dier, un joueur devenu périphérique dans l’effectif de Pochettino, mais dont le sérieux et la rigueur semblent parfaitement adaptés au jeu mourinhien. Pour le reste, hormis une certaine propension inhabituelle à jouer long, on attendra.

L’essentiel était assuré : Daniel Levy a fait appel à Mourinho pour que Tottenham gagne à nouveau, et Tottenham, qui ne s’était pas imposé une seule fois à l’extérieur en 2019, a gagné. «Job done», comme le dit Son Heung-Min, de nouveau «homme du match», après le coup de sifflet final. N’est-ce pas exactement pour ça que Daniel Levy a osé renier le travail accompli depuis plus de cinq ans par Mauricio Pochettino ? Pour «gagner» ?

José lui-même, souriant mais pas béat, nous dit ensuite qu’il était «heureux». Heureux de ses joueurs, heureux pour ses joueurs. Pour Dele Alli, «qui ressemblait au Dele Alli d’il y a deux ans, qui avait séduit le monde entier». Il avait craint, dit-il, ce match qui survenait si tôt après la trêve internationale et après le traumatisme du changement de staff au club — deux facteurs auxquels il attribua la baisse de régime des siens lors du dernier quart d’heure.

On avait mis la musique dans le vestiaire des Spurs, pour la première fois depuis longtemps, et c’est cela qui était le plus important, non ? Vous le sentez, Mourinho avait le triomphe modeste, mélange de satisfaction et de soulagement, plus le plaisir de retrouver ce qu’il appela son «habitat naturel», à savoir la zone technique. Et, aurait-il pu ajouter, l’Angleterre, qui lui avait manqué. Donnonsnous encore quelque temps pour savoir si Mourinho lui aussi avait manqué à l’Angleterre.

(*) Il s’agissait du 175e but de Harry Kane en 269 matches sous le maillot de Tottenham, ce qui place désormais l’attaquant anglais à la troisième place du classement des meilleurs buteurs de l’histoire du club, derrière Jimmy Greaves (266) et Bobby Smith (208).

Publicité