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Rudie Veerapen Chetty: «La santé est plus importante que toutes les richesses du monde»

7 mai 2020, 13:57

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Rudie Veerapen Chetty: «La santé est plus importante que toutes les richesses du monde»

Hurdleuse, sauteuse en longueur, sprinteuse. Le nom de Rudie Veerapen Chetty résonne encore dans la mémoire de cette génération de sportifs, de dirigeants et de journalistes qui fréquentaient le stade Maryse-Justin à la fin des années 80. Le hasard d’une rencontre sur Facebook nous a permis de renouer avec celle qui s’appelle aujourd’hui Marie Rudie Kemetter. Incursion dans sa nouvelle vie à Landsberg am Lech en Allemagne.

Le souvenir que nombre de personnes engagées dans le domaine du sport ont de vous est celui d’une hurdleuse dynamique, survolant les haies avec sa rage de vaincre. Vous souvenez-vous encore de cette époque ?
J’y repense parfois et cela me donne de la nostalgie. Cette page de mon passé est tournée. Ici, personne ne connaît mon passé et j’avoue que je n’en parle pas, même pas à mon fils qui n’est pas du tout sportif. Une chose pourtant n’a pas changé : c’est ma rage de réussir, d’avancer, de ne pas baisser les bras, malgré l’âge.

Vous avez brillé au niveau national et International, vous avez contribué au succès du Collège Lorette de Quatre-Bornes aux Intercollèges. C’était la belle époque…
C’était vraiment la belle époque, surtout l’année 1986 avec un record au saut en longueur et au relais 4 x 60m. En 1987, je réalise cinq records au saut en longueur et j’enlève une médaille d’argent aux Jeux de l’Avenir en France. L’année d’après, en 1988, je totalise sept records au 80m haies, au 320m haies et au saut en longueur. Je suis désignée Reine des Jeux Intercollèges avec quatre médailles d’or et trois records.

Et en 1990, à chaque compétition du mois de janvier jusqu’au mois de juillet, j’ai brisé tous les records qui se trouvaient sur mon chemin : 56m haies, 60m haies, 80m haies, 100m haies, 200m haies, 250m haies, 320m haies et saut en longueur.

Oui, c’était la belle époque. Je n’oublierai jamais ces moments de fierté que j’ai ressentis à chaque fois que je montais sur le podium et que j’entendais l’hymne national mauricien. Ces impressions, personne ne peut me les enlever. Je suis de nouveau nostalgique.

Malgré tout, j’ai dû ronger mon frein à cause de mes études. Mes parents m’ont fait comprendre que sans un certificat en poche, c’est difficile d’obtenir un bon emploi. J’avais beaucoup de mal à concilier le sport et les études. J’ai écouté les précieux conseils de mes parents et je me suis concentrée sur mes études. Je suis allée faire mon Higher School Certificate au collège de Lorette de Curepipe.

Fin des années 80 : Rudie Veerapen Chetty excelle sur les haies,
au saut en longueur et en sprint.

Vous aviez même été élue «Sportive du Mois» de L’Express au début des années 90…
Oui, cela fut une véritable surprise pour moi d’avoir obtenu ce titre de Sportive du Mois de février en 1990.

Quand décidez-vous de mettre le cap sur l’Allemagne ? Quelles sont les circonstances qui vous poussent à choisir cette orientation ?
Je suis arrivée en Allemagne en mai 1995. Quand on est encore jeune, on est prêt à tenter l’aventure. Cela fera bientôt 25 ans, c’est incroyable !

«Cette pandémie a fait en sorte que certaines personnes oublient de s’entretuer, de faire la guerre.» 

L’adaptation a-t-elle été facile ? Difficile ? De quoi sera faite votre nouvelle vie ?
L’adaptation a été très difficile, la langue étrangère, pas de famille, pas d’amis, les coutumes et la mentalité allemande. Je ne savais pas ce qui m’attendait. J’ai failli abandonner plusieurs fois, tout laisser tomber, parce que c’est vraiment dur de vivre loin de sa famille.

Mais mes parents m’ont toujours soutenue et accompagnée par leurs bons conseils. Ils m’ont remonté le moral. Ils étaient toujours là pour moi, à n’importe quel moment. Sans le soutien positif de mes parents, je ne serais pas cette femme que je suis devenue aujourd’hui.

Aujourd’hui, plus de vingt ans après, vous êtes «personal coach», spécialisée dans la réhabilitation. Racontez-nous votre métier que vous exercez pas trop loin de Munich…
Je suis personal coach en réhabilitation dans un centre de santé sportif à Kaufering. Mes clients sont aussi bien des hommes que des femmes et des enfants, ils appartiennent à différents groupes d’âges entre 14 et 93 ans.
 
Et puis, il y a eu le coronavirus et l’impression de ne pas avoir formulé les bons vœux à la fin de 2019. Depuis quand êtes-vous en confinement en Allemagne ?
On est entré en confinement depuis le lundi 16 mars, mais il n’y avait déjà plus d’école depuis le vendredi 13 mars. J’avoue avoir été surprise, je pensais sincèrement que cela n’arriverait pas ici en Allemagne, encore moins à Maurice.

Votre pays d’adoption a-t-il bien géré cette crise sanitaire sans précédent ?
Mon pays d’adoption a très bien géré la situation. C’est mon opinion personnelle. Tout était bien structuré, organisé par la Chancelière Merkel, le ministre de la Santé Jens Spahn et Markus Söder, le ministre-président de la Bavière.

Malgré le confinement, on avait le droit d’aller au supermarché qui restait ouvert jusqu’à fort tard même le dimanche pour permettre aux vielles personnes de s’y rendre en toute sécurité. Il y a beaucoup de personnes qui, au lieu de se plaindre d’être en confinement, ont pris la décision d’aider ceux qui sont dans l’incapacité d’aller s’acheter des provisions à cause de leur santé ou tout simplement parce qu’ils ont peur de ce virus.

Bien sûr, il y a quelques exceptions comme dans chaque pays, je suppose. Il y a toujours une ou deux personnes qui se plaignent du confinement. A ces personnes, je donne un petit conseil : lisez le livre Le journal d’Anne Frank, une histoire vraie.

Anne Frank est restée enfermée pendant 25 mois, sans aucun confort matériel, sans Internet que nous avons aujourd’hui. Juste pour faire comprendre que rester enfermé dans notre propre maison quelques semaines ou quelques mois, ce n’est vraiment pas difficile. Il faut penser positivement. Si on reste à la maison, on sauve sa propre vie et celle des autres en n’entrant pas en contact avec ce virus invisible.

Comment vivez-vous cette tragédie qui frappe l’humanité entière ?
C’est une tragédie, surtout pour ceux qui en sont morts, et cela me peine. Il faut toujours que des gens meurent pour ouvrir les yeux aux autres. C’est vraiment regrettable. Mais je ne me laisse pas abattre par ces mauvaises nouvelles que les médias annoncent chaque jour. Je me concentre sur les bonnes nouvelles, comme par exemple combien de personnes ont retrouvé la santé après avoir été contaminées par le virus. On ne peut pas vivre une vie saine avec des pensées négatives.

Quelle est la situation là où vous vivez ?
Le fait que j’habite dans une petite ville (NdlR : Landsberg am Lech, ville d’environ 28 865 habitants située en Bavière), les gens obéissent sans problème pour ce qui est de rester à la maison. Et si on sort pour acheter des provisions ou pour faire une promenade, chacun respecte son prochain et sait garder les deux mètres de distanciation sociale.

Est-ce un confinement strict ou parvenez-vous à sortir malgré tout pour vous dégourdir les jambes ?
Strict n’est pas le mot exact, il y a des règles à respecter tout simplement. Rester à la maison, sortir seulement en cas de nécessité, et il est permis de faire des promenades avec la ou les personnes qui vivent ensemble sous le même toit.

Comment faites-vous pour garder la forme morale et physique ?
Je conserve la forme morale en me nourrissant de pensées positives. Ce virus a contraint les gens à arrêter leurs machines, la pollution a diminué, la nature a retrouvé ses belles couleurs. Beaucoup de gens ont réalisé qu’avoir de l’argent ne fait pas le bonheur. Le bonheur, c’est d’être en bonne santé. D’autres sont sortis de leurs nids douillets pour aider les autres moins chanceux dans ces moments difficiles au lieu de se plaindre d’être en confinement.

La forme physique, je la garde en nettoyant chaque recoin de ma maison, en regardant des cours de gymnastique sur YouTube, ou en faisant de la bicyclette parfois. Sincèrement, je n’ai pas le temps de m’ennuyer.

La courbe des infections est-elle en train de s’aplatir ?
L’assouplissement du confinement a déjà commencé depuis le lundi 20 avril, petit à petit. La courbe des infections s’est bien infléchie. A partir de lundi prochain (NdlR : 27 avril 2020), le port du masque sera obligatoire.

L’Allemagne annonce l’assouplissement du déconfinement début mai : écoles et lycées devraient alors pouvoir rouvrir, mais les grands rassemblements resteront interdits jusqu’à fin août…
En ce qui concerne les écoles, les jardins d’enfants, l’université, les restaurants et les studios sportifs, ils resteront fermés. Le gouvernement discute en ce moment pour décider des classes qui auront le droit d’aller à l’école. Les cours universitaires se font en ce moment via Internet.

Serez-vous alors en mesure de reprendre votre activité professionnelle ?
On ne sait toujours pas jusqu’à l’heure si on aura le droit d’ouvrir nos portes le 4 mai ou s’il nous faudra attendre encore pour pouvoir le faire.

Quelles leçons, sinon, tirez-vous de cette pandémie qui a contraint l’humanité entière à un retour à l’essentiel ?
La leçon que je tire de cette pandémie, c’est que la santé est plus importante que toutes les richesses du monde. Cette pandémie a fait en sorte que certaines personnes oublient de s’entretuer, de faire la guerre…

Presque tous les pays du monde se sont mis ensemble pour combattre ce virus. Je réalise aussi qu’ensemble on est plus fort pour combattre n’importe quel problème. Il faut faire le choix d’être ensemble plutôt que d’opter pour le chacun pour soi.

Etait-ce une sorte d’arrêt nécessaire pour que l’humanité réalise ses erreurs et fasse amende honorable ?
Oui, j’en ai l’intime conviction. J’espère vraiment du fond du cœur que, quand le Covid-19 ne sera plus qu’un souvenir, nous gardons dans nos pensées et notre cœur la valeur et le respect de son prochain, de la nature, des animaux, de notre planète Terre où nous avons la chance de vivre.

 


Portrait

<p><strong>23 ans au service de la réhabilitation fonctionnelle</strong></p>

<p>Marie Rudie Kemetter est née à Quatre-Bornes. Son nom de jeune fille est Veerapen Chetty. Elle a eu 47 ans le 6 avril dernier. Elle a une grande sœur, Sweetie, et un petit frère, Pascal. <em>&laquo;Je suis le jambon entre deux sandwichs, la rose entre deux épines&raquo;</em>, se plaît-elle à dire.</p>

<p>Mariée à Peter Kemetter, Rudie est la mère d&rsquo;un <em>&laquo;merveilleux petit garçon&raquo;</em>, Jan Randy. Ils habitent à Landsberg am Lech, une petite ville située à proximité de Munich en Allemagne.</p>

<p>Marie Rudie Kemetter est personal coach en réhabilitation dans un centre de santé sportif à Kaufering. Ses clients sont aussi bien des hommes que des femmes et des enfants et appartiennent à différents groupes d&rsquo;âge entre 14 et 93 ans. Certains sont en bonne santé, d&rsquo;autres souffrent d&rsquo;une maladie incurable comme le cancer ou le MS, ou viennent de subir une opération. Quelques-uns ont perdu la vue ou se déplacent dans un fauteuil roulant. Il y en a d&rsquo;autres qui ont le diabète ou encore l&rsquo;ostéoporose.</p>

<p>C&rsquo;est un travail passionnant et en même temps très éprouvant sur le plan émotionnel, confie-t-elle. Chaque client décharge son lot de problèmes sur ses épaules si bien qu&rsquo;elle s&rsquo;occupe de leurs corps physiques mais aussi de leur santé psychique. Et quand elle rentre chez elle, les émotions continuent de tourner dans sa tête.</p>

<p>Cela fera bientôt 23 ans que Marie Rudie Kemetter travaille dans le même centre de santé sportif. <em>&laquo;J&rsquo;ai commencé à y travailler en 1997 comme &laquo;Kinderbetreuung&raquo;. Je gardais les enfants pendant que leurs parents faisaient leurs séances de sport. C&rsquo;est comme cela que j&rsquo;ai amélioré mon allemand.&raquo;</em></p>

<p>En 1999, elle commence à étudier le coaching et la psychologie des enfants. <em>&laquo;En novembre 2000, j&rsquo;entraînais les enfants âgés entre 5 et 12 ans.&raquo;</em> Elle poursuivra dans cette voie jusqu&rsquo;en 2007. Elle travaillait en même temps à la réception, après avoir réussi à ses examens de Service Management.</p>

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="600" src="/sites/lexpress/files/images/rudie_dans_son_univers_professionnel.jpg" width="450" />
		<figcaption><strong>Rudie Veerapen Chetty dans son univers professionnel,<br />
			un centre de santé sportif sis à Kaufering.</strong></figcaption>
	</figure>
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<p>En juin 2003, Marie Rudie Kemetter passe sa licence sportive en fitness. Dès lors, elle a le droit d&rsquo;entraîner aussi les adultes. En juin 2005, elle passe une autre licence pour l&rsquo;enseignement de la gymnastique. Et en octobre 2007, elle obtient son diplôme dans la rééducation du dos et de la colonne vertébrale.</p>

<p>En 2008, elle tombe gravement malade. Elle effectue plusieurs longs séjours dans une des cliniques de Munich. En septembre 2009, son patron, Bernd Fuchs, l&rsquo;embauche à plein temps. Elle travaille alors 40 heures par semaine. Elle continue de se former et obtient son diplôme en réhabilitation en juin 2010 et sa licence de zumba en mai 2013. En novembre 2015, elle réussit à ses examens de thérapeute du dos et de la colonne vertébrale. Avant d&rsquo;obtenir sa licence en saut sur trampoline en octobre 2016. <em>&laquo;Faire une séance de saut demande de la concentration. Il faut savoir coordonner ses bras, ses jambes et le sens de l&rsquo;équilibre en même temps, tout en sautant. C&rsquo;est bon pour ceux qui ont des problèmes aux jointures - les genoux par exemple -, au plancher pelvien ou tout simplement pour perdre du poids.&raquo;</em></p>

<p>Depuis 2011, Rudie s&rsquo;occupe aussi de la comptabilité et de l&rsquo;emploi du temps des 54 employés du centre. En août 2017, elle épouse Peter Kemetter. En novembre 2019, elle a passé ses examens en réhabilitation pour handicapés. Elle est désormais autorisée à travailler avec les médecins. Elle devait prendre part à un examen en mai 2020 dans le domaine de l&rsquo;orthopédie mais il a été renvoyé en raison du coronavirus.</p>

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