L’activité physique est notre meilleure alliée pour lutter contre la morosité engendrée par le confinement qu’impose la pandémie de Covid-19. Vivre en isolement deux mois durant conduit progressivement à une perte des repères socio-professionnels et temporels et à une perte des acquis sur le plan corporel. Arnaud Souchon, directeur de Keep Cool, spécialiste de l’entraînement et du mangement sportifs, fait un diagnostic complet des effets du confinement sur la pratique sportive.

Les sportifs de l’élite ont été autorisés à reprendre leurs activités en extérieur en respectant des mesures sanitaires strictes. Cette nouvelle vous fait-elle plaisir ?

Plusieurs fédérations sportives ont soumis leur plan de relance au ministère de l’Autonomisation des Jeunes, des Sports et des Loisirs (MAJSL). Leur objectif demeure la reprise des entraînements. Comme dans toute reprise dite « partielle », il y a des échéances à respecter avec des priorités. La reprise, avec les athlètes de haut niveau dans un premier temps, est une bonne initiative pour le sport national. Bien évidemment, il est à noter que la priorité du MAJSL est de recommencer l’entraînement de toutes les disciplines sportives et cela pour tout niveau le plus tôt possible, selon un protocole sanitaire propre à chaque discipline pour garantir la sécurité de tous les sportifs mauriciens.

La pandémie de Covid-19 a provoqué la fermeture de l’espace sportif. Si d’aventure cette fermeture s’était prolongée, y avait-il un risque qu’elle se traduise par l’extinction pure et simple de la saison 2020, toutes compétitions confondues ?

Nous vivons aujourd’hui, et cela depuis plus de deux mois, dans une période inédite et sans précédent où l’incertitude reste dominante. Personne n’est à ce jour capable de prévoir de quoi sera fait l’avenir et d’identifier comment les aspects de notre vie, personnelle et professionnelle, seront affectés. Le monde sportif n’est pas une exception, bien au contraire, c’est l’un des secteurs les plus durement touchés.

Tant au niveau mauricien, qu’international, les échéances sont annulées ou reportées : Jeux olympiques de Tokyo, Euro de football, championnats nationaux ou continentaux et tant d’autres. Les athlètes, confinés chez eux se retrouvent dans un flou inédit

Au bout de combien de semaines d’inactivité est-ce que l’organisme perd ses acquis ?

Pratiquer du sport reste essentiel à notre santé physique et mentale. L’activité physique est notre alliée pour ne pas sombrer dans la morosité. Cependant, en période de confinement, c’est un fait, nous ne faisons pas ou peu de sport. Si un arrêt de six jours n’a peu ou pas d’effet néfaste, au-delà, l’organisme régresse. Durant quinze jours d’inactivité physique, nos capacités diminuent de 30%. Le mécanisme est simple : quand on ne fait plus de sport, le corps se met en veille, il s’économise. Il ne produit plus de muscles et consomme d’ailleurs la masse musculaire existante, dont il n’a pas besoin puisque l’organisme est moins actif.

Quel est l’impact, pour un sportif de haut niveau, de l’absence d’activités ou d’activités réduites sur les plans de la force, de l’endurance, de la vitesse, de la souplesse, de l’aérobie, de l’anaérobie ?

Si la perte équivaut bien évidemment à la durée de l’arrêt, la reprise sera inévitablement difficile : l’endurance sera moins bonne. Déshabitué à l’effort, le muscle souffrira aussi de la reprise et les courbatures seront plus intenses. C’est donc avec beaucoup de regret que je confirme que tous les objectifs d’entraînement précisés dans la question chuteront à des rythmes différents. Par exemple, la vitesse tombera plus vite que la souplesse.

Cela dit, il y a également une bonne nouvelle, qui s’appelle la mémoire musculaire. Vous avez certainement déjà entendu que les muscles avaient une mémoire. Elle permet aux athlètes de récupérer leurs performances sportives très rapidement. Ceci même après une blessure ou après un arrêt prolongé de leur activité sportive. Le mécanisme est double. Il y a d’une part la «mémoire musculaire» qui permet de vite retrouver son seuil de performance. D’autre part la «mémoire du mouvement», stockée par le cerveau, qui aura donc mémorisé des mouvements et des «réflexes» physiologiques.

Les acquis sont temporaires et réversibles. Est-ce que les séances de maintien de forme auxquelles sont réduits les sportifs depuis deux mois sont suffisantes pour leur permettre de conserver le niveau et les acquis qui étaient les leurs avant le début du confinement ?

Face à cette incertitude calendaire, les athlètes se doivent de conserver un niveau de performance et ce en dépit bien souvent de structures inadaptées. Si de nombreuses initiatives voient le jour, sur les réseaux sociaux, pour maintenir sa forme physique, peu d’entre elles concernent d’autres éléments déterminants de la performance, à savoir les aspects cognitifs et mentaux. Le fait de garder un bon équilibre de vie et s’entourer des personnes importantes dans nos vies permet de se stabiliser. Chez Keep Cool, nous mettons également cette dimension au service de nos membres. Nous avons une devise et une éthique sportive qui est «la forme sans la frime». Et nous guidons nos membres pour améliorer leur capital santé et leurs performances sportives sans mettre l’accent sur la plastique et l’apparence physique pour du sport sans prise de tête.

A cette période de l’année, un sportif et son entraîneur peuvent-ils encore envisager rentrer dans leur programme d’entraînement et la planification de la préparation tels qu’établis en début de saison ?

Les athlètes peuvent utiliser cette période pour se focaliser et développer la préparation de la dimension mentale. Nombreuses sont les techniques qui permettent d’améliorer directement les capacités cognitives de l’athlète et ainsi les performances futures. Le travail sur le cerveau est une composante primordiale chez le sportif qui lui permet d’obtenir un avantage indéniable, en agissant notamment sur ses réflexes. En effet, 80 à 90% des décisions prises dans le sport reposent sur des informations visuelles.

Ces deux mois de retard peuvent-ils être rattrapés ?

Témoignant de l’importance des capacités cognitives, techniques et mentales de l’athlète, la simulation motrice est souvent utilisée pour optimiser le retour sur les terrains. Elle permet aux athlètes de conserver, durant leur phase de réathlétisation, des capacités cognitives fortes et ainsi reprendre la compétition le plus rapidement possible. Nous ne pourrons jamais toutefois rattraper le temps perdu mais nous pouvons réorganiser le plan d’entraînement afin de donner un ordre de priorité sur la technique ou d’autres objectifs précis selon le profil des athlètes.

La pandémie de Covid-19 ayant réécrit les règles de vie – gestes barrières à respecter, port du masque, distanciation sociale, impossibilité de se réunir ou de tenir des manifestations de masse –, comment faire du sport dans ces conditions ?

La visualisation de gestes technico-tactiques dans sa tête permet de conserver la technique et aide à la réalisation effective de ce geste de manière plus aisée. Lorsque l’on s’imagine en train de faire un mouvement, on active les mêmes zones cérébrales que celles liées au contrôle musculaire de cette action. Les sportifs de haut niveau savent visualiser mentalement leur activité dans les moindres détails. Aidés ou non d’un coach, ils ont la capacité de construire des scénarios positifs dans leur tête pour lutter contre le stress et se projeter en situation de performance et de victoire.

Quels sont les sports les plus vulnérables en pareille situation ?

Depuis le début du confinement, faire du sport est plus que jamais au goût du jour. Tandis que pour certain(es), sa pratique est essentielle afin de garder la forme, physique et mentale, pour d’autres c’est surtout un bon moyen d’échapper au confinement. Si les bienfaits du sport ne sont plus à prouver, il est évident que certains sports sont plus vulnérables que d’autres, on pense essentiellement aux sports de contact. Cela dit, il y a de nombreuses disciplines, selon le contexte actuel, qui peuvent être autorisées à redémarrer à condition de respecter des mesures sanitaires strictes. Les salles de sport en font partie car la mise en place d’un plan sanitaire pour le respect des gestes barrières est largement possible.

Si l’espace sportif est rouvert durant les prochaines semaines, la saison 2020, telle qu’élaborée dans tous les calendriers de compétition, serait irréalisable. Le mieux serait-il de faire un trait sur 2020 et de commencer à préparer la saison 2021 ?

C’est une question assez complexe car toutes les disciplines ont leurs propres calendriers. Pour les sports qui ont des saisons dites «classiques», avec un début en été et une fin de saison à la mi-hiver, comme le foot ou autres, la saison 2020 est compromise. Dans ce cas, il est important de revoir les objectifs et consacrer les mois restant à développer la technique. A contrario, les fédérations qui ont un autre calendrier, je pense qu’avec un travail de collaboration entre les fédérations et le ministère, nous sommes tous capables de revoir les calendriers et proposer une formule avec des échéances comprimées.

On peut imaginer une reprise des activités sur le plan local mais pour ce qui est des compétitions à l’extérieur, il faudra faire preuve de patience…

C’est ce qui me semble le plus pertinent sur du très court terme dans la mesure où le trafic aérien est suspendu. Dans une vision, un peu plus moyen-termiste, se focaliser sur les rencontres de la zone océan Indien pourrait être une possibilité selon le développement de la pandémie sur les territoires ciblés. Bien évidemment, l’objectif principal reste de protéger la population mauricienne et de ne prendre aucun risque en restant dans nos frontières pour le moment.

L’absence de compétitions, l’absence de sparring-partners, l’impossibilité de réaliser les objectifs fixés, peuvent-elles avoir un impact sur la carrière d’un sportif de haut niveau ?

Ainsi, durant le confinement, l’activité des sportifs de haut niveau ne repose pas uniquement sur des pompes ou des «workouts» mais bien d’autres aspects peuvent et doivent être maintenus. Maintenant, un autre aspect déterminant reste totalement incontrôlable et inégal selon les athlètes et les pratiques, celui du financement. Si certains continuent de s’entraîner de manière optimale, ils ne sont pas sûrs de pouvoir continuer de vivre de leur pratique ou participer à des compétitions majeures si leurs sponsors ne les suivent pas.

Si d’aventure les Jeux olympiques ne pouvaient se tenir en 2021 non plus, cela voudrait dire une fin de carrière inévitable pour nombre de sportifs…

En effet, au-delà de l’aspect financier, l’annulation des compétitions sportives peut entraîner la fin de carrière pour certains sportifs en fin de cycle et donc les faire sortir bien souvent par la petite porte. A ce stade, il sera donc important de penser reconversion. Heureusement, il existe aujourd’hui de nombreuses start-ups qui proposent des services de passerelle entre vie sportive et vie professionnelle.

Et l’entame d’un nouveau cycle, sans être passés par les Jeux olympiques prévus au Japon, en prévision des Jeux de 2024…

Cela aura aussi comme effet favorable de laisser la place à une nouvelle vague de sportifs jeunes, qui possède souvent un bagage académique et intellectuel intéressant. Les acteurs des différentes disciplines ont des délais confortables pour revoir leurs priorités, améliorer les infrastructures en place et créer des écoles de formation pour nos jeunes Mauriciens qui sont remplis de talents.

Ceux qui n’ont pu refréner leur penchant pour la nourriture et qui ont commis quelques excès se retrouvent dans une situation plus compliquée encore…

Tous les ingrédients sont rassemblés en période de confinement pour instaurer un déséquilibre alimentaire. La dépense énergétique s’effondre avec l’activité physique et entraîne des conséquences. Sans une activité physique quotidienne minimale, les muscles fondent progressivement. Déjà relativement sédentaire, une grande partie de la population s’est vu imposer le télétravail, assis devant un écran.

L’alimentation quotidienne augmente plus ou moins sournoisement. La perte des repères temporels socio-professionnels incite à la dérive des horaires des repas qui fluctuent au gré des envies. La journée se déstructure. La tentation du grignotage est bien présente : pour tromper l’ennui, l’anxiété ou l’agitation face à quatre murs d’un logement parfois exigu. La prise de poids est presque inéluctable chez ceux.

Avez-vous quelques astuces et conseils pour éviter le déséquilibre alimentaire ?

Il est important de structurer sa journée en conservant un rythme normal des repas. Eviter le grignotage, si besoin en instaurant une collation dans l’après-midi. Manger lentement pour savourer son repas et améliorer la satiété, réduire la taille des parts.

Il vaut mieux se tourner vers le «fait maison», avec des ingrédients simples, souvent peu coûteux, dans des recettes plus ou moins élaborées, ce qui permet aussi d’occuper l’esprit utilement.

Dans un autre ordre d’idées, quid des salles de sport ? Vous êtes directeur de Keep Cool. Comment est-ce que le confinement a impacté vos activités ?

Depuis la fermeture de la totalité des clubs de fitness le 19 mars dernier, l’ensemble des acteurs du secteur se mobilise pour apporter à leurs clients des réponses commerciales et des solutions pour maintenir, à distance, une pratique sportive régulière malgré le confinement. Les quelque 150 clubs de sport sont tous confrontés à des difficultés financières très importantes : forte érosion de la base client, gestes commerciaux multiples… et par conséquent, chute brutale et durable du chiffre d’affaires annuel, première estimation de 30 à 50% selon les enseignes.

En parallèle des mesures d’accompagnement proposées par le gouvernement, qui permettent de soulager à court terme la trésorerie de la plupart des entreprises, nous nous mobilisons pour anticiper et organiser la reprise de nos activités et l’accueil de nos clients dans les meilleures conditions.

Avez-vous maintenu le contact avec vos adhérents ? Avez-vous proposé des séances de sport en ligne ?

Depuis le 19 mars, l’ensemble des salles de sports du pays est fermé, suite à la décision du gouvernement. Dans ce contexte de crise sanitaire et de confinement imposé, Keep Cool se mobilise et donne accès de façon libre et gratuite à ses contenus sportifs dans une volonté de solidarité avec la population. Keep Cool accompagne tous les Mauriciens dans leur remise en forme quotidienne.

Tous les lundis, Keep Cool met à disposition de nouveaux cours vidéo sur sa chaîne Youtube. Au total, plus de 70 vidéos pour s’entraîner chez soi. Keep Cool a ouvert son application à l’ensemble des Mauriciens en l’alimentant régulièrement via la création de programmes sportifs spécialement conçus pour une pratique à la maison. Accessible 24h/24 et 7j/7, cette application entre coach et adhérents a pour but de maximiser le plaisir du sport et de fidéliser la pratique sportive. Depuis le début du confinement, plus de 30 000 personnes à travers le monde, dont 30% qui ne sont pas adhérents de l’enseigne, ont téléchargé l’application.

Keep Cool propose aussi des entraînements complets quotidiens de 30 à 45 minutes en live sur sa page Facebook Keep Cool Maurice. Arulen, Daniel et Nicolas sont les coaches qui animent ces séances, accessibles à tous les niveaux et sans matériel. Ces entraînements rencontrent un vrai succès et nous remercions tous les participants.

Comment allez-vous vous adapter aux nouvelles règles de vie à la réouverture de l’espace sportif ?

Outre le réel besoin des citoyens de retrouver une activité physique normale, nous rappelons que la pratique régulière du sport contribue au renforcement des défenses immunitaires et au maintien en bonne santé physique et morale des pratiquants. En tant que professionnels du secteur, nous nous engageons à rouvrir de manière responsable et organisée pour protéger la santé de nos clients et de nos salariés par l’intermédiaire d’un plan de mesures sanitaires très strictes.

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	<li><strong>Les mesures sanitaires prises pour une réouverture sécurisée et réussie</strong></li>
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<p>Nous nous engageons à organiser et à encadrer la fréquentation des clubs de la manière suivante&nbsp;: nous proposons d&rsquo;appliquer une limite de 1 adhérent pour 5m&sup2; de surface utile de la salle, afin de garantir largement la distance minimum d&rsquo;1 mètre préconisée dans le cadre des gestes barrières par le gouvernement.</p>

<p>Dans notre salle, nous attribuons l&rsquo;accès aux locaux à nos membres à travers un contrôle d&rsquo;accès magnétique et il sera donc simple de mesurer les accès et de bloquer les admissions une fois le plafond atteint. Un décompte des sorties sera également mis en place pour s&rsquo;assurer du respect de cette capacité maximum en temps réel.</p>

<p><em>Keep Cool</em> a développé un système de réservations à travers notre application mobile afin de faciliter la gestion des clients à l&rsquo;entrée et dans la salle. Des directives strictes ont été données aux équipes en club à travers une formation sur les mesures sanitaires en lien avec la Covid-19.</p>

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	<li><strong>L&rsquo;aménagement du club pour faire respecter les gestes barrières</strong></li>
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<p>Marquage au sol des distances minimum entre les personnes dans le club.</p>

<p>Mise en place de recommandations d&rsquo;utilisation de nos équipements sportifs à destination des clients&nbsp;: utilisation d&rsquo;un tapis de course sur deux par exemple, une seule personne à la fois sur les machines de musculation, aucun exercice en &laquo;duo&raquo;, pas de contact physique avec les coaches et le personnel.</p>

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	<li><strong>Des mesures d&rsquo;hygiène renforcées au sein du club</strong></li>
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<p>Mise à disposition d&rsquo;un spray individuel de produit désinfectant lors de l&rsquo;entrée dans la salle de chaque membre pour procéder à une double désinfection des équipements utilisés. Renforcement de l&rsquo;équipe d&rsquo;entretien et des cycles de nettoyage, avec une attention particulière pour le matériel sportif. Serviette personnelle obligatoire.</p>

<p>En synthèse, nous mettrons tout en œuvre pour assurer une reprise rapide de notre activité, reprise très fortement attendue par nos clients.</p>

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