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Échouement du «MV Wakashio»: impuissance et indignation face à la marée noire
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Échouement du «MV Wakashio»: impuissance et indignation face à la marée noire
Malgré les assurances données par les autorités depuis samedi que les risques de déversement d’huile étaient quasi nuls et qu’il n’y avait aucun gros dégât au bateau, le pire est arrivé. Depuis hier matin, de la coque largement fissurée, s’échappe une substance noire autour du navire et qui s’étend. Les habitants, pêcheurs et écologistes sont consternés…
Hier matin, les habitants de Pointe-d’Esny, Pointe-Jérome et Mahébourg se sont réveillés sans inquiétude par rapport au vraquier échoué sur la côte sud-est. Il n’y avait pas de quoi car, la veille, les autorités avaient déclaré que les experts «maîtrisaient la situation». L’inspecteur Coothen, de la cellule de communication de la police, avait même lancé une mise en garde contre des photos «truquées» partagées sur la Toile. Pourtant, à partir de 9 h 30 hier, ces mêmes habitants ont dû faire face à un scénario complètement opposé à celui décrit par ces mêmes autorités.
Le constat dressé autour du MVWakashio, dès le matin, était déjà alarmant avec une fuite d’hydrocarbures visible. Une traînée d’une substance noirâtre s’est répandue sur plusieurs kilomètres à vue d’oeil. Vers 10 heures, un plan d’action d’urgence a été déclenché par les unités de la National Coast Guard (NCG) et de la Special Mobile Force (SMF) pour tenter de contenir les épanchements.
Les plongeurs de la compagnie Immersub sont également arrivés au point d’embarcation de Pointe-Jérôme pour prêter main-forte. Des photos les montrant recouverts d’un liquide dense et visqueux après avoir placé des barrières flottantes sont devenues virales sur les réseaux sociaux en quelques minutes. La tension sur place était palpable. Cela faisait 12 jours depuis que le vraquier s’était échoué, mais c’était la première fois que le déploiement était d’une telle envergure. La situation n’était pas du tout sous contrôle. Bien au contraire.
Au fil des heures, l’odeur des hydrocarbures a commencé à titiller les narines, devenant par moments plus prononcée surtout à la plage publique de Pointe-d’Esny. Une foule s’y est amassée devant la vue désolante de ce lagon paradisiaque souillé par la marée noire. Pendant ce temps, les ministres Kavy Ramano et Sudheer Maudhoo sont arrivés en urgence au centre de commandes de la NCG à Blue-Bay. Le photographe de l’express a été prié de quitter les lieux alors que les journalistes de la MBC ont eu le feu vert pour y rester et recueillir les déclarations officielles.
Ce n’est que vers midi qu’un communiqué du ministère de l’Environnement est tombé. C’est la première fois en 12 jours qu’il concède qu’il y a bel et bien une fuite d’hydrocarbures. Les opérateurs et pêcheurs ont été priés d’éviter de s’aventurer dans les lagons de Blue-Bay, Pointe-d’Esny et Mahébourg par mesure de sécurité. Dans le communiqué, le ministère révèle aussi que les membres d’équipage qui se trouvaient encore à bord ont été évacués du vraquier face à la détérioration de la situation.
Les va-et-vient continus des hélicoptères de la police, le Fennec, Chetak et Druv ainsi que l’avion de la NCG pendant toute la journée, n’ont fait qu’alimenter l’angoisse des habitants de la région. Dans l’après-midi, le leader de l’opposition a débarqué à la plage de Pointe-d’Esny pour un constat de visu. Pour Arvin Boolell, il est clair que le pays se dirige vers un désastre écologique et que l’État a «failli dans sa tâche». Au même moment, au Waterfront de Mahébourg, les membres de la SMF, munis de gants jaunes, s’activaient à nettoyer les marches polluées par la fuite d’hydrocarbures. Des scènes qui rappellent tristement les images qui avaient suivi l’échouement du MV Benita au Bouchon, il y a quatre ans.
Consternation des pêcheurs
La marée noire émanant du «Wakashio» sème une peur bleue chez les pêcheurs de la région. Jay Hurlall, un pêcheur de Mahébourg, s’est confié à «l’express», hier. Il raconte que, depuis quelques jours, il a remarqué la fuite d’hydrocarbures dans le lagon. Il a tenté d’alerter les autorités mais on lui a dit de ne pas partager des «fake news». Cependant, hier, la colère s’est mêlée à sa crainte. «Dépi ki bato la pé kraz ek sa koray-la, nou pé gagn sa délo sal-la. Li pa pé vinn ziska laplaz isi mé kan nou al lapes nou trouv li.» Tony Apollon, un activiste du MMM connu de la localité, partage également sa tristesse par rapport aux pêcheurs. «Avek sa loder-la, dimounn pé fini koumans malad. Mo pa konpran kouma bann otorité pa finn antisip sa. Kan dimounn ti pé alerté, zot dir swadizan pé donn fos nouvel. Bann péser pa pou kapav travay pandan lontan isi.» Jocelyne Minerve, ex-ministre de la Sécurité sociale, dénonce, quant à elle, la «désinformation» de la part des autorités. «Je suis inquiète pour cette plage et très angoissée pour les habitants du littoral. Qui peut me garantir qu’on va pouvoir manger du poisson qui n’est pas contaminé ? Ce bateau est un cercueil navigant.»
Chronique d’un échouement
<p><strong>25 juillet :</strong> Le «MV Wakashio», vraquier battant pavillon panaméen, est en route pour le Brésil, en provenance de Chine. À une vitesse de 11 noeuds, il s’échoue sur les récifs à 900 mètres, de la côte de Pointe-d’Esny. À son bord, 20 membres d’équipage et 3 894 tonnes métriques de fioul à faible teneur en soufre, 207 tonnes métriques de diesel et 90 tonnes métriques d’huile lourde. Les nombreux appels de la NCG sont restés sans réponse. Lorsque le capitaine prend finalement contact à 20 h 10, il est trop tard. Le vraquier est déjà drossé sur les récifs. </p>
<p><strong>26 juillet : </strong>Première conférence de presse au quartier général de la NCG. «Le radar l’a vu. Nous avons essayé d’entrer en communication pendant des heures. C’est au dernier moment qu’il a dévié.» Déclaration du commissaire de police, Khemraj Servansingh, sur les premières indications qui ont mené à la dérive du vraquier «Wakashio» et à son échouement. </p>
<p><strong>27 juillet : </strong>Un accord de «Llyods Standard form of Salvage» a été signé avec la compagnie SMIT Salvage pour prendre des mesures correctives. Kavy Ramano a levé le voile sur les démarches qui seront entreprises par son ministère, le directeur du «Shipping» et les autorités concernées suivant l’échouement du «Wakashio», lors d’une déclaration au Parlement mardi dernier. Le «salvage agreement» comprend notamment le pompage de l’huile lourde, le sauvetage du navire et les mesures anti-pollution qui seront déployées. Selon les explications du ministre, de Chine, le vraquier se dirigeait vers le Brésil. Son dernier port d’escale est Singapour. Le navire ne transportait aucune cargaison. Le carburant présent est pour sa propre consommation, soit 3 894 tonnes métriques de mazout à faible teneur en soufre, 207 tonnes métriques de diesel et 19 tonnes métriques de lubrifiants. </p>
<p><strong>29 juillet :</strong> Le ministre de l’Environnement fait une déclaration au Parlement. «Le 27 juillet 2020, des traces d’hydrocarbures ont été signalées sur des algues maculées sur une distance d’environ 300 mètres. Une légère odeur d’hydrocarbure a été discernée dans les algues. À la suite d’une enquête menée par la NCG, il a été signalé qu’elle provenait peut-être de la salle des machines. Aucune autre fuite n’a été observée.» </p>
<p><strong>30 juillet : </strong>Le remorqueur «PSV Standford Hawk» d’Afrique du Sud avec une équipe de «salvers» a mouillé au port aux petites heures. Un second remorqueur est en route de Singapour. Le capitaine Lars Tesmar est à la tête de l’équipe. </p>
<p><strong>31 juillet : </strong>Première conférence de presse conjointe du ministre de l’Environnement et de la Pêche. Alain Donat, directeur du «Shipping», faisait le point sur la situation, en affirmant que les «salvers» ont déjà commencé leur évaluation ainsi qu’un «Situation Report». </p>
<p><strong>1er août : </strong>Rencontre entre la NCG, des représentants des ministères de la Pêche et de l’Environnement, des habitants de la région de Pointe-d’Esny et des membres d’Eco-Sud à Blue-Bay. Objectifs de la rencontre : répondre aux craintes des citoyens de la région après le naufrage du vraquier «Wakashio». Entre-temps, le «VB Cartier» est venu porter secours au vraquier. </p>
<p><strong>2 août : </strong>Le «Salvage Master» de la compagnie SMIT Salvage a soumis son premier rapport quotidien au Comité national. Selon les premiers constats, le gouvernail du vraquier a été endommagé. </p>
<p><strong>4 août : </strong>La boîte noire du «Wakashio» est évoquée au Parlement. Pourquoi est-ce que le «Voyage Data Recorder» du navire n’a toujours pas été récupéré par les autorités depuis qu’il s’est échoué sur les récifs ? Cette question, que se posent les sources proches du dossier, a été évoquée par Richard Duval. Au dire du ministre Ramano, selon les règlements de l’«United Nations Laws of the Sea», les autorités ne peuvent pas avoir accès directement au navire. «Il existe tout un protocole.» Selon lui, l’enquête de la NCG est en cours et à un moment, ils s’intéresseront aux boîtes noires. </p>
<p><strong>5 août : </strong>Conférence de presse au ministère de la Pêche après que des photos et vidéos montrant un affaissement du vraquier ont circulé, créant un vent de panique sur la Toile et à Pointe-d’Esny. Alain Donat donne des explications et communique sur les derniers développements. L’«Andromeda» est en route et d’ici 3-4 jours, il sera là pour pomper l’huile lourde. </p>
<p><strong>6 août : </strong>Le ministère de l’Environnement émet un communiqué pour dire que «toutes les mesures sont prises pour contenir la fuite». Face à l’urgence de la situation, Kavy Ramano a tenu une conférence de presse pour passer en revue la situation et donner des indications sur la marche à suivre.</p>
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