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Les impressions de nos journalistes
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Les impressions de nos journalistes
«Incroyable mais vrai ! », «Du jamais-vu», «un réveil populaire et citoyen spontané», «moment historique», «nous étions des Mauriciens», «il n’y avait pas de religion», «bravo», «rien à voir avec un meeting politique», «une foule sans précédent !»… La Rédaction a été impressionnée par la marche d’hier. Nous vous en parlons, comme des citoyens témoins de la vie de ce pays depuis plusieurs années, avec notre cœur.
Anju Ramgulam, chef d’édition
«“Frrrèèèrrre !» Du jamais vu. «Pa ti pansé pou ena sa kantité la…” Dans les rues de Port-Louis, hier, au milieu de ce tsunami rouge, bleu jaune et vert, tout le monde était un peu sonné. On ne vous parle pas de pétard, non. Même si on s’attendait à ce qu’il y ait du monde, on ne s’attendait pas à ce qu’il y en ait autant, franchement, avouent même les plus optimistes. Dans cette foule incroyable, des dizaines de milliers de Mauriciens, de toutes les couleurs. Des patriotes qui ont voulu donner de la voix pour dire, montrer que, quelque part, le naufrage du Wakashio, c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase rempli de mazout. Tous ceux qui ont “desann lor koltar” étaient d’ailleurs vêtus de noir, pour dire qu’ils étaient verts de rage. Le tout dans la discipline et la bonne humeur et à la sauce mauricienne. Cette marche, c’était pour dire peut-être qu’une course contre la montre est lancée. Contre ceux qui tendance à prendre les Mauriciens pour des cons. Hier, il y avait les cordes vocales, les tripes et surtout le cœur, rouge, bleu, jaune, vert.»
Yasin Denmamode, journaliste
«C’est la première fois que je vois une foule composée de dizaines de milliers de Mauriciens dans les rues, tous scandant les mêmes slogans, tous vibrant du même ras-le-bol, tous vêtus de la même couleur. On parle souvent de la force du peuple, mais c’est en étant au milieu de cette vague d’énergie qu’on se rend compte de quoi une population unie est capable. Autre point impressionnant est le fait que les gens, pour une fois, même avec les masques baissés, n’avaient pas peur de parler, de crier, de s’exprimer, de se laisser prendre en photo. La masse populaire a repris, d’un seul coup, le droit de s’exprimer.»
Villen Anganan, journaliste
«Un réveil populaire et citoyen spontané. Cette marée humaine qui a déferlé lors de cette mobilisation citoyenne hier après-midi dans la capitale restera à bien des égards une date historique dans l’histoire de ce pays. C’est une foule qui rappelle les grands rassemblements politiques de la campagne électorale de 1982 et qui a vu pour la première fois une victoire de 60-0 à l’opposition d’alors, composée de l’alliance électorale MMM/PSM. Il est clair que cette foule, qui a répondu présent et en grand nombre ce 29 août, n’est pas seulement la réponse citoyenne et populaire face à la mauvaise gestion de la crise écologique suivant l’échouement du Wakashio. Elle est la goutte d’eau qui fait déborder le vase car ce réveil populaire spontané, autour de l’initiative de Bruneau Laurette, se veut l’aboutissement d’une accumulation de scandales liés notamment à l’affaire St-Louis, à l’importation de médicaments par des proches du pouvoir ou encore aux nominations qui frisent le népotisme au plus haut sommet de l’État. Or, les jeunes et moins jeunes, les pères et mères de famille, les businessmen, comme les fonctionnaires ont voulu envoyer un message fort à l’équipe dirigeante de ce gouvernement. Plus particulièrement, au Premier ministre, quant à la manière dont il dirige le pays et gère les principaux dossiers liés à la crise sanitaire, économique et maintenant environnementale. D’ailleurs, il n’est pas surprenant que tous les slogans scandés par la foule visaient le Premier ministre, lui demandant de lev paké alé.»
Narain Jasodanand, journaliste
«Je n’ai jamais vu à Maurice une foule d’une ampleur telle que celle rassemblée par Bruneau Laurette hier. Je me souviens de la foule du dernier meeting avant les élections de juin 1982, de l’alliance MMM-PSM à la place du Quai, et surtout du meeting de remerciement organisé après les 60-0 au Champ de Mars. Ce dernier meeting aurait rassemblé le plus de participants de l’histoire de Maurice. Avant la marche de Bruneau Laurette ! Cependant, nombreux sont ceux qui disent que ce meeting post-électoral de 1982 avait attiré aussi ceux qui n’avaient pas voté pour l’alliance MMM-PSM, c’est-à-dire ceux qui étaient soucieux d’être du bon côté. De plus, ces deux grands rassemblements de 1982 avaient vu une mobilisation énorme d’autobus et autres logistiques financés par ces partis. Aussi, ces politiciens étaient rompus à ce genre d’organisation et de mobilisation, que ce soit au niveau régional ou national. Alors que la marche de Bruneau Laurette, organisée avec peu de moyens, semble avoir touché des Mauriciens qui se sont déplacés spontanément car, comme me l’a dit Carina Gounden, “ils attendaient depuis longtemps que quelqu’un les invite à se réunir pour défendre l’environnement”. Et pour condamner Pravind Jugnauth et son gouvernement. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est de voir des citoyens de toutes races, religions, ethnies et classes sociales. Cela, ainsi que le nombre, je ne l’ai jamais vu à Maurice !»
Shelly Carpayen, journaliste
«Bravo à toi, Mauricien ! On s’y attendait à cette marée noire dans la capitale, en ce samedi, la frustration et la colère se faisant sentir depuis quelque temps déjà. Mais de cette ampleur ? Impressionnant ! Inimaginable ! Une fierté immense de voir que des milliers de Mauriciens marchaient, situation oblige, dans la même direction et de surcroît pour la même cause. Même les meetings politiques du 1er-Mai ne peuvent être comparés. Leur bus et leur take-away briyani n’auraient jamais pu unir et ramener ce beau monde. À vrai dire, même la victoire de Maurice pour les Jeux des îles, l’année dernière, n’avait pas réussi à mobiliser une si grande foule. Les Mauriciens sont descendus dans la rue pour faire entendre leur voix, leurs revendications, leur ras-le-bol... Une démonstration réussie afin de montrer qu’ils ne sont pas “des moutons”. Comme ils le disent si bien : “Ar nou non”. D’ailleurs, à travers leurs slogans, pancartes et T-shirt imprimés, ils estiment avoir passé le message principal. Toutes communautés confondues, petits et grands, nos aînés, même quelques autrement capables, tous ont fait leur devoir de citoyen. Il n’y a pas eu de distinction. Pou enn fwa pa finn ena relizion, ni kouler lapo! Pou sa bravo, Morisien. Comme le disait si bien “nani” parmi la foule, “pena kouler, pena relizion la. Nou vinn enn sel, nou montré nou lafors ansam!”»
Beekash Roopun, photographe
«C’est la première fois que j’assiste à un tel événement. En 28 ans de carrière, le plus grand rassemblement que j’ai connu c’était les funérailles des victimes de l’Amicale (en 1999) où il y avait beaucoup de monde mais pas autant. Et certainement pas pour les mêmes raisons. Hier, ce qui m’a frappé, c’est la discipline et le fait que tous marchaient pour une seule cause. On n’a pas vu de religion, là tout le monde était ensemble pour la justice. Tout le monde était avec son drapeau, apolitique. Les gens voulaient rester, ils étaient encore assoiffés de manifester ensemble. Ce qu’ils ont cherché à montrer, ils ont pu le faire.»
Selvanee Vencatareddy-Nursingen, journaliste
«Cette marche va rentrer dans l’histoire. Il n’y a pas eu de bagarre ni de dérapages. C’est un message fort que les citoyens ont fait passer. Ils n’ont plus peur. Ni les menaces ni les représailles, ne peuvent les arrêter. Cette marche pacifique n’était pas une marche des politiciens, ni un meeting. Les citoyens ont réclamé leurs droits. Ils souhaitent un avenir meilleur, une autre vision, celle qu’on n’a plus à fuir notre pays en rêvant d’un meilleur avenir à l’étranger. Je pense que tous ceux qui étaient là ont pu comprendre le message. Ils l’ont fait comprendre. Bien qu’il n’y eût pas de bus gratuit ou de briyani, ça a été le plus grand rassemblement que j’ai connu. Et quand on pense que c’est un simple citoyen lambda qui a pu réunir tout ce monde… On pouvait sentir l’esprit patriotique quand on chantait l’hymne national ou quand on faisait flotter notre quadricolore. Nous n’étions pas “malbar, kreol, sinwa ou musulman”, mais nous étions des Mauriciens. Cette manifestation est celle que mes parents me racontaient quand ils étaient jeunes.»
Subash Gobine, consultant média
«C’est un événement exceptionnel, un concours de circonstances exceptionnel, dans le sens où nous avons plusieurs groupes, plusieurs Mauriciens qui se retrouvent unis dans le même élan de dire non à l’autoritarisme face à ce qui semble être l’incompétence des institutions amplement prouvée par la façon dont on a géré les conséquences du naufrage du Wakashio. Il y a une prise de conscience dans le pays. Ce qui est différent aussi cette fois, c’est le rôle des médias sociaux et des sites Web des médias, qui ont eu un effet de conscientiser les Mauriciens de ce pays et aussi dans le monde entier. La diaspora mauricienne n’a jamais été autant directement concernée par ce qui se passe à Maurice. Et c’est démontré par les manifs dans plusieurs capitales étrangères où des compatriotes se sont établis. Ce qui est différent aussi : l’engagement des jeunes. Ils sont plus concernés, plus influencés par les médias sociaux ainsi que par la thématique environnementale, celle de la méritocratie et du népotisme.»
Karen Walter, journaliste
«Ce qui s’est déroulé lor koltar dans la capitale, hier, est à marquer d’une pierre blanche. Certes, ce ne sont pas ceux et celles qui se laissent haranguer avec du briyani, du rhum ou autre «bis gratis» qui ont marché, le poing levé, etonnant l’hymne national et faisant flotter le quadricolore. Mais, ces Mauriciens d’ici et d’ailleurs (la diaspora à travers le monde) qu’il ne faut plus sous-estimer surtout lorsqu’on massacre leur bien commun, les prive de leur gagne-pain et de leurs droits civiques.»
Priya Luckoo, journaliste
Des manifestations, on en a vu plusieurs et, certainement, on verra d'autres encore à l'avenir. Mais celle du samedi 29 août est, sans aucun doute, "historique", comme l'avaient prédit plusieurs personnes.
Pour la première fois, politiciens de l'opposition, syndicats, ONG et citoyens ont fait cause commune pour réclamer le départ du gouvernement. Dans le cas présent, pour son incompétence en ce qui concerne la gestion du dossier Wakashio.
C'est clair que les citoyens ont le ras-le-bol. Ils n'ont pas hésité à démontrer cela à travers les écrits sur leurs pancartes. Certains étaient, en effet, un peu osés surtout pour une société plutôt conservatrice comme la nôtre. Peut-être que nos concitoyens ont donné libre cours à leur imagination après avoir visionné la colère des manifestants à l'étranger...
Pour la première fois aussi, des Mauriciens se sont déplacés en si grand nombre pour participer à une manifestation. Même plus grand que celui de la marche du 11 juillet dernier qui avait accueilli quelques milliers de participants.
Force est de constater que la manifestation du 29 août 2020 a rassemblé autant de monde sans mobilisation d'autobus, sans service de briani et autres incitations. Mais aussi et surtout sans peur alors que la partie gouvernementale voulait faire croire qu'il s'agissait d'une affaire de l'opposition ou encore une démarche communale...
Lindsay Prosper, journaliste
Bruneau Laurette, c’est héros d'un nouveau genre.
Aucun artiste. Aucun leader charismatique du modèle feu sir Gaëtan Duval aurait abandonné la scène au moment où une foule emballée et des plus enthousiastes voulait le prendre dans ses bras, l'aduler, insister pour se faire photographier avec. Haranguer une foule n'est pas dans son programme. Il est parti devant l'esplanade de la Cathédrale St Louis comme il est venu: pour délivrer un seul message: Maurice appartient à tous. Il était 15h25 lorsqu'il va dire au revoir à la foule. Il disposait de 30 minutes selon l'autorisation de la police. Un leader d'un nouveau genre car la foule qui s'est dérangée pour venir l'écouter était gagnée à une cause dont l'ampleur le déplaçait.
Qu'à cela ne tienne. Après avoir assisté à l'émergence d'une foule si compacte, on se demande ce qui a bien pu se passer pour qu'un inconnu parvienne à attirer autant de monde. La réponse pourrait venir du contenu d'une pancarte ou bien même était écrit dans l'air: les politiques ne doivent plus prendre le peuple mauricien pour un nul.
Il ne serait pas étonnant si on apprenait l'organisation d'une contremanifestation Bruneau. Si jamais cela se produisait cela signifierait qu'on n'a rien compris de ce qui s'est passé. Les politiques doivent cesser de prendre l'électorat pour des mules. Il est informé. Super informé. Bruneau symbolise cet électorat qui sait ce qui se passe derrière les rideaux comme l'utilisation de dynamites.
En tout cas Bruneau aura réussi à inscrire son nom sur la liste de ces rares tribuns à pouvoir réussir à faire sortir la foule de nulle part. Jamais un parfait inconnu n’est parvenu à soulever une masse aussi compacte comme celle qu'on a vu envahir les rues de Port-Louis avant tout comme des Mauriciens. La présence massive du quadricolore en est une preuve. Le grand gagnant, c’est doute celui qui a voulu que tous les citoyens de ce pays se disent Mauriciens avant tout.
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