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Safe City: un nominé politique Big Brother ?
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Safe City: un nominé politique Big Brother ?

Cette affaire a levé le voile sur un meurtre probablement déguisé en suicide, un «cover-up» et surtout, en toile de fond, des drôles de procédures suivies pour l’achat d’équipements dans le cadre du Covid-19. Mais hier, mercredi 16 décembre, au tribunal de Moka, nous avons pris connaissance d’un autre scandale : comment un projet coûtant la bagatelle de Rs 19 milliards, destiné à protéger la population, aurait, selon les avocats de la famille Kistnen, été utilisé pour cacher la vérité. Et que ce système de surveillance ne serait pas entre les mains de personnes indépendantes.
Qui peut avoir accès aux données de Safe City et qui en a le contrôle ? Il a fallu l’insistance des avocats pour obtenir les réponses tortueuses du responsable du centre de contrôle d’Ébène, Vijay Kumar Dawon. Réponses qui peuvent être résumées ainsi : les données des images sont conservées au Government Online Centre, qui dépend lui-même du National Computer Board (NCB). Et qui en a la charge ? Ce serait tantôt un certain B. Bhoyroo, tantôt Joanne Esmyot, le SP Dawon n’étant pas sûr de lui.
Sur le site du NCB, c’est bien Joanne Esmyot qui en est l’Executive Director. Vijay Kumar Dawon expliquera que les correspondances étaient soit adressées à ou reçues de B. Bhoyroo. En tout cas, comme le rappellera l’avocat Rouben Mooroongapillay dans une déclaration à la presse hier, les données de Safe City seraient entre les mains d’un organisme tombant sous le ministère des TIC, qui en nomme le président du conseil d’administration. Petit rappel : c’est Yogida Sawmynaden qui occupait ce ministère lors de la mise sur pied de Safe City.
Pourtant, le 23 avril 2019, au Parlement, à une question supplémentaire de Veda Baloomoody qui voulait savoir «who will manage, operate these cameras and who will have the custody of the sensitive information that these cameras will collect?» Le Premier ministre avait répondu: «It is going to be the Mauritius Police Force. It will be under very tight security…»
Au tribunal, pas de fuites en avant ni d’insultes
Le surintendant de police (SP) Vijay Kumar Dawon s’est montré collaboratif, en cour, ce jeudi 17 décembre. Avec un peu d’insistance, il a répondu aux questions de Me Roshi Bhadain, quitte à contredire le constable Abheeram.
Bien que des soupçons sur la mauvaise utilisation et gestion du projet Safe City aient fait surface dès le début de l’enquête sur la mort de Soopramanien Kistnen (et même avant), cela se confirme de plus en plus avec les réponses données par des officiers affectés à la Safe City Control Room au tribunal. Bref, les réponses en cour où les faux-fuyants ne sont pas permis comme au Parlement, on apprend, qu’en pratique, Safe City est loin d’être ce qu’il aurait dû être. Compte rendu...
Le SP Vijay Kumar Dawon a certes déposé avec calme et précision, mais il a vite été déstabilisé par les questions de l’avocat du DPP, Me Azam Neerooa, l’avocat de la famille Kistnen, Me Rama Valayden, et Me Roshi Bhadain qui représente, lui, le témoin vedette Koomadha Sawmynaden. Ainsi, le SP Dawon surprendra la cour en plusieurs occasions, notamment quand il explique que si la reconnaissance faciale est bien intégrée au système Safe City, «rien n’a été fait jusqu’ici pour utiliser cette facilité». À une question d’Azam Neerooa, le SP Dawon avouera qu’un dangereux terroriste recherché à l’international pourrait bien pénétrer sur notre territoire et exécuter ses basses œuvres sans être détecté.
On aura l’impression au cours de l’audition du SP Dawon qu’il veut dire la vérité à condition qu’on lui pose les bonnes questions et que l’on insiste un peu. Ce sera tout à son honneur. Comme lorsque Me Roshi Bhadain lui demandera s’il peut aider dans l’enquête entourant la mort d’un homme, il hésitera avant de déclarer qu’il fera tout son possible et il a promis de rechercher les images du… privé, faute de Safe City.
Les données de Safe City disponibles plus de 30 jours ?
Le haut gradé de la police a confirmé également ce qu’a dit avant lui le constable Abheeram : les images de Safe City ne sont disponibles que pendant 30 jours, sauf si l’espace non utilisé sur le serveur permet de stocker les images plus de 30 jours. Mais il ne sait pas quelles caméras ont bénéficié de ce sursis. Après Abheeram, Dawon a donc été prié de revenir avec des réponses aux interrogations des hommes de loi et de la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath qui s’est montrée, très inquisitrice. Et quand le surintendant a renvoyé certaines questions des avocats à un opérateur comme… Abheeram, la magistrate s’est montrée très patiente intervenant pour calmer Me Roshi Bhadain… Toutefois, ce dernier obtiendra de la cour que Dawon soumette le contrat liant la police à Mauritius Telecom (MT). On en saura beaucoup plus notamment sur les capacités de stockage de Safe City
Safe City a été exempté de se soumettre à la «Data Protection Act»
Me Roshi Bhadain fera une révélation de taille au SP Dawon. Et à la cour. Le projet Safe City a été exempté de se soumettre à la Data Protection Act. Ce qui signifie que la vie privée des Mauriciens et celle des touristes qui visitent notre île n’est pas à l’abri d'abus de la part de la police. En tout cas, si cela se confirme, il serait encore plus difficile pour la famille Kistnen d’exiger des images et peut-être aussi de réclamer des dommages à l’État pour la mauvaise utilisation des données. Mais attendons la réponse de Dawon demain.
Mauritius Telecom ne produit pas les documents originaux
Kiran Gokool de MT a produit un rapport avec les noms et adresses des personnes que Kistnen a contactées les jours précédant sa mort. Les avocats ont examiné ces documents et reviendront sans doute demain avec leurs questions. Une anomalie notée par Me Azam Neerooa concerne la non-production du formulaire de demande de carte SIM pour le téléphone qui aurait été offert par Yogida Sawmynaden à Kistnen. Kiran Gokhool a expliqué que c’est parce que c’était un numéro réalloué à Kistnen car il n'était plus utilisé par le précédent client. Gageons que les avocats y reviendront demain. Mais ce qui a le plus surpris – la surprise est au rendez-vous chaque jour de cette enquête judiciaire –, c’est que ce rapport est en format Excel, téléchargé de la base de données de MT. Alors que Kiran Gokhool a confirmé que les données sur le rapport ne peuvent être trafiquées, il reconnaît toutefois qu’il pourrait l’être une fois postées sur Excel. Pourquoi alors n’avoir pas produit les documents originaux provenant du serveur de MT ? Réponse, demain. Peut-être.
Les caméras de La Louise renferment-elles le secret du mystère?
Autre fait marquant qui ressort de l’interrogatoire du SP Dawon; il a affirmé que les caméras à La Louise n’étaient pas fonctionnelles le 16 octobre. Une affirmation qui va à l’encontre de ce qu’avait déclaré le constable Abheeram la semaine dernière, à savoir que les caméras étaient bien opérationnelles mais que les images étaient absentes. Qui dit vrai ? Le surintendant a aussi fait état d’erreurs sur l’affichage des heures et dates sur les images. Serait-ce pour justifier ces erreurs détectées par les avocats lundi dernier ? Ou est-ce encore une fois l’élan de vérité de Dawon ?
Le CP Servansing dénonce des déclarations qui créent la «psychose»
Point de presse éclair, hier après-midi, au quartier général de la police. Des journalistes en poste devant les locaux du Central Criminal Investigation Department (CCID) ont été pressés d’y assister. Le commissaire de police (CP), Khemraj Servansing, avait un message à passer, des choses à dénoncer. Plus précisément des déclarations et commentaires qui courent ces jours-ci et qui créent une «situation de psychose».
En moins de trois minutes, le CP a déclaré aux journalistes – qui attendaient l’ancien commissaire de police Mario Nobin, qui était lui interrogé under warning dans ces locaux dans l’affaire Mike Brasse – qu’à travers ces déclarations, certains veulent provoquer la frayeur parmi la population. Il a ajouté que c’est une situation très grave quand on parle de bande organisée, voire d’escadron de la mort, pour associer différents cas, alors que les enquêtes respectives n’ont rien établi jusqu’ici. Cet amalgame, a tenu à faire ressortir le CP, est préjudiciable aux enquêtes en cours.
Il a assuré que les enquêtes se déroulent en toute indépendance et sans aucune distinction. Il a lancé un appel à tout un chacun d’agir avec responsabilité, surtout aux hommes de loi à qui il demande plus de retenue dans leurs déclarations publiques.
Roshi Bhadain: «Your rogue officers are lying in court»
Ils étaient en cour quand le commissaire de police a tenu sa conférence de presse pour dénoncer « les avocats qui sèment la psychose en évoquant un escadron de la mort». Les avocats travaillant sur l’affaire Kistnen dans l’enquête judiciaire ont réagi à la fin de l’audience. Ils annoncent qu’ils ont déjà sollicité une rencontre avec Khemraj Servansing. Roshi Bhadain a été particulièrement en verve dans sa réaction. Il demande au CP de «met enn lord dan ou lakwizinn». Il faisait référence à la cuisine où le sergent Rostom aurait reçu des témoins dans l’affaire Kistnen. «Comment faire preuve de retenue quand des policiers mentent sous serment et refusent d’enregistrer des dépositions car elles concerneraient des cas de fraude et corruption en lien avec un ministre ?» s’est-il demandé avant d'ajouter : «Avec tout le respect que je dois au commissaire, your rogue officers are lying in court.» Lui et Me Rama Valayden ont aussi parlé des contradictions entre les policiers Abheeram et Dawon dans leur témoignage au tribunal. Valayden a aussi abordé des cas de crimes atroces, comme celui de Jin Fei en juin dernier, qui sont restés irrésolus. À une question de la presse, Me Rama Valayden a affirmé que la sortie du commissaire contre les avocats dans l’affaire Kistnen ne serait pas étrangère à sa demande de convoquer bientôt Pravind Jugnauth en cour à la suite de sa déclaration qu’il aurait conduit une enquête personnelle en parallèle à l’enquête judiciaire.
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