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Bilan après les fêtes: les Mauriciens ont ménagé leur porte-monnaie

5 janvier 2021, 08:30

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Bilan après les fêtes: les Mauriciens ont ménagé leur porte-monnaie

Les commerçants ont fini l’année sur une note morose. Si les festivités sont en général l’occasion pour les commerçants de booster leurs ventes, tel n’a pas été le cas pour bon nombre d’entre eux, qu’ils soient de petits commerçants ou des locataires dans les centres commerciaux de l’île. Les pronostics pour 2021 semblent tout aussi pessimistes. 

«Malgré les sorties des consommateurs dans les villes comme nous avons pu le voir ces dernières semaines, la vente chez les petits commerçants reste minime, et les gens achètent tout ce qui est moins cher», dit Raj Appadu, président du Front commun des commerçants de l’île Maurice. Selon lui, depuis le confinement, les consommateurs ne font pas de gros achats. Résultat, comme prévu : une baisse dans les ventes a été enregistrée durant la période festive chez les petits commerçants comparés aux années précédentes. 

Ces commerçants qui ont importé de nouveaux produits ont eu des difficultés à écouler leurs stocks, car il faut le dire : quand le coût à l’importation augmente et que le produit coûte plus cher, les clients sont moins nombreux. «Si la vente était bonne en décembre, peut-être que les commerçants auraient pu sortir la tête hors de l’eau car cette année ils ont connu une baisse de 80 % de leurs activités. Une chute considérable.» 

Comme si la baisse des ventes ne suffisait pas, les marchands illégaux en rajouteraient. Alors qu’ils n’ont pas de dépenses fixes comme un loyer à payer, certains n’hésitent pas à se placer devant les magasins pour vendre leurs produits moins chers. 

Certains commerces arrivent néanmoins à faire quelques ventes, mais d’autres peinent toujours, à l’instar de Sahir Dilmohamud, propriétaire du magasin Amirah Shop, situé au Kinoo Square, à Port-Louis. Pour ce commerçant, les choses sont plus compliquées car il vend des produits cosmétiques. 

«Déjà, on ne pourra pas les rattraper les ventes perdues pendant le confinement et maintenant tout est plus cher avec les prix à l’importation qui sont en hausse et il ne faut pas oublier ceux qui ont perdu leurs emplois. Les gens sont obligés d’acheter les produits de base comme les produits alimentaires, mais les produits cosmétiques ne sont pas une priorité surtout qu’ayant passé plusieurs mois à la maison, les femmes n’ont pas beaucoup utilisé leurs maquillages et n’ont donc pas besoin d’en racheter et il y a encore celles qui sont toujours en télétravail. 2021 sera même pire, je pense.» 

C’est la même tendance pour la demande des soins esthétiques incluant la coiffure. Laurine Pierre, gérante du salon de coiffure O p’tit soin, à Curepipe, nous fait son constat de la situation. «Il y a des hauts et des bas. Certains jours le salon de coiffure est rempli et d’autres non, mais on peut dire que le travail a légèrement repris depuis décembre, même si ça ne compense pas les mois de travail perdu pendant le confinement.» 

Selon elle, les gens réfléchissent à deux fois avant de dépenser pour les soins, à titre d’exemple, certaines clientes font leurs shampooings à la maison et viennent au salon que pour se faire coiffer. D’autres encore apportent leurs colorants et ne viennent que pour l’application, cela afin de réduire les coûts. 

En dépit de la baisse, Laurine Pierre a lancé quelques initiatives commerciales pour attirer les clients: pour un soin complet, elle peut offrir une coupe, par exemple. D’autre part, notre interlocutrice note que la demande pour l’esthétique reste moindre car les gens donnent priorité à leurs cheveux. 

Même si le prix des produits utilisés pour les cheveux et les soins esthétiques ont augmenté, le prix pour son service est le même. «Je m’estime heureuse de pouvoir couvrir les frais. Je suis consciente qu’ailleurs c’est plus difficile. J’ai des connaissances qui ont dû fermer à cause du prix de la location de leur emplacement», dit-elle. 

Pour les plus gros commerces, la situation n’est pas plus rose. Selon un commerçant ayant plusieurs emplacements dans un centre commercial de l’île, le contexte est différent pour chaque commerçant dépendant de la clientèle visée et des types de produits. Pour certains, le niveau de consommation n’est pas si mal malgré la baisse du pouvoir d’achat, car ceux qui en général voyagent pour leur shopping sont obligés d’acheter à Maurice. 

Toutefois, reconnaît ce commerçant, pour d’autres, la situation est bien plus difficile avec des ventes faibles, sachant qu’il est impossible de rattraper les semaines de fermeture pendant la période de confinement. 

La General Retailers Association (GRA) abonde dans le même sens, les pertes encourues pendant et après le confinement n’ont pu être rattrapées sur cette fin d’année. «Dépendant de l’activité, le chiffre d’affaires de décembre représente entre 20 % à 40 % du chiffre d’affaires annuel en temps normal. Ce ratio n’a pu être atteint pour la plupart. Si nous comparons les chiffres de 2019 sur les mois de novembre et décembre, à ceux de 2020, nous notons une baisse sur l’ensemble du secteur en général», explique Khevin Chummun, président de l’association. 

Selon ce dernier, de juin à novembre 2020, dans cette période de crise sanitaire mondiale, le consommateur mauricien a été prudent dans ses dépenses. «Pour décembre, on note néanmoins une envie de se faire un peu plus plaisir, mais sans excès. Le Mauricien réfléchit à des achats utiles et essentiels. La situation est ce qu’elle est avec des pertes d’emplois, des baisses de revenus et un avenir incertain, de plus, nous vivons de l’importation, sans compter la dévaluation de la roupie et l’augmentation des coûts du fret qui ont un impact direct sur le consommateur.» Khevin Chummun ajoute que la situation est délicate et qu’il est difficile de prévoir les chiffres d’affaires. «On avance au fur et à mesure, et d’un autre côté, la plupart des charges restent fixes ; loyer, salaire et remboursement d’emprunt...» 

Trop d’incertitudes planent pour émettre des prévisions sur la situation des ventes en 2021, renchérit le président de la GRA. «Quand la liberté de circuler mondialement reviendra-t-elle ? Quand reverrons-nous des touristes à Maurice ? Comment nos fournisseurs vivent cette crise et comment s’en sortiront-ils ? Quid de la valorisation de la roupie ? Mais on se doit de continuer d’avancer. Le secteur emploie plus de 70 000 personnes, cela veut dire autant de familles qui dépendent de ces revenus. Trouver des solutions avec nos partenaires – les bailleurs, fournisseurs et banquiers, pour passer ce cap – est important.» 

Une chose de sûre : si nous avons changé d’année, nous ne pouvons qu’espérer que la situation ne soit pas similaire à 2020.

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