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L'Equateur divisé pour une présidentielle dans l'ombre de l'ex-président Correa

2 mars 2021, 10:30

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L'Equateur divisé pour une présidentielle dans l'ombre de l'ex-président Correa

L'Equateur se prépare au second tour de sa présidentielle. Mais plus qu'un duel gauche-droite, l'élection va se jouer entre partisans et opposants à l'ex-président Rafael Correa, figure de la gauche latino-américaine très présent dans la campagne bien qu'absent du pays.

Depuis la Belgique, pays de son épouse où il s'est installé en 2017 après son départ du pouvoir, Rafael Correa a mené son poulain jusqu'au second tour, prévu le 11 avril.

A 36 ans, le peu connu Andrés Arauz s'est imposé face à 15 candidats de tout l'éventail politique, qui n'ont en commun que leur rejet de l'ancien président socialiste.

Ce jeune économiste, qui a obtenu 32,72% des suffrages au premier tour le 7 février, devra affronter l'ex-banquier conservateur Guillermo Lasso, 65 ans, deuxième avec 19,74%. 

Mais le scrutin va bien au delà d'un affrontement de générations, de styles et d'idéologies.

«S'annonce la lutte corréisme-anticorréisme»,  déclare à l'AFP le politologue Esteban Nichols, de l'université andine Simon Bolivar, prévoyant un duel d'"antipathies" plus que de préférences. 

«Il va y avoir là un concours de qui est le moins haï (...) et le moins haï c'est Lasso», estime-t-il.

Si Arauz dispose de 13 points d'avance sur son concurrent, il n'a pas les bases pour l'emporter seul. Lui comme Lasso auront besoin de nouer des alliances.

Le revenant 

Ce ne sera facile pour aucun de convaincre l'électorat de la gauche anti-corréiste, représenté par le leader indigène écologiste Yaku Perez, qui a manqué de peu son passage au second tour et dénonce une fraude en réclamant un nouveau décompte partiel des voix.

Mais «au delà de l'affrontement corréisme et anticorréisme, la situation sociale, économique et sanitaire du pays est critique et requiert un consensus», estime la politologue Karen Garzon Sherdeck, de l'université internationale SEK.

Il existe «une population qui veut un changement, qui ne pense pas à cette dispute», ajoute-t-elle.

Rafael Correa, à la tête du pays pendant dix ans à partir de 2007, s'est confronté aux partis politiques traditionnels, aux élites économiques, aux médias et à un secteur du mouvement indigène.

Il a placé l'Equateur dans le giron du socialisme qui triomphait alors en Amérique latine. Economiste, comme son dauphin, il a renforcé l'Etat et il lui est reproché d'avoir gaspiller la manne issue des cours élevés du pétrole, principal produit d'exportation du pays.

«Correa s'est chargé de fragmenter le pays», estime Pablo Romero, analyste de l'université Salesiana, selon lequel ces divisions vont "s'approfondir" au long de la campagne pour le second tour, qui débute officiellement le 16 mars.

Pour lui succéder, il avait adoubé son ex-vice-président Lenin Moreno, avant de l'accuser de trahison, suite notamment aux multiples procès le visant, ainsi que certains de ses anciens collaborateurs.

Les anticorréistes lui reprochent aussi son "autoritarisme", selon M. Nichols.

Le mouvement de Correa, Alliance Pays, s'est affaibli, scindé entre ses partisans et ceux de Moreno. 

Et il y a encore un an, personne n'aurait parié sur l'ancien président, condamné par contumace à huit ans de prison pour corruption. 

Mais il a réussi à renaître politiquement, grâce à l'impopularité de Moreno, qui laissera le 24 mai un pays endetté et ruiné par la pandémie du covid-19.

«Face au désenchantement, les positions se radicalisent. Face à l'abandon de l'Etat, la population recherche une présence» forte, explique Alejandra Delgado, sociologue de l'Université pontificale catholique d'Equateur.

 Anticorréisme rénové 

S'il a capitalisé sur ce mécontentement, Arauz devra vaincre les réticences et les peurs que suscite l'éventualité d'un retour au pouvoir du corréisme. Ses opposants craignent un gouvernement de vengeance.

Mais Lasso ne favorise pas la cohésion. «Il doit beaucoup concéder, il doit abandonner le discours conservateur qui n'a pas convaincu», souligne M. Nichols.

Depuis le premier tour, le conservateur tente de rajeunir son image. Il s'est connecté à Tik-tok, a troqué ses costumes sombres pour des tons plus vifs, s'est montré au côté d'indigènes et a commencé à parler d'environnement.

Mais pour Mme Garzon Sherdeck, c'est un candidat "usé" après deux échecs aux présidentielles de 2013 et 2017.

Son passé de banquier et de membre du gouvernement lors de la crise bancaire de 1999, qui a abouti à la dolarisation de l'économie, fait qu'il n'est pas «accepté par plusieurs secteurs de la population», explique-t-elle.

Andrés Arauz et Guillermo Lasso ont six semaines pour séduire l'électorat de Yaku Perez et de Xavier Hervas, candidat de centre-gauche arrivé quatrième avec 15,68% des voix. Aucun ne s'est prononcé en faveur de l'un ou l'autre des adversaires du second tour.

 

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