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Décès de patients dialysés: des pistes pour comprendre l’hécatombe

12 avril 2021, 10:00

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Décès de patients dialysés: des pistes pour comprendre l’hécatombe

La situation est alarmante. A ce matin, en ce lundi 12 avril, neuf patients dialysés avaient trouvé la mort. En un laps de temps de 11 jours... Et, sur le groupe de 87 patients venant de l’hôpital de Souillac, presque la moitié, soit 40, sont positifs. Comment expliquer une telle situation.

«Selon une étude au Canada, il y a 20 % de décès parmi les patients dialysés positifs. C’est pour cela que dès le début, j’ai dit qu’un dialysé contaminé était un cas de trop», soutient d’emblée Bose Soonarane, le secrétaire de la Renal Disease Patient Association (RDPA). 

Le nombre croissant de patients dialysés décédés interpelle également le Dr Vasantrao Gujadhur. «Comment sont-ils morts ? C’est ça qu’il faut savoir. Est-ce que toutes les étapes sont respectées ? Le nombre d’heures pour les séances de dialyse est-il respecté ?» demande l’ancien directeur des services de Santé publique. Quoi qu’il en soit, il est catégorique. Vu le nombre de morts, quelque chose dans le protocole du ministère ne tourne pas rond. 

En effet, depuis que les premiers patients sont en quarantaine, plusieurs problèmes ont surgi. La nourriture pas appropriée à leur état de santé, les horaires de dialyse chamboulés et le temps de traitement raccourci. 

Bose Soonarane explique que généralement, une séance dure environ quatre heures. Les toxines et l’excès d’eau sont enlevés du corps du patient. Il y a une surveillance constante pendant l’exercice et, en cas de problème, il est interrompu. «Par exemple, si la tension de la personne baisse, on ne poursuit pas», dit-il. Est-ce pour cela que le traitement des patients qui se sont plaints a été interrompu ? On ne sait pas...

Toujours est-il que le secrétaire de la RDPA et le Dr Gujadhur s’accordent sur un point : les patients, positifs ou en quarantaine, vivent en ce moment un stress additionnel loin de leurs proches. Alors que leur état de santé ne leur permet pas d’être tout à fait indépendant, ils se retrouvent à devoir tout faire eux-mêmes. C’est un des facteurs qui expliquerait le stress et la fluctuation de la tension artérielle. «Donc, la personne repart avec des toxines et un excès d’eau dans le corps…» déplore Bose Soonarane. Au bout de plusieurs séances raccourcies, les toxines et l’eau s’accumulent dans le corps du patient. Les conditions de quarantaine, disent Bose Soonarane et le Dr Gujadhur, doivent être revues. L’autre problème est le nettoyage des surfaces. Les appareils, fait valoir Bose Soonarane, sont équipés d’un système autonettoyant. Mais les surfaces ainsi que les lits et fauteuils où les patients sont placés, doivent être nettoyés après le passage d’un patient. «Est-ce que cela est fait correctement ? C’est ça qu’il faut voir.» 

Dans la foulée, il affirme qu’il n’y a pas de distanciation physique dans les transports qui conduisent les patients vers les centres. «Pourquoi ne pas octroyer un permis spécial aux proches des patients pour les véhiculer vers les centres trois fois par semaine ?» propose Bose Soonarane. 

Par ailleurs, dans plusieurs pays, les groupes les plus vulnérables ont été choisis pour être vaccinés en premier. À Maurice, seuls 50 % des patients dialysés ont pu se faire vacciner. Une malade affirme qu’elle n’a eu sa première dose que la semaine dernière. «Et maintenant, on parle même d’une troisième dose pour les dialysés. Quand est-ce qu’on va compléter la vaccination de ces patients !» demande Bose Soonarane. 

Mais le calvaire des patients dialysés ne date pas d’hier. Le 13 novembre 2018, Xavier Duval avait axé sa Private Notice Question (PNQ) sur ce problème. Le ministre de la Santé d’alors, Anwar Husnoo, entre deux répliques sarcastiques, avait concédé que le problème de maintenance et de propreté des hôpitaux, y compris les centres de dialyse, est un fléau qui dure depuis des années et qu’un plan était en préparation pour y remédier. 

Plus de deux ans après, la situation n’a pas beaucoup évolué. Les hôpitaux sont toujours des espaces fermés sans circulation d’air, avec très peu de lumière naturelle et le manque d’entretien se fait de plus en plus sentir. Lors de sa PNQ, Xavier Duval avait parlé d’un climatiseur qui était hors service. 

«Mé dan bann lézot lopital, éna plas péna mem klimatizer. Ena bann vié vantilater ki pa kapav servi swa akoz zot kasé, swa akoz éna tro lapousier», avance une employée de l’hôpital Jeetoo. La faute à qui ? «Vous savez, ceux qui entrent par ‘backing’, on ne peut pas les forcer à faire leur travail, sinon, on a des ennuis…» répond-elle. Elle n’en dira pas plus.  Ailleurs, d’autres doléances s’accumulent. Il y a même des patients horrifiés de constater la présence de chiens errants à l’entrée des salles de traitements. 

La situation est encore pire pour les patients dialysés, qui sont immunodépressifs. Alors que le SARS-Cov2 n’avait pas encore fait son apparition, le protocole déjà en place stipulait que le personnel devait porter des masques chirurgicaux et autres équipements de protection. Toujours lors de la PNQ de 2018, le ministre de la Santé d’alors avait jeté le blâme sur les équipes des hôpitaux. «Nous avons tout ce qu’il faut. Ce n’est pas de ma faute si le staff ne se protège pas», avait lancé Anwar Husnoo au Parlement.

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