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Respirer un air pur est un droit fondamental
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Respirer un air pur est un droit fondamental

Le discours stratégique de l’état mauricien pour négocier l’accès aux fonds internationaux pour le climat s’est construite depuis des années autour de notre vulnérabilité entant qu’état insulaire. Le ministère de l’environnement avance que nous sommes victimes d’un phénomène de réchauffement planétaire causé par des gros pollueurs se situant loin de chez nous. Ce n’est pas tout à fait vrai.
Depuis plusieurs semaines, nous avons découvert des failles troublantes dans le système de surveillance de la qualité de l’air dans le pays. Grace à Flow, un capteur connecté qui permet de comprendre ce qu’il y a dans l’air que nous respirons, nous avons compris qu’il y avait un niveau de dioxyde d’azote élevé dans un quartier résidentiel de La Tour Koenig, proche de la zone industrielle. Un taux de dioxyde d’azote au-dessus de 200 sur l’indice de qualité de l’air internationale a été enregistré le lundi 10 mai, au-dessus de 300 dans l’après-midi du mardi 11 mai. L’indice 101 est considéré dangereux pour les groupes sensibles. Appelé à y remédier au parlement, le ministre de l’environnement a nié. Les récents exercices de surveillance des officiers du ministère n’ont rien donné.
Toutefois, à l’express, sous couvert de l’anonymat un cadre du National Environment Laboratory affirme que la présence du dioxyde d’azote est improbable mais admet la présence d’un autre type de gaz toxique, le dioxyde de soufre dans la même région et évoque l’installation de trois nouveaux postes permanents de surveillance de l’air ambiant, installation confirmée par le ministre au parlement.
Le problème demeure entier. Les trois nouvelles stations seront installées à Grand-Baie, Quatre-Bornes et Plaine Champagne. L’acquisition supplémentaire de quatre capteurs connectés, dont un sera placé dans un établissement scolaire à Beau-Bassin/Rose-Hill, Flacq, Rose-Belle et Port-Louis. Le ministre Ramano mentionne que le reseau sera éventuellement étendu à Pointe aux Sables sur une base expérimentale. Ce qui ne peut que choquer et blesser profondément les habitants qui souffrent de maladies respiratoires liés à la qualité de l’air dans cette région de Port-Louis sud. La pollution dans cette zone a été rapporté plus d’une dizaine de fois par la presse en ligne depuis 2007. Le terme «phase expérimentale» insinue une mise à l’essai. On pourrait comprendre qu’une phase expérimentale soit réalisé dans une zone résidentielle ordinaire. Or, les résidents qui vivent à proximité en bordure de la zone industrielle de la Tour-Koenig souffrent constamment de la pollution et font entendre leurs voix régulièrement depuis longtemps déjà.
La zone nécessite une action urgente et définitive.
Les failles sont bien réelles et nous nous demandons si elles ne sont pas voulues. Point de détail qui a retenu notre attention ; au soir du jeudi 13 mai soit deux jours après que le ministre ait été notifié au parlement, à 20h à côté du dispensaire communautaire Dr. Michael Leal, des habitants aperçoivent un véhicule appartenant à l’état. Les officiers qui s’y trouvent sont rejoints par des policiers dix minutes plus tard et repartent après dix autres minutes passées sur le site. Ils étaient venus prendre des mesures à l’aide d’un analyseur de gaz. Les résultats rapportés au parlement sont non-concluants et ce n’est pas étonnant ! Flow démontre que ce jour-là, le niveau élevé de dioxyde d’azote a drastiquement baissé 2 heures avant la visite.
Le Collectif Bien Être de Pointe aux Sables qui milite pour l’amélioration de la qualité de l’air depuis 2016 note que les odeurs toxiques qui sont normalement présentes dans l’air disparaissent systématiquement à chaque fois que le système mobile de surveillance du ministère de l’environnement est dans les environs. Est-ce anodin ?
Ce qui nous fait douter davantage de la bonne foi des autorités, c’est la localisation des trois stations urbaines permanentes. La station de Port-Louis installée en 2015 se situe dans l’enceinte du Centre culturel islamique qui se situe au pied de la Citadelle, bâtiment faisant face au nord de la ville et qui est exposé à ce que les experts en énergie éolienne appellent l’effet de colline, c’est-à-dire des accélérations subites due à l’air comprimé. Or, la face de la colline où l’appareil est installé est exposée à des accélérations du vent provenant de la rangée de la montagne du Pouce, ce qui ne lui permet pas de capter les niveaux élevés de polluants dans les zones à risque comme les deux grandes gares routières, la zone portuaire à l’est et les parcs industriels se situant dans la partie sud de Port-Louis, Coromandel, La Tour-Koenig, Pailles, Plaine-Lauzan.
Idem à Vacoas. La station urbaine permanente se situe dans une autre zone boisée, élevée et exposée au vent du sud-est et se situe loin des grandes agglomérations et de la zone industrielle de Phoenix. Il n’est donc pas étonnant que le niveau de pollution détectés par les appareils du ministère démontre un faible niveau de pollution. C’est le cas car visiblement on évite soigneusement les zones sensibles.
Voici une autre preuve flagrante additionnelle de cette politique néfaste : La ville de Beau-Bassin a été identifiée en 2017 par l’Organisation Mondiale de la Sante comme une des dix villes les polluées du continent africain. Elle ne dispose toujours pas de système de surveillance permanente et n’a pas été mentionné comme bénéficiaire des nouvelles stations dont les installations sont prévues pour la fin de l’année. Pourquoi ?
La pollution de l’air est aujourd’hui reconnue par les grandes institutions internationales comme un des facteurs pouvant mener non seulement au cancer du poumon et l’asthme mais aussi à des maladies cardiovasculaires. Des recherches démontrent qu’un un niveau élevé de particules fines dans l’air peut aller même jusqu’à nullifier les effets des médicaments contre des maladies non-transmissibles comme le diabète. Il est urgent donc d’agir.
Une phase expérimentale dans des zones reconnues comme à risque par les habitants et les institutions internationales n’est pas une solution durable. Il faut prendre des mesures nécessaires en urgence comme le redéploiement des capteurs dans les zones sensibles pour contrôler et enquêter plus rapidement sur les gros pollueurs. Il faut aussi une politique de plantation d’arbres en ville et non seulement dans les forets comme c’est le cas actuellement. Nous recommandons aussi un meilleur contrôle du système de filtrage des cheminées et des incinérateurs. Car le dioxyde d’azote tout comme le dioxyde de soufre est souvent le produit de combustion.
En bref, nous demandons à l’occasion de cette journée mondiale de l’environnement la fin de la politique de surveillance perverse adoptée depuis des années par le ministère de l’environnement et qui consiste à éviter soigneusement les émissions de polluants localisés pour que les résultats négatifs ne se reflètent pas dans le taux d’exposition moyenne annuelle. Maurice ne convaincra les puissances qui gèrent les fonds climat que si les autorités démontrent une volonté réelle de protéger les concitoyens qui étudient, travaillent et vivent dans les zones limitrophes. Pour attirer et émuler ces pays-là, il nous faut considérer comme eux que respirer un air pur est un droit fondamental.
Arvin Mootoocurpen
Fabrice David
Gila Peeroo
#LetUsBreatheMoris
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