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Rentrée scolaire: un «F» pour la stratégie

12 septembre 2021, 17:15

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Rentrée scolaire: un «F» pour la stratégie

Dès demain, les élèves reprennent le chemin de l’école. Mais en «staggered mode», jusqu’au retour en présentiel le 18 octobre. Une formule dévoilée mardi par la ministre de tutelle et qui divise parents et pédagogues. Si certains sont perturbés, d’autres estiment que la progression pandémique limite les alternatives. Quelle est la logique derrière cette stratégie discordante ?

«Pourquoi reprendre la même formule que le trimestre dernier et attendre jusqu’au 18 octobre pour que les enfants retournent physiquement à l’école ? Où est la logique ? Je ne comprends rien à ce casse-tête.» Siven, papa de deux enfants au primaire, fulmine. Il qualifie cette situation de perturbante pour les parents et surtout les enseignants qui doivent «recasser» leur programme. S’il fallait reprendre l’école, autant le faire en présentiel une bonne fois pour toutes. Vishal Singh Balluck, enseignant au secondaire, abonde dans le même sens. «Un mois en ‘staggered mode’ (NdlR, l’alternance des jours où les élèves se rendent en classe), pourquoi ? Au contraire, il aurait fallu recommencer normalement afin que les élèves puissent rattraper le retard accumulé. Et si on fermait encore après un mois vu le nombre quotidien de contaminations ?» Pour lui, le cursus doit être revu. «Les autorités cherchent des solutions faciles car elles n’arrivent pas à se réinventer. Leurs stratégies démontrent clairement qu’elles ont l’esprit bloqué.»

Par ailleurs, poursuit l’enseignant, «nos écoles ne seront jamais Covid-safe». La propagation du virus et le protocole en cas de détection positive à l’école, chamboulent parents, élèves, profs. «On ne sait même quoi faire si un cas positif survient en classe», renchérit Siven. Ainsi, précise Harish Reedoy, président de l’United Deputy Rectors and Rectors Union, seule la salle de classe où se trouve l’élève contaminé sera désinfectée et opérationnelle le lendemain. Par contre, l’école ne sera pas fermée. Un scénario qui suscite la grogne et l’incompréhension chez d’autres parents à l’exemple de Reena. Pour cette maman, il aurait été plus logique de programmer les cours en présentiel dès demain. «C’est lors de la réouverture complète des frontières le 1er octobre que l’on risque une explosion du nombre de cas du Covid-19. Le staggered mode aurait été plus judicieux à ce moment-là pour un mois, afin de voir l’évolution de la pandémie à Maurice.»

Jayshree Arnachellum, de la School Superintendent Union, s’interroge sur la faisabilité de la combinaison de cours en classe et en ligne. «Est-ce qu’alterner les classes en présentiel et les cours en ligne est envisageable avec le nouveau time-table et le même nombre d’enseignants ? Leurs conditions de travail doivent être reconsidérées.» Pour sa part, Harish Reedoy estime que ce staggered mode ne peut être maintenu indéfiniment. «Il y a déjà un retard considérable. Et il sera difficile de terminer le programme surtout pour les candidats du SC et du HSC qui ne bénéficient d’aucun allègement du cursus.»

De son côté, Suttyhudeo Tengur, président de la Government Hindi Teachers’ Union, souligne que la nouvelle stratégie scolaire œuvre à compléter le cursus autant que faire se peut. «La logique était de satisfaire deux écoles de pensée. La première prônait des cours le samedi. Et la seconde, d’instaurer un quatrième trimestre. C’est ainsi que le ministère est venu avec ce nouveau plan scolaire, mardi.». Il cite plusieurs pays, dont l’Inde et les États- Unis, qui ont repris l’école en staggered mode afin de pouvoir rectifier le tir en cas de recrudescence du virus.

La carte de vaccination

Lindsay Thomas, président de la Roman Catholic Secondary Schools Union, perçoit pour sa part une «obsession à vouloir compléter le pro- gramme d’études». Sous le staggered mode, entre 40 % et 50 % du cursus ont été couverts. À travers cette nouvelle formule, le programme a préséance sur tout autre aspect. Selon lui, la stratégie n’est pas pour autant dénuée de bon sens comme elle oeuvre à assurer la préparation des candidats aux examens.

Cependant, d’autres objectifs sont visés par cette formule de rentrée scolaire. En effet, Jayshree Arnachellum soutient que le ministère de l’Éducation a joué la carte du staggered mode le temps que les élèves en dessous de 18 ans se fassent vacciner. D’où le décalage de la rentrée en présentiel le 18 octobre, poursuit Harish Reedoy. L’arrivée des vaccins est prévue vers fin de septembre et leur administration dans les semaines suivantes, indiquent des pédagogues. «Les jeunes de 15 à 17 ans seront vaccinés et mieux protégés pour la rentrée en présentiel. D’ici le 18 octobre, je crois qu’ils auront déjà reçu leur première dose. D’ailleurs, l’Unesco et l’Unicef sont en faveur de la reprise normale des classes.» Même si les élèves sont censés être moins à risque de contamination au Covid-19, qu’en est-il pour le personnel scolaire, les parents et les grands-parents, se demande Jayshree Arnachellum.

Qu’advient-il également de la vaccination des plus petits, ceux âgés de moins de 12 ans, s’interroge Mike, membre d’une association de parents et d’enseignants d’une école primaire. «On est dans le flou à ce sujet. Les plus petits sont-ils au centre de l’intérêt des dirigeants ? Qu’adviendrat-il d’eux ?» Comme la vaccination n’empêche pas les adolescents, par exemple, de contracter ni de transmettre le virus, certains parents demeurent indécis. D’autant qu’ils ignorent les effets secondaires sur leurs enfants après la vaccination. Par conséquent, il ne faut absolument pas relâcher les gestes barrières en milieu scolaire, déclare Harish Reedoy. Vishal Singh Balluck appelle, lui, à utiliser des cabines en Plexiglas dans les écoles pour protéger les élèves et enseignants.

Retard scolaire cumulé

Les extensions au calendrier scolaire font également sourciller. En effet, la fin du deuxième trimestre est prévue le 17 décembre et les évaluations vers la troisième semaine de décembre, donc en marge de la période festive et des fortes températures d’été, ne sont pas bien accueillies. Une situation inédite, indique Lindsay Thomas. Comment feront les enfants, parents et enseignants durant cette période mouvementée ? La question reste entière. «On est tous perdus. Personne ne sait ce qui va se passer au niveau des écoles surtout avec la hausse des cas positifs au Covid-19», déclare-t-il. Il aurait fallu saisir l’occasion et remettre tout le système en question et intégrer tous les partenaires dans le processus pour dégager une stratégie plus efficace. Quant au troisième trimestre, il comprendra deux semaines additionnelles en avril 2022. «Évidemment, il faut faire du rattrapage mais pas de cette manière. Les examens du School Certificate et du Higher School Certificate débutent le 22 mars 2022. Cette extension ne fait aucun sens et ne servira à rien», argumente Sooryadanand Meetooa.

S’y greffe le retard, voire le décrochage scolaire dans certains cas, cumulé depuis 2020. Reena s’inquiète en outre du rythme d’apprentissage qui s’accélérera pour le rattrapage à la rentrée. «Je ne sais si tous les enfants pourront suivre ce rythme et se réadapter une fois de plus. Depuis mars 2020, leur apprentissage a été perturbé à plusieurs reprises.» Pour le président de l’Education Officers’ Union, une fermeture des écoles pour deux semaines et un basculement sur les cours virtuels permettrait de rattraper ce retard scolaire. Néanmoins, cela nécessite un investissement massif en matière de technologie. Pour Vishal Singh Balluck, une formation pour l’online teaching en classe, devant les élèves, s’impose. «Qu’est-ce qu’on attend pour la démarrer ?»

L’investissement ne se limite pas aux dispositifs technologiques mais doit aussi concerner les ressources humaines. Car la rentrée scolaire en présentiel implique de gérer l’intégralité de la population estudiantine. Or, rappelle Jayshree Arnachellum, un contrôle strict sera difficile, vu le manque d’effectifs dans certains établissements.

Le chiffre

212 184 élèves inscrits en 2020

À mars 2020, 212 184 élèves étaient inscrits dans les écoles de l’île. Selon Statistics Mauritius, ce nombre inclut 24 859 enfants au pré-primaire, 82 004 au primaire et 105 321 au cycle secondaire. Au primaire, on compte 4 527 «General Purpose Teachers» et 1 284 enseignants en langues orientales. Au secondaire, le nombre d’enseignants était de 9 624.

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