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Polémique de la chanson du RCC: des origines à l’évolution du morceau

10 mars 2023, 14:00

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Polémique de la chanson du RCC: des origines à l’évolution du morceau

Pluie de commentaires sur la Toile, plainte de l’ex-députée et ministre Aurore Perraud, réactions de prêtres et mouvements catholiques, mécontentements de toutes parts. Autant de retombées négatives de la fameuse chanson des élèves du collège Royal de Curepipe (RCC), entonnée à la proclamation des lauréats, le 10 février dernier, alors que le recteur les avait déconseillés de le faire. Sur une vidéo qui circule, mais aussi dans les paroles sur Facebook, on découvre des points qui insultent une communauté spécifique.

Mais cette chanson a-t-elle été inventée par ces Royalistes ? Quelle en est l’origine ? «Au début du 20e siècle, d’après la tradition orale, une chansonnette populaire circulait autour de la rue Royale et d’autres routes. Elle faisait référence à des communautés. Ce n’était pas méchant», explique Jocelyn Chan-Low, historien et ancien lauréat du RCC. Vers la fin des années 1970, Rama Poonoosamy et Odile Chevreau ont entendu ce morceau et décidé de retravailler une chanson intituléeSalamé Bismila Salam Malekoum, qui sort aussi sur cassette, ajoute-t-il.

D’ailleurs, précise Rama Poonoosamy, elle date de 1978. À l’origine, vers le début du 20e siècle, des chansons étaient composées sur des régions, rues, quartiers de Port-Louis et communautés sans connotation négative. «Je l’ai déjà entendue vers les années 1960. En 1978, j’avais invité Odile Chevreau à un concert d’une troupe du Bangladesh au théâtre de Port-Louis. La dernière chanson était un séga et c’était cette chanson. En allant déposer Odile Chevreau chez elle, nous avons composé la chanson Salamé Bismila Salam Malekoum pendant le trajet en voiture.»

Ce morceau a été interprété par le Group Kiltirel Morisien en 1978 et 1979 et le Group Kiltirel IDP en 1980 et 1981, qui avait fait un concert au Pathé Palace, se souvient Jocelyn Chan Low. Or, la chanson de Rama Poonoosamy et d’Odile Chevreau était axée sur les spécialités culinaires mauriciennes – roti, minn bwi, briyani, siro tamarin, alouda, entre autres. Elle faisait également un clin d’œil aux mets étrangers comme le Coca-cola, le camembert et le roquefort, entre autres, poursuit l’historien, avec une pointe d’humour. «Ce morceau faisait la promotion du mauricianisme. Quand j’étudiais, il n’était pas question de citer les communautés dans des chansons. J’étais head prefect, et j’exerçais comme enseignant au RCC entre 1985 et 1990. Il était hors de question d’évoquer les ethnies. Mais j’ai l’impression que c’est revenu après ces années-là», explique-t-il.

Comment ce morceau a-t-il évolué ? Selon l’historien, il comprenait plutôt des paroles contre les autres collèges et guère de propos discriminatoires contre d’autres communautés. Tout indique que la version qui suscite l’actuelle désapprobation est inspirée de celle du 20e siècle mais avec des modifications sulfureuses. «Les élèves ont repris la chanson mais cela a dérapé sur les communautés. À mon époque, ce genre de choses était impossible car nous étions un groupe de jeunes conscientisés et disciplinés. C’est difficile de contrôler quelque chose qui se fait hors d’un collège mais dans l’enceinte de l’établissement, l’administration a aussi sa responsabilité.»

Pour Rama Poonoosamy, ces élèves ignorent sans doute l’existence de son morceau avec Odile Chevreau et ont dû entendre l’original qu’ils ont dû modifier avec des «segments communaux». Un ancien élève du collège Royal de Port-Louis indique avoir l’impression d’avoir déjà entendu la chanson avec des blagues et des modifications. Une seconde version, datant de 2011, circule actuellement sur la Toile. Celle-ci cible d’autres collèges et les paroles sont loin d’être élogieuses. «Quand j’allais quitter le collège, on chantait à peine ce genre de choses communales. Ce n’était pas des éléments qui allaient choquer comme on ne prêtait pas attention à ce genre de choses», affirme-t-il.

Effectivement, les paroles de la chanson des élèves du RCC, le 10 février, sont blessantes. «Nous sommes dans une ère où on ne devrait pas stigmatiser telle ou telle communauté. Cependant, on ne peut se baser dessus pour qualifier ces enfants de racistes. Ces paroles ont été modifiées depuis des années. Ils chantent cela probablement par tradition. Cela passe d’élèves en élèves et chaque génération apporte son lot de changements», confie-t-il.

D’ailleurs, des anciens élèves affirment avoir entendu et fredonné des chansons à connotation négative aux inter-collèges. «Mais c’était plus pour l’ambiance. On ne réalisait pas vraiment la signification», avoue l’un d’eux. Que faire donc ? Pour Jocelyn Chan Low, punir ne servira à rien. Il estime que la meilleure des choses pour faire amende honorable serait, en marge de la célébration de l’Indépendance le 12 mars, de rechanter la chanson de Rama Poonoosamy et d’Odile Chevreau qui promeut le mauricianisme ou d’insérer des paroles axées sur le vivre-ensemble au lieu «d’insulter les communautés».

Angelo Mars : «Il faut des sanctions, mais…»

«Il est clair qu’il faut des sanctions», déclare Angelo Mars. Le lauréat 2023 du RCC condamne sans réserve les paroles de la chanson incriminée mais affirme qu’il ne s’agit que d’une poignée d’élèves qui ont mis la réputation de l’école en danger. Il reconnaît que les paroles sont blessantes et renforçent les stéréotypes. Cependant, il précise que cela ne reflète absolument pas la mentalité qui prévaut au sein de l’institution. «Personne n’est discriminé. J’ai été dans ce collège et cela n’existe pas, ni de la part des étudiants, ni des enseignants.» Revenant sur la chanson, il avance qu’à l’origine, elle a été faite pour parler de la diversité ethnique et non pas pour finir avec l’unité au sein du RCC. «Il faut comprendre que l’intention des élèves n’était pas de blesser. Ils ont célébré leur joie de la mauvaise façon et cela doit changer», ajoute-t-il. Pourquoi la polémique ne surgit que maintenant ? Il estime que les collèges d’État recoivent une attention médiatique et que les élites ne sont pas vus d’un bon oeil.
 

Salamé Bismila Salam Malekoum

Mo pass lari Big Ben, mo zwenn enn ti Anglé
Mo dimann li ti-potis, dir mwa ki to vandé

Oh madam, I sell bacon & eggs (2 fwa)

Bacon eggs nou palé, noulé nou diri
Bacon eggs nou palé, noulé nou roti
Bacon eggs nou palé, noulé nou minn bwi
Bacon eggs nou palé, donn nou briyani

Salamé Bismila Salam Malekoum (4 fwa)

Mo pass lari d’Avignon, mo zwenn enn ti Fransé
Mo dimann li ti-sefran, dir mwa ki to vandé

Ah madam, je vends du bon fromage (2 fwa)

To fromaz senti pi, noulé dilé kayé
Camenbert gagn loder, donn nou maloker
To Roquefort li tro for, li fer nou rot for
To fromaz nou palé, donn nou gato dilé

Salamé Bismila Salam Malekom (4 fwa)

Mo pass lari Texas, mo zwenn enn ti-merikin
Mo dimann li ti-koboy, dir mwa ki to vandé

Yeah madam, I sell Coca Cola (2 fwa)

Coca Cola nou palé, donn nou nou dité
Coca Cola nou palé, noulé siro tamarin
Coca Cola nou palé, noulé nou kafé
Coca Cola nou palé, donn nou alouda

Salamé Bismila Salam Malekom (4 fwa)

<p><strong><em>Parol</em></strong><em> Rama Poonoosamy &amp; Odile Chevreau (1978)</em></p>

<p><strong><em>Interpreté </em></strong><em>par Group Kiltirel Morisien (1978-79)</em></p>

<p><strong><em>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; </em></strong><em>Group Kiltirel IDP (1980-81)</em></p>

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