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Ahmed Parkar : « Nous serons au bord d’une crise sociale si les secteurs d’exportation commencent à licencier »
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Ahmed Parkar : « Nous serons au bord d’une crise sociale si les secteurs d’exportation commencent à licencier »

Il tire la sonnette d’alarme. Pour Ahmed Parkar, Chairman du «Joint Economic Council» et CEO de «Star Knitwear Ltd Group», la politique monétaire de la Banque de Maurice (BoM) fragilise en ce moment les secteurs d’exportation. Ce qui pourrait déboucher sur des licenciements massifs qui plongeraient le pays dans une crise sociale.
Quel constat faites-vous de l’économie du pays en ce début d’année ?
La crise mondiale, qui perdure toujours aux Etats-Unis et en Europe, influe négativement sur l’économie du pays vu que ces deux zones géographiques constituent les principaux marchés pour nos exportations. Notamment le textile, le tourisme et le Business Process Outsourcing (BPO), soit les secteurs économiques liés au commerce international. La croissance de 3,5 % estimée cette année est, à mon avis, insuffisante pour créer de l’emploi, encourager l’investissement et assurer la stabilité sociale. Pire, je note que les partenaires engagés dans le développement économique, à savoir le secteur privé, le gouvernement ou encore la Banque mondiale n’arrivent pas à travailler comme une seule équipe. Cependant, il est primordial que tous ces stakeholders soient proactifs et qu’ils prennent des décisions pour ramener la confiance dans l’économie du pays.
Doit-on comprendre que le secteur privé ne dialogue pas avec le gouvernement ?
Il y a heureusement des dialogues entre le secteur privé et le gouvernement, plus particulièrement avec le ministère des Finances. Car il y a eu des mesures prises dans le dernier budget pour faciliter les affaires à Maurice ou encore pour soutenir les secteurs existants. Mais là où le bât blesse, c’est avec la Banque de Maurice.
Que reprochez-vous à la BoM ?
Nous avons de bonnes relations avec la Banque centrale. Mais, c’est la politique monétaire prônée qui fait débat et qui n’est pas bénéfique aux entreprises tournées vers l’exportation. La BoM persiste et signe, montrant que son seul et unique objectif est le combat contre l’inflation.
Ce qui est effectivement son rôle…
Je comprends, mais il faut quand même faire preuve de flexibilité. Nous avons aujourd’hui un taux d’inflation avoisinant les 4 %, ce qui ne constitue nullement un risque pour le pays. Au contraire, cela peut représenter une opportunité pour la BoM, en donnant plus d’espace monétaire aux opérateurs économiques. Car ces derniers peuvent s’appuyer sur les effets multiplicateurs de cette démarche pour améliorer la trésorerie de leurs entreprises, redonner de la confiance à l’économie, doper la croissance et favoriser la création d’emplois. D’ailleurs, d’autres pays autour de nous ont une stratégie monétaire qui s’ajuste en fonction des réalités économiques mondiales. Le Japon a dévalué récemment le yen, la Chine maintient sa monnaie à un niveau compétitif et les Etats-Unis continuent à imprimer des billets de dollars afin de garder le dollar à un taux de change compétitif pour ainsi encourager les entreprises exportatrices. A Maurice, avec notre petite taille économique, on essaie d’appliquer des principes économiques parfaits dans un monde qui est loin d’être parfait. Avec les risques que cela comporte …
Lesquels ?
Maurice court le risque de perdre à court terme ses parts de marché dans le textile, le tourisme et, dans une certaine mesure, le BPO. Pire, nous serons au bord d’une crise sociale si ces trois secteurs, qui emploient aujourd’hui presque 100 000 personnes, commencent à licencier en raison de la dégradation de l’environnement économique internationale et d’une politique monétaire visant à surévaluer la roupie par rapport aux principales devises étrangères. Nous avons à présent un taux de chômage de 8 % mais il ne faut pas s’étonner s’il est doublé à court terme.
Quelles sont les solutions que vous proposez ?
Il n’y a pas mille solutions. Le ministre des Finances a publiquement déclaré que la roupie est surévaluée de 12 % par rapport à d’autres monnaies. Il faut impérativement résoudre ce problème. Si on ne le fait pas, il ne faut pas blâmer le secteur productif comme étant responsable de la crise qui se profile à l’horizon. Celle-ci peut surgir à n’importe quel moment.
Vous proposez de laisser la roupie glisser ?
Ce n’est pas à moi de décider de la politique monétaire. La BoM a cette responsabilité. Ce que les opérateurs recherchent, c’est une roupie suffisamment compétitive par rapport aux principales devises étrangères. A mon avis, il y a plusieurs facteurs que la BoM peut considérer pour soulager le secteur productif. Je pense qu’il y a urgence, comme je l’ai déjà souligné, pour corriger la surévaluation de la roupie par rapport aux devises de nos principaux concurrents. Je comprends que la BoM a le souci de protéger les épargnants, mais il faut comprendre que la plupart de gens sont aujourd’hui des emprunteurs. Parallèlement, les entreprises sont fortement endettées. Plus de Rs 40 milliards pour les groupes hôteliers et une trentaine de milliards de roupies pour les entreprises de textile.
Par ailleurs, je pense que la BOM doit intervenir sur le marché de changes, d’une manière régulière pour mieux équilibrer la valeur de la roupie. A cet effet, la State Trading Corporation, comme le plus gros opérateur de devises à Maurice, doit avoir le choix d’intervenir directement sur le marché de changes quitte à ce qu’elle négocie avec les banques pour un avoir un meilleur taux de change. Ce qui n’est pas le cas actuellement car elle achète la totalité de ses devises auprès de la Banque mondiale.
Toutes les analyses soulignent que c’est le marché sud-africain qui permet aujourd’hui à l’industrie du textile de garder la tête hors de l’eau. Comment se présente ce marché ? Quel est son potentiel de croissance ?
C’est un marché qui représente une planche de salut pour le secteur du textile, à un moment où le marché européen passe par une phase de ralentissement. Les grosses entreprises du textile exportent davantage vers ce marché hors taxe, vu notre adhésion au bloc commercial de la
SADC. Les gros acheteurs sud-africains ont également l’avantage de bénéficier d’une période de réalisation (lead time) beaucoup plus courte, vu la proximité de Maurice avec l’Afrique du Sud, qui dispose d’un gros potentiel de croissance.
Propos recueillis par Villen ANGANAN
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