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Aisha Timol : « On peut revoir les conditions de la ligne de crédit de la BoM »

11 juillet 2012, 11:37

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La Chief Executive de la Mauritius Bankers Assocation commente la politique monétaire pratiquée par la Banque de Maurice.

 

? Comment interprétez-vous la décision de la Banque de Maurice (BoM) d’instituer une enquête sur les termes et conditions de contrats passés entre les consommateurs et les institutions financières ?

La BoM, en tant que régulatrice du secteur bancaire et du système financier, est certes habilitée à le faire. Au départ, les banques commerciales avaient été invitées à se joindre à un groupe de travail pour voir dans quelle mesure le langage de ces contrats, de nature légale, peut davantage être simplifié.

Les représentants de neuf banques commerciales des départements légaux, des crédits et des risques, ont déjà signifié leur volonté d’y contribuer. Nous attendons que la BoM les convie à la première réunion. Entre-temps, l’institution de cette enquête a été annoncée. Le public est aussi invité à y contribuer en ce qui concerne les termes de contrats qui ne sont pas compréhensibles entre emprunteurs et prêteurs, mais aussi pour voir dans quelle mesure ces termes pourraient être «injustes». La Mauritius Bankers Association se tient prête à apporter sa totale collaboration à l’exercice.

? La BoM soutient que sa démarche fait suite aux nombreuses doléances des consommateurs qui ne sont pas en présence de toutes les informations au moment de la signature d’un contrat. Estimez-vous que ce soit une critique portée contre les banques et autres institutions financières ?

Un contrat d’ordre légal se doit de contenir toutes les provisions pour qu’en cas de litige subséquent, les deux parties ayant agréé au contrat puissent se prévaloir de ces termes et conditions pour résoudre un quelconque conflit, que ce soit du point de vue de l’emprunteur ou de celui du prêteur et entamer, si nécessaire, des poursuites judiciaires.

Les consommateurs de produits financiers, surtout les emprunteurs, ont un devoir de s’assurer qu’ils sont au courant de toutes les clauses du contrat qu’ils sont invités à signer. Si tel n’est pas le cas, ils doivent demander à ce que tous les termes leur soient expliqués ou même de se prévaloir d’un conseil légal en dehors de la banque et ne pas s’empresser d’obtenir le prêt en question.

Sous le Borrower Protection Act 2007, tout cela est clairement explicité : les droits et les devoirs des prêteurs comme ceux des emprunteurs, ainsi que ce que doit contenir un credit agreement. Comme vous le constatez, les doléances des consommateurs - qui ne datent pas d’hier - ont été prises en compte dans le cadre de cette loi. Celle-ci s’applique à tout prêt d’un montant inférieur à Rs 2 millions.

Nous soutenons aussi la nomination d’un Banking Ombudsperson, comme le préconise la Banking Act. Les consommateurs de produits bancaires sauront exactement où se tourner pour leurs griefs et pourront ainsi s’attendre à une solution plus rapide.

? Les principales banques du pays boudent les mesures de Bheenick pour soulager les exportateurs à travers une ligne de crédit en devises de Rs 27 milliards. Elles considèrent que la marge de 2,5 % fixée par la BoM pour refinancer les dettes des exportateurs, est trop faible. Comment réagissez-vous à cette décision de la Banque centrale ?

L’initiative de la Banque centrale peut être considérée comme un natural hedge mis à la disposition des exportateurs par rapport à leurs entrées en devises et leurs financements en roupies. Les banques commerciales ont été invitées à souscrire à cette démarche et elles le font au cas par cas en prenant en considération trois critères spécifiques.

Premièrement, le risque du crédit, en tenant compte du montant, de l’échéance et de l’échelonnement du crédit en roupies déjà octroyé et sa conversion en devises deuxièmement le coût du capital, et troisièmement les coûts d’opération. Ce qui est le cas dans chaque octroi de crédits.

En revanche, dans la mesure où la Banque centrale prête aux banques à un taux d’intérêt de 1,5 % au-dessus du LIBOR tandis que les banques, elles, ne doivent pas dépasser le 1 % supplémentaire, on note que dans pas mal de cas, ce taux maximal de 2,5 % au-dessus du LIBOR ne couvre pas ces trois critères précités et c’est là que le bât blesse. Chaque prêt a ses propres caractéristiques et ses risques inhérents qui limitent donc les banques à satisfaire toutes les demandes sous ce scheme. Il y aura certes des demandes satisfaites, mais dans d’autres cas, le risque lié à la banque serait trop grand pour s’y aventurer, malgré un désir réel de soutenir le secteur des exportations en ces temps difficiles.

? Estimez-vous que cette mesure aura été un effet d’annonce de la Banque centrale vu que les conditions y relatives sont difficilement applicables ?

J’espère sincèrement que tel n’est pas le cas. Mais on peut certes essayer de revoir le scheme pour le rendre plus performant. Car, hormis le taux d’intérêt, il y a aussi deux autres aspects à prendre en considération lors de cet exercice.

Premièrement, la garantie exigée par la Banque centrale auprès des banques commerciales pour ce prêt. Bien que cela ne porte sur les réserves des banques auprès de la banque centrale et n’implique pas de coûts additionnels, les balance sheets des banques devront y faire mention et ne seront donc plus clean. Cela pourrait certes décourager certaines banques, surtout dans une conjoncture difficile par rapport à l’image de la banque sur le plan international. Deuxièmement, une conversion des roupies en devises créera un excès de liquidités en roupies sur le marché domestique. Ce qui devrait, d’une part, être rapidement absorbé pour ne pas provoquer une situation inflationniste. D’autre part, s’assurer que le retour sur investissement continue à être rentable, d’où la solidité de notre système bancaire.

? La BoM envisage sérieusement de fixer des paramètres quant aux marges imposées sur le marché de change par les banques commerciales si celles-ci ne jouent pas le jeu. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

Cela irait à l’encontre de la libéralisation de l’économie, des taux d’intérêt et du contrôle de changes préconisés depuis 1994. Une politique qui a bien servi l’économie mauricienne et qui a été saluée par toutes les instances et institutions internationales. Il faut aussi faire la distinction entre les indicatives rates - qui sont les taux affichés et qui portent sur de petites transactions – et les taux actuels pratiqués par les banques, qui sont négociés dans un contexte de compétitivité accrue, de par la présence de 20 banques commerciales.

? Selon les derniers chiffres de National Accounts, le secteur bancaire enregistrera une croissance de seulement 4,9 % cette année contre 6 % en 2011. Comment expliquez-vous cette baisse de croissance ?

Dans le contexte économique actuel, qui est extrêmement volatile et incertain, une prévision de croissance de 4,9 % du secteur bancaire demeure fort louable, quand on prend en considération quatre facteurs clés. Premièrement, la baisse prévue de la croissance de l’économie en général, à 3,5 % cette année contre 3,9 % enregistrée en 2011 deuxièmement, en comparaison avec les taux de croissance moindres du secteur bancaire de 4,2 % en 2009 et de 3,9 % en 2010 déjà enregistrés dans le sillage de la précédente crise financière troisièmement, la situation toujours critique prévalant au sein de la zone euro qui demeure une source d’inquiétude tant pour les investisseurs locaux qu’internationaux. D’ailleurs, l’investissement privé connaîtra une décroissance de 3,3 % cette année, après une croissance de seulement 1,5 % en 2011, suivie d’une stagnation en 2010. Et enfin, une réaction du secteur offshore face aux incertitudes prévalant sur le marché indien dues aux nouvelles provisions du General Anti-Avoidance Rules (GAAR). Les banques sont certes impactées par tous ses facteurs mais essaient quand même de concilier prudence et croissance, car leur survie et en contrepartie celle de toute l’économie mauricienne, en dépendent.


Propos recueillis par Villen ANGANAN
(Source : l’express, mercredi 11 juillet 2012)

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