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Alain Ah Vee: «Le GM doit exposer clairement sa politique concernant les langues»
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Alain Ah Vee: «Le GM doit exposer clairement sa politique concernant les langues»

Ces auditions visaient à recueillir les témoignages de personnes ayant souffert de la non-utilisation des langues maternelles- à Maurice les principales sont le créole et le bhojpuri- à l’école. Suite à ces témoignages, un rapport est en préparation.
 
LPT est-il satisfait de la tournure de ces auditions? Ont-elles été comme vous l’espériez?
Nous sommes entièrement satisfaits du déroulement de ces auditions. Pendant les trois jours lors desquels elles ont eu lieu, plus de 50 personnes ont témoigné courageusement: pédagogues, professeurs du pré-primaire au tertiaire, étudiants et élèves…
D’ailleurs, le comité d’experts mauriciens et étrangers qui les a entendus a jugé que les témoignages collectés étaient pertinents, authentiques et fiables. Ils préparent un rapport en conséquence.
Que disent-ils dans ce rapport?
Premièrement, que dans le système scolaire, les langues maternelles ne sont pas du tout utilisées comme medium de communication. Aucun livre scolaire n’utilise ces langues non plus. La politique adoptée et utilisée dans le primaire, en matière de langues, entraîne un taux d’échec très élevé dans le primaire, notamment aux examens du Certificate of Primary Education (CPE). Par conséquent, le niveau d’alphabétisation/literacy fonctionnel à Maurice est très bas.
Deuxièmement, le comité souligne que le gouvernement doit exposer clairement sa politique concernant les langues le plus vite possible. Il a conclu que le «language policy» que l’Etat a appliqué jusqu’à présent ne conduit pas au développement complet du potentiel des enfants, tant sur le plan cognitif et émotionnel que psychologique et social.
Troisièmement, le panel a constaté, via les témoignages des professeurs et des parents, à quel point les élèves sont traumatisés quand leur langue maternelle n’est pas employée dans l’enseignement à l’école. De nombreux enfants s’absentent. D’autres sont présents en classe, mais absents mentalement. Ils ne comprennent pas ce qu’on veut leur transmettre. Les cours auxquels ils assistent n’ont plus d’intérêt.
Quatrièmement, il préconise un système éducatif multilingue basé sur la langue maternelle. Selon le comité, l’apprentissage de nouvelles langues et matières est facilité quand l’enfant maîtrise sa langue maternelle. Il faut, à cet effet, que la langue maternelle soit utilisée le plus longtemps possible dans le système éducatif.
Les linguistes, qui ont siégé dans ce comité, incluent le témoignage de l’Ombudsperson for Children, Shirin Aumeeruddy-Cziffra, dans leur rapport. Son témoignage est en accord avec les recommandations du comité des Nations-Unies sur les droits des enfants. C’est-à-dire que les langues maternelles doivent être utilisées dans le pré-primaire et le primaire.
De plus, ils n’omettent pas de mentionner l’expérience réussie de la section pré-vocationnelle du Bureau d’Education Catholique (BEC) et celle de la Fédération Playgroup au niveau des écoles maternelles en ce qui concerne l’utilisation de la langue maternelle dans l’enseignement.
Ce rapport sera finalisé au cours de cette semaine, LPT l’enverra au Premier ministre, aux ministres de l’Education, des Droits de la Femme et de l’Enfant, au bureau de l’Ombudsperson, à la Commission Justice et Vérité, et d’autres institutions liées à l’Education et toute association ou personne impliquée dans la promotion des langues maternelles.
A quoi LPT s’attend-t-il avec l’envoi de ce rapport à ces personnes et institutions?
Nous espérons qu’il y ait rapidement un changement du «language policy», pour intégrer les langues maternelles dans les établissements scolaires à Maurice et à Rodrigues. LPT milite pour la promotion de la langue maternelle. Nous faisons pression sur les autorités pour que des changements de loi soient effectués en ce sens.
Comment imaginez-vous l’introduction concrète des langues maternelles dans les programmes scolaires?
Afin d’y parvenir, il faudra d’abord former les enseignants. Puis, il faudra produire du matériel scolaire en créole et en bhojpuri.
Aujourd’hui, le gouvernement n’a plus de prétexte pour dire qu’il n’y a pas les conditions requises pour l’introduction des langues maternelles.
Avant, l’Etat pouvait déplorer l’inexistence de dictionnaire de créole mauricien, par exemple. Mais cette année même, le docteur en linguistique, Arnaud Carpooran, en a publié un.
De surcroit, en 2004 déjà, un comité technique, existant sous l’ancienne administration gouvernementale, a produit la Grafi Larmoni, une graphie du créole local, qui harmonise l’écriture du créole.
Finalement, le seul élément qui manque, à présent, pour que le changement s’opère, c’est la volonté politique!
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