Publicité

Alan Ganoo, leader de l’opposition «socioculturels : le PM a donné le ton»

16 février 2013, 04:13

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Le nouveau leader de l’opposition demande aux organisations socioculturelles d’arrêter d’usurper des pouvoirs qui ne sont pas les leurs. Il attire l’attention sur le danger pour l’unité nationale que sont les propos des responsables de ces associations. Alan Ganoo se dit conscient que cela est fait dans le but de forcer la presse à s’autocensurer !

.. .. Il y a eu ces deux dernières semaines une tentative de communaliser des débats importants dans le but de les faire avorter. Cela a- t- il marché ?

C’est déplorable que ce soit des organisations socioculturelles qui prennent les devants pour essayer de mettre un terme à cette réprobation qu’il y a aujourd’hui contre le gouvernement. Cela en venant usurper des pouvoirs qui ne sont pas les leurs. Cela fait un grand tort à notre système démocratique, accentue les tensions sociales, intensifie la fragilité de notre pays et vient perpétuer la méfiance qui existe entre les différentes composantes de la société. C’est complètement déplacé de la part de ces associations.

Ce qui est sinistre dans cette affaire, c’est qu’on a l’impression qu’elles sont téléguidées. Non seulement elles obtiennent dix minutes de temps d’antenne de la MBC, mais l’IBA vient dire que ce n’est pas son problème et la police ne prend aucune action après les menaces de Dulthumun. Partagezvous cet avis ?

Je ne peux pas vous dire si l’autorité suprême a téléguidé cette conférence de presse ou manipulé ces associations car je n’en ai pas la preuve. Mais lorsque je me remémore les propos du Premier ministre ( PM) quand il est venu parler de charbon noir et de charbon blanc et que je note que la banderole utilisée lors de la conférence de presse vient aussi dire charbon noir et charbon blanc, je me dis que le PM a cautionné ces organisateurs et les a encouragés à aller dans cette direction. Le PM n’aurait jamais dû utiliser ce genre de langage dans un débat sérieux sur nos options énergétiques. Pire, ce que le PM dit est faux ! Car c’est son gouvernement qui a donné le premier contrat aux IPP. C’est le prix de FUEL qui est le plus élevé et c’est le PTr qui a fait ce contrat en 1998 ! C’est le gouvernement travailliste qui a donné ces contrats à FUEL, Deep River Beau Champ et la Centrale thermique de Belle Vue. De quoi parle- t- il alors ? C’est mesquin de la part du PM, et il a donné le ton, même s’il n’a pas donné l’ordre.

Ne trouvez- vous pas suspect que ces socioculturels reçoivent autant de coups de main des institutions ?

Mais nous sommes arrivés à un stade où plusieurs institutions ne fonctionnent plus.

Ce qui m’attriste dans cette histoire, c’est que ces accusations sont complètement fausses.

Quand on tapait sur Jean Suzanne, sur Serge Petit, sur Asraf Dullul à l’époque, de quel bashing était- on responsable alors ? Quand le rapport Bachoo sur BPML dit ce qu’il dit, ose-t-on encore parler de hindu bashing ? Le but est de mettre l’opposition et la presse sur la défensive et de les forcer à battre en retraite, à s’autocensurer. Ce n’est pas acceptable dans une démocratie. Car l’opposition a un rôle important à jouer et c’est une façon très subtile de l’empêcher de le remplir.

Surtout que le PM a recours à ces tactiques seulement quand il s’agit de sujets sensibles pour lui : Nandanee Soornack, Rakesh Gooljaury, SICOM, « CT Power » !

Mais, acculé comme il est aujourd’hui, le PM devra venir de l’avant avec une déclaration pour s’expliquer sur ces affaires. Le peuple attend ses explications.

Mais il n’a montré aucune intention de le faire. On dirait que pour lui, l’affaire est close quand il dit « mo pann donn nanye » et qu’il aimait ses amis !

Oui, mais ni la population ni l’opposition ne vont s’arrêter là. Ces sujets vont rester dans l’actualité et quand l’occasion se présentera, l’opposition va reprendre ces questions au Parlement. Nous lui demanderons des explications de la manière la plus offi cielle qui soit et il devra bien répondre.

Mais aurons- nous des réponses ? En l’absence d’une « Freedom of Information Act » , le Parlement reste le seul moyen d’obtenir des informations. On a vu que si le gouvernement ne veut pas répondre, ce qui est souvent le cas, c’est impossible d’avoir des informations !

Certainement. Notre système a beaucoup de failles en termes de transparence et de bonne gouvernance. Et notre système parlementaire lui- même demande à être revu. Tant que nous n’avons pas un système de comités parlementaires, la démocratie parlementaire ne sera qu’un leurre. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que le gouvernement vient avec une loi au niveau plénier et le committee stage n’est que symbolique puisque dans 99,9 % des cas, le gouvernement n’accepte pas les amendements proposés. Si le fonctionnement du Parlement était autre, nous aurions des comités – finances, environnement, etc. – où le ministre vient répondre aux parlementaires qui sont dans ces groupes. Ainsi, beaucoup d’informations seraient obtenues et beaucoup de scandales évités, car cela jetterait la lumière sur bon nombre de dossiers.

Et nous ne pouvons être fiers de l’absence continue d’une Freedom of Information Act . C’est une loi qui a été adoptée dans beaucoup de pays, dont l’Inde. C’est une loi qui marche puisqu’elle permet aux citoyens, aux forces vives et à la nation d’avoir des informations sur les dossiers qui les intéressent. Avec cette loi, rien, sauf les secrets d’Etat, ne serait secret et c’est ce dont on a besoin.

Au Parlement, effectivement, très souvent les ministres ne répondent pas aux questions et c’est extrêmement frustrant. Je crois que nous sommes arrivés à un moment où le pays et un gouvernement sérieux devraient réfléchir sérieusement à cette affaire de bonne gouvernance, de transparence, d’ accountability.

Mais je n’ai pas l’impression que le gouvernement s’en soucie. Et « CT Power » est l’exemple même d’un manque de transparence : le gouvernement a décidé que « CT Power » aura le contrat et diverses décisions offi cielles ont favorisé le projet. Ceux qui critiquent sont attaqués. La démocratie s’est- elle réduite à cela ?

Vous avez raison. CT Power était dès le début une course gagnée d’avance. Il ne faut pas oublier que dans cette affaire, le ministère de l’Environnement avait initialement refusé d’accorder son Environment Impact Assessment ( EIA) à CT Power . Mais le PM s’en est mêlé, il a fait des déclarations graves à l’effet qu’il y a eu manipulation de dossiers au niveau de l’ EIA. C’était sans précédent, je n’ai jamais entendu un PM venir faire de telles critiques contre un département du gouvernement sur une plateforme socioculturelle ! Et encore une fois, le signal est donné par le PM. A partir de là, le ministère ne se défend pas devant le tribunal, le promoteur gagne son affaire et l’Etat ne fait pas appel. Le tapis rouge est donc déroulé pour le promoteur.

C’est à cause de cela qu’il y a une méfiance envers ce projet. Car n’oublions pas qu’à l’origine, CT Power est un unsolicited bid ! Je viens d’apprendre que le CEB avait refusé le projet CT Power la première fois, en 2005 ! Après cela, les forces obscures ont commencé à manoeuvrer et le CEB a commencé à négocier avec le promoteur. Plus grave, un des membres du tribunal de l’Environnement était le conseiller légal du CEB ! Vous savez, c’est un gouvernement bancal qui est de train de gérer ce pays, un gouvernement dépassé par les événements.

Huit ans de Ramgoolam et le peuple en a assez. La preuve : des députés ont peur de descendre dans leur circonscription !

Comment expliquez- vous cela ?

Ce sont les gouvernants qui ont conscientisé les gens sur l’environnement, sur les eaux usées, etc. Mais quand on ne peut pas satisfaire les besoins de la population, quand l’eau envahit sa maison, quand l’eau ne coule pas, quand il n’y a que l’eau boueuse dans les robinets, quand son enfant reçoit de la nourriture avariée à l’école, etc, la personne est exaspérée. Et je pense que le PM doit se ressaisir et prendre conscience de la frustration qui existe dans le pays au grassroot level . Quand j’étais ministre des services publics, nous avions commandité un rapport sur le Land Drainage System . Il y a donc un plan qui identifie les endroits où il y aura des inondations. Ce rapport est dans un tiroir.

Depuis, il y a eu beaucoup de constructions, très souvent en ignorant les normes élémentaires, des anciens drains bouchés alors que les autorités ( inspectorats, etc.) ne se sont pas assurées de la construction de nouveaux drains avec les nouvelles constructions.

Il n’y a plus aucune planification et cela démontre une incapacité à prendre des décisions et à hiérarchiser les problèmes. Le chain of command est cassé dans le pays et c’est pour cela que les institutions sont en train de déraper.

Chacun fait ce qu’il veut. Nous vivons sur une poudrière. C’est pour cela que je demande au gouvernement de faire attention et de ne pas jouer avec cette affaire de socioculturel, il nous faut à tout prix préserver l’unité nationale dans le pays. Maurice est en train de passer par un moment très diffi cile de son histoire. Le pays est fragile, l’avenir est incertain et le peuple est en désarroi. C’est un moment de fin de règne.

 

propos recueillis par  Deepa Bhookhun

Publicité