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Alex Boraine: «Avant de tourner la page, il faut d’abord la lire et bâtir après»
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Alex Boraine: «Avant de tourner la page, il faut d’abord la lire et bâtir après»

Alex Boraine, nouveau président de la Commission Justice et Vérité, a rappelé la pertinence de la Commission Justice et Vérité lors de sa toute première participation à une audience, la première de l’année 2010, ce mercredi 13 janvier au village du Morne.
Il dira qu’il faut d’abord connaître l’histoire du passé et agir en conséquence, avant de passer à autre chose et de bâtir l’avenir.
D’autres membres de la Commission étaient présents à cette audience, en l’occurrence, Vijaya Teelock, Parmaseeven Veerapen et Benjamin Moutou. Stéphanie Anquetil, présidente du Morne Heritage Trust Fund et Mathieu Laclé, conseiller au ministère de la Pêche, siégeaient également à cette session.
Le nouveau président de la Commission d’origine sud-africaine, qui a prêté serment lundi 11 janvier, a d’entrée de jeu, défini le rôle de la Commission Justice et Vérité. «Elle a été constituée pour procéder à une évaluation des conséquences de l’esclavage et de l’engagisme de la période coloniale à nos jours», rappelle-t-il.
Alex Boraine affirme que ces audiences sont des exercices nécessaires pour atteindre cet objectif. «Celle d’aujourd’hui nous rappelle cela. Il nous faut entendre des plaintes de malversations faites dans cette période, comme des dépossessions injustes de terrains ou des titres de propriété volés, confisqués ou retirés d’une manière abusive», ajoute-t-il. «Cette instance n’a aucun pouvoir résolutif, si ce n’est celui de soumettre des recommandations au gouvernement après enquêtes, études et écoute. La décision finale revient au gouvernement», rappelle également Alex Boraine.
Après le lancement officielle d’une brochure produite par la Commission et traduite en quatre langues, anglais, français, créole et hindi, le président a souligné la pertinence de l’existence d’une telle instance à Maurice. «J’entends les gens dire que ce n’est pas important. Qu’il faut oublier le passé et regarder vers l’avenir. Ils ajoutent que réveiller le passé peut rouvrir les plaies, les blessures du passé dans bien des domaines. Ils disent qu’il faut tourner la page et en écrire une nouvelle. A cela, ma réponse est simple: Il faut lire la page avant de la tourner. La lire cette page d’histoire d’abord, veut dire entendre, comprendre ce qui s’est passé et agir en conséquence. Il ne faut pas oublier le passé. Et c’est dans cet esprit que la Commission Justice et Vérité a été mise en place et compte agir», déclare-t-il.
Après son intervention, traduite par un interprète en créole, Alex Boraine a déclaré l’audience ouverte avec la déposition de Marie Yola Argot-Nayekoo. Cette jeune femme, d’origine mauricienne, vit en France. Cette passionnée de généalogie et d’histoire a retrouvé des documents pour soutenir sa déposition. La Franco-Mauricienne se fait la porte-parole des familles injustement déplacées en deux temps par une famille de propriétaire. «Les familles de Trou Chenille m’ont ainsi fait part de leur témoignage pour que la vérité soit établie et que justice soit faite», affirme Marie Yola Argot-Nayekoo.
La déclaration de cette dernière a duré quarante-cinq minutes. «Mon intervention, dit-elle, se déroule en 3 parties, je vais me présenter tout d’abord, ensuite, sur la base de divers témoignages, je parlerai du village de Trou Chenille et de ses habitants: qui étaient ils? quelle était leur condition de vie? leur moyens de subsistance? et enfin je parlerai du déplacement forcé des habitants vers l’Embrasure puis une seconde fois vers le village du Morne actuel», annonce Marie Yola Argot-Nayekoo.
Ensuite, la parole était donnée aux trois anciens, des rescapés de ce temps, pour des témoignages émouvants et pleins de vie. Les révélations de Noel Donice, Marie Anne Marguerite Dony, et Marga Larusée, tous originaires de Trou Chenille, ont ému plus d’uns. «Autrefois, la vie était simple et tout autre. Il n’y avait pas de misère, nous n’étions pas riches, certes, mais nous ne manquions de rien. Aujourd’hui, je dois payer ma location et c’est à peine si je peux m’acheter quelque chose à manger avec la maigre pension du gouvernement», confie Marga Larusée.
Les membres de la Commission ont posé des questions aux intervenants pour des éclaircissements sur les déclarations faites. Cet échange passionnant aura duré 45 minutes pendant lesquelles des compléments d’informations ont été données. «Nous ne pouvions rien dire à cette époque, nous devions obéir sans lever les yeux vers le propriétaire au risque de représailles. On pouvait même vous tuer sans que personne ne s’en aperçoive», répondra Noel Donice à la question de Benjamin Moutou qui lui a demandé si ces familles n’ont jamais songé à s’organiser pour s’opposer à ces décisions arbitraires.Alex Boraine a déclaré la séance close après avoir, lui aussi, posé une question à Marie Yola Argot-Nayekoo et demandé à ce que les documents demandés soient déposés à la Commission au plus vite. Il a également rappelé que, si besoin est, la Commission se réserve le droit soit de convoquer une autre audience ou de retourner vers Marie Yola Argot-Nayekoo pour d’autres précisions. Par ailleurs, il a prévenu que la famille Cambier sera interrogée par la Commission.
 
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