Publicité

Ali Mansoor, secrétaire financier

16 février 2010, 07:23

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Comment devient-on fonctionnaire, de surcroît secrétaire financier, quand on n’a ni travaillé dans la fonction publique, ni exercé à Maurice ?

Il existe un rapport du Pay Research Bureau (PRB) qui a été publié il y a plus de dix ans qui a créé le Senior executive service. Le système a été ouvert de façon à ce que des managers puissent être recrutés de l’extérieur.

Et pourquoi quitter un poste de lead economist à la Banque mondiale pour devenir fonctionnaire à Maurice ?

C’est Rama Sithanen qui m’a contacté quand il a su qu’il allait être ministre des Finances. Il m’a parlé de sa vision pour le pays et il m’a alors dit qu’il souhaitait que je l’épaule pour la mettre en oeuvre.

J’ai été impressionné par le projet -celui de faire de Maurice non seulement, un pays économiquement performant mais aussi une société plus juste. Ce sont des valeurs dans lesquelles je crois et même si ce n’était pas idéal de quitter Washington d’un point de vue familial - j’ai trois enfants dont un qui a vécu deux ans avec nous à Maurice et cela l’a rendu malheureux - j’ai quand même décidé de faire le pas.

Comment connaissez vous Rama Sithanen ?

Nous étions à la London School of Economics (LSE) ensemble. C’est un des économistes les plus intelligents que j’ai jamais rencontré.

Décidément vous aimez vous échanger des fleurs ! Il dit que vous êtes plus intelligent que lui.

(Rires…) Je ne sais pas si c’est la vérité ! Toujours est-il que j’ai beaucoup d’admiration pour son intellect et son intégrité.

Ce qui dérange avec Rama Sithanen et donc avec vous, c’est cette philosophie pro-FMI, pro-Banque mondiale, que vous partagez.

Il faut arrêter d’étiqueter les gens comme cela ! C’est trop facile. Je partage une philosophie avec Rama Sithanen. Nous voulons d’une société juste, où chacun a les mêmes chances. Comment faisons nous cela ? En ayant une économie qui ne marche pas pour que nous soyons tous également pauvres ?

Non! Nous avons besoin d’une économie qui a suffisamment de richesses pour que chacun ait sa part.

L’on vous reproche de vous laisser dicter par une équipe du FMI et de la Banque mondiale.

Pas du tout. Demandez à mes collègues et ils vous diront que parfois je suis trop dur avec la Banque mondiale ! Je leur dis souvent que nous n’avons pas besoin de leur argent - heureusement ! - mais de leur expertise. Je leur dis que nous avons besoin de comprendre ce qui a marché et ce qui n’a pas marché ailleurs pour pouvoir faire des choix éclairés et ensuite adapter ces politiques à nos réalités.

Est-ce le rôle d’un secrétaire financier d’énoncer des Human Resource guidelines pour la fonction publique ?

C’est au ministère du Service civil d’émettre les guidelines. Mais il faut travailler de façon collégiale car nous avons tous l’obligation de nous assurer que l’argent du contribuable soit utilisé à bon escient et qu’il y ait des résultats. Notre intérêt au ministère des Finances est de faire le lien entre le Programme Based Budget et le côté HR qui tombe sous la responsabilité du ministère du Service civil. Et non, ce n’est pas notre rôle de dire aux ministères ce qu’il doivent faire. Au risque de me répéter, le ministère des Finances n’a jamais donné des instructions à ce niveau.

Tout ce que nous voulions, c’était entamer un dialogue. Les discussions étaient co-présidées par le ministère de la Fonction publique.

Ce n’était toutefois pas votre rôle !

C’est vrai qu’idéalement, le ministère de la Fonction publique aurait pu prendre les devants. Avec le recul, ç’aurait été peut-être la meilleure chose à faire.

On vous accuse de ne pas connaître les «réalités mauriciennes». Qu’est-ce que vous ne comprenez pas exactement ?

J’aurai justement aimé comprendre de quelles réalités l’on parle! Quelles sont ces réalités mauriciennes dont on parle ? Que les Mauriciens n’aiment pas le changement? Je n’y crois pas un mot.

Quand vous prenez la décision de venir travailler ici en 2006, vous attendiez-vous à autantde difficultés, d’opposition et de dénigrement ?

En fait, j’ai eu une experience très positive avec mes collègues au ministère des Finances et dans les autres ministères. Contrairement à la perception, i’ai été agréablement surpris par le nombre de personnes travailleuses et dédiées que j’ai rencontrées dans la fonction publique.

Ayant dit cela, il y a toujours de la résistance au changement et j’ai eu à faire face à ce sentiment partout où j’ai travaillé.

Nous sommes pourtant arrivés à un point où ceux qui s’opposent le plus à vous et à vos idées, sont devenus plus bruyants. A tel point que le Premier ministre a pris parti pour eux.

Je suis très heureux que certains journalistes sérieux ont fait la différence entre la réalité et ce qui a été fabriqué ! Que les gens m’attaquent sur des choses que j’ai faites, je peux le comprendre mais qu’on ne vienne pas inventer des choses.

N’est-ce pas décourageant que le PM demande d’abandonner les HR guidelines ?

Vous savez, ma philosophie c’est que chacun doit faire son travail.

Vous ne pouvez pas faire l’impasse sur le fait que le bureau du Premier ministre ne vous a pas soutenu !

(Sourire…) Il y a eu de très bons articles dans la presse qui explique la portée des choses. Et je ne crois pas que ce soit nécessaire que j’en dise plus !

Avez-vous des problèmes relationnels avec les autres ?

Je crois que nous avons tous des forces et des faiblesses. L’une de mes faiblesses est mon impatience quand il s’agit de faire bouger les choses. Je crois qu’il faudrait que je sois plus patient dans ma façon d’approcher mes collègues.

Effectivement, cela peut parfois aider à éviter les mises en demeure !

La grande question est pourquoi quelque chose qui s’est déroulé en septembre dernier devient du domaine public maintenant. Il faut aussi savoir que le State Law Office a demandé à la personne en question de s’expliquer sur les accusations qu’elle a faites et qui restent du domaine général. Or, il n’y a toujours rien eu.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Alors qu’il prononçait un discours d’adieu en mon honneur, mon ancien patron à la Banque mondiale a remarqué que j’aimais les défis. Je suis ici principalement car on m’a fait une requête : celle de donner un coup de main à un projet dans lequel je crois. Si je peux continuer en ce sens, je le ferai.

L’objectif, je le rappelle, c’est d’amener une croissance économique pour éventuellement amener la justice sociale.

Est-ce à dire que cet objectif n’a pas été atteint…

Il y a un travail de longue haleine à faire mais les bases ont déjà été jetées.

Vous m’avouerez que cela est discutable !

Je crois qu’il faut attendre l’impact des réformes. Nous allons voir que les choses se sont améliorées mais pas assez. Ce qui importe c’est que dans ce travail de longue haleine, il y a une concentration de politiques visant à résoudre le problème.

Mais il faut attendre une generation pour voir la différence.

L’écart entre les riches et les pauvres se creuse partout à travers le monde car nous devenons un knowledge society. Ceux qui n’ont pas d’éducation sont désavantagés.

C’est la raison pour laquelle, au ministère des Finances, nous disons que quand nous donnons plus d’argent au ministère de l’Education, il faudrait qu’ils se donnent des objectifs. Améliorer le niveau de pass rate dans les écoles ZEP constitue un exemple !

 

Publicité