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Amédée Darga: « C’est normal que le ministre Duval souhaite me remplacer »

3 juillet 2010, 07:50

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? Vous attendiez-vous à être remplacé à la tête de la «National Empowerment Foundation» (NEF) ?

Je pense que dans tout changement de gouvernement, il faut s’attendre à de possibles changements au niveau des nominés politiques, et je m’y étais préparé. Donc si le nouveau ministre souhaite remplacer le président, c’est tout à fait normal qu’il le fasse.

? Excepté que ce n’est pas, à strictement parler, un nouveau gouvernement…

Sur le plan institutionnel, oui. Le Premier ministre peut être le même, mais c’est un nouveau gouvernement avec, certes, une recomposition des partis en place.

Mais, il y a de nouveaux ministres et c’est normal que l’on s’attende à un possible changement de garde.

? Dans votre cas, est-ce que cela a plus à voir avec cette perception de proximité avec Rama Sithanen ?

Je ne sais pas. Il faudrait poser la question au ministre concerné.

? On ne vous l’a pas fait sentir ?

Non, pas du tout. Le ministre de l’Intégration sociale m’a expliqué qu’il souhaitait simplement travailler avec son équipe. Et que cela n’avait rien à voir avec ce qui a été fait au niveau de la NEF et les résultats apportés par le conseil d’administration, qui était sous ma présidence. Le ministre a clairement exprimé son appréciation du travail et des résultats de la NEF.

? Pourtant, votre expertise dans le domaine de l’«empowerment » et de l’exclusion est tellement reconnue par l’actuel gouvernement que vous aviez même été désigné comme le porte-parole de l’Alliance de l’avenir, à l’époque de la campagne électorale. Vous participiez même à des émissions de radio à la place des candidats ! Et là, on crée un ministère pour faire le travail que faisait la NEF et l’on met une nouvelle équipe, pour qui
toute la question de pauvreté et d’exclusion est nouvelle…

Il faut leur donner le temps de démontrer ce qu’ils sont capables de faire. L’essentiel du conseil d’administration de la NEF a été maintenu le ministre m’a demandé expressément d’y rester. Il y a un nouveau président et je pense que ce n’est pas une question de personne, mais une question de la politique que la NEF compte suivre et la manière de gérer cela.

Le ministre souhaite garder la perspective que la NEF a eue ces cinq dernières années, mais amplifier les résultats.

Deuxièmement, la NEF a opéré très efficacement sans ingérence politique dans sa gestion au jour le jour et dans ses recrutements.

Nous avons mené, comme le désirait le gouvernement 2005- 10, une politique qui refusait des handouts et qui apportait une approche intégrée pour faire sortir durablement des familles de la pauvreté. Dans la mesure où ces principes demeurent, je n’y vois aucun problème.

? Il semblerait qu’il aurait eu ingérence depuis la prise de fonction du nouveau gouvernement…

Il n’y a eu aucune tentative d’ingérence à ce jour. Un ministre peut bien exprimer son opinion sur un projet et quand cela arrive, la NEF explique sa démarche. Mais, c’est le conseil d’administration de la NEF qui reste souverain dans la détermination des programmes et des projets énoncés par la politique du gouvernement.

? La structure de la NEF va-t-elle changer avec un nouveau ministère ?

La NEF a toujours opéré sous la tutelle d’un ministère. Hier, c’était le ministère des Finances aujourd’hui, c’est le ministère de l’Intégration sociale. Le ministère détermine les politiques et la NEF est le bras agissant.

? Mais, la NEF faisait déjà ce travail... Avait-on vraiment besoin d’un ministère de l’Intégration sociale ?

Je dirai oui. Pour deux raisons.

La NEF elle-même a été créée du fait qu’il fallait une certaine synergie en ce qui concerne la pauvreté, vu qu’un certain nombre de ministères sont concernés, plus ou moins, par cette question. Donc, il fallait une institution très focalisée sur la pauvreté. C’est dans cette perspective que la NEF a été créée.

Aujourd’hui, il faut avoir un ministère qui défi nit, de façon encore plus claire, toute la politique et l’approche par rapport à la pauvreté. La question de l’intégration sociale dépasse cette question. Le ministère de l’Intégration sociale est concerné par la pauvreté mais aussi par l’égalité des chances qui, aujourd’hui, a un cadre légal, même s’il doit encore se concrétiser. Il faut pouvoir donner les moyens de rendre réelle l’égalité des chances vis-à-vis des opportunités.

? Et la volonté politique à cette fin est réelle ?

L’expression de cette volonté politique est la création de ce ministère. Donnons le temps au ministre pour qu’il dise ce qu’il veut faire.

? Quelles devraient être ses priorités ? Je vous le demande au vu de votre expérience.

Les priorités n’ont pas changé.

La plus grande priorité a été définie et elle est mesurable : celle de faire sortir ces 7 000 familles de la pauvreté. Et en deuxième lieu, tous les autres groupes que l’on peut appeler vulnérables – les handicapés, les artisans dont les métiers sont en disparition, les éleveurs de porc, etc. L’autre priorité, selon moi, reste l’égalité des chances.

? Et l’éducation ?

L’approche intégrée vis-à-vis de la sortie de la pauvreté ne peut se faire sans une approche de la question de l’éducation par rapport aux familles qui se trouvent dans cette situation de pauvreté.

Ce n’est pas l’éducation, en général, mais l’éducation par rapport à ces familles.

? Quelle est la différence ?

Ce n’est pas la question du système d’éducation, mais d’abord la nécessité d’amener les familles à s’approprier l’outil de l’éducation – à devenir conscientes de l’importance de l’éducation et se l’approprier.

? Le système éducatif, tel qu’il a évolué, est-il capable d’intégrer ces enfants ?

Je ne pense pas qu’un enfant d’une famille pauvre est plus bête qu’un enfant d’une autre famille.

On a des milliers d’exemples à Maurice pour le prouver. La différence se situe au niveau de l’environnement dans lequel vit cet enfant, notamment un certain nombre de conditions qui peuvent s’avérer un handicap.

L’enfant qui vient d’une fa mille pauvre peut s’approprier cet outil et réussir. Mais, il faut lui donner un support plus important qu’à d’autres.

? Vous perdez la présidence de la NEF mais gardez la présidence d’«Enterprise Mauritius» ?

Oui.

? Aucune indication de changement de garde puisqu’il y a un «nouveau gouvernement » ?

Je ne sais pas. Le ministre de tutelle m’a demandé de continuer le travail dans la même direction.

? Et les relations entre vous et votre «Chief Executive» sont toujours au beau fixe ?

Je me focalise non pas sur les personnes, mais à m’assurer que l’institution délivre ce que le conseil d’administration lui demande de délivrer. Et nous arrivons à le faire.

Propos recueillis par Deepa BHOOKHUN

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