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Arnaud Lagesse : « La roupie forte entraînera un chômage croissant »

29 mars 2010, 07:04

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Le Chief Executive Officer du Groupe Mon Loisir revient sur les différentes activités de l’entreprise et livre ses impressions sur la politique monétaire locale.
 

Où commence et où se termine le Groupe Mon Loisir (GML) ?

Le groupe brasse un certain nombre d’activités qui vont historiquement du sucre (FueL et Deep River Beau Champ (DRBC) en particulier), avec une filière cannière comprenant une partie agricole, une partie usinière, une partie énergie.

De plus, il possède une activité de raffinage sans oublier le foncier attaché à FueL et DRBC.

Nous avons un cluster industriel avec des compagnies telles la Mauritius Stationery Manufacturers (MSM), la Phoenix Beverages (PBL), qui offre des produits phares comme la Phoenix Beer, Coca Cola et l’eau de table Crystal, et UBP avec la partie «building materials». et, un Cluster Services avec l’hôtellerie notamment Naïade et Sun, et des services financiers avec la banque AfrAsia, City Brokers, Axys (leasing, stockbroking asset management), et l’offshore avec Abax.

Nous avons deux conglomérats avec IBL (plus de Rs 13 milliards de chiffre d’affaires) et Robert Le Maire, qui est d’une taille  plus modeste.

Le tout compte environ 160 compagnies dont une dizaine cotées sur le SeM ou le DeM et le reste étant des filiales et subsidiaires de ces entités. Nous opérons également au niveau régional notamment à La Réunion, à Madagascar, aux Maldives, en Inde et au Bangladesh.

Avec le prochain exercice de consolidation sur une année, nous aurons un total d’environ Rs 45 milliards pour un chiffre d’affaires de l’ordre de Rs 23 milliards et une profitabilité, toutes choses étant égales de +/- 5 à 6 % du chiffre d’affaires.

Combien allez-vous injecter dans le cadre du sauvetage de MSM ?

Mauritus Stationery Manufacturers (MSM) a connu deux années difficiles. A commencer par la reprise de sa compagnie associée, Book  Printing Services (BPS). Au moment de ladite transaction, BPS avait un niveau d’endettement assez élevé.

L’activité de la compagnie étant la vente de manuels scolaires sur l’Afrique, avec le Kenya comme principal acheteur. Mais ce marché s’est asséché et MSM a connu une baisse d’activités du côté de BPS. ensuite, elle s’est retrouvée face à la hausse du prix du papier, sa principale matière première.

MSM n’a pu répercuter cette hausse, en totalité, sur ses clients. entre temps, est arrivée la crise.

Nous avons déposé notre dossier auprès du comité gérant le Stimulus Package.

L’accompagnement se définit comme un tango à trois, entre l’etat, les banques (la Mauritius Commercial Bank, et la Barclays) et les actionnaires.

Sous le Stimulus Package, MSM reçoit Rs 45 millions. Les banques restructurent la dette. La MCB y injectera Rs 42 millions et les actionnaires, eux, sont appelés à apporter Rs 160 millions. La cote-part de la Compagnie d’investissement et de développement limitée (CIDL), l’actionnaire majoritaire, monte à Rs 88 millions.

Mais dans un souci de montrer notre engagement au niveau du holding, envers MSM et ses 750 employés, nous avons accepté de garantir Rs 130 millions sur les Rs 160 millions d’augmentation de capital. De fait, la CIDL pourrait avoir à mettre la différence (Rs 42 millions) en lieu et place ceux qui ne souscrivent pas portant ainsi son pourcentage holding au-delà des 55 % actuellement détenus.

Vous êtes le président du «board» du groupe «Naïade Resorts ». Est-ce que la compagnie est en voie de réorganisation ?

Je serai très prudent sur ce sujet car Naïade est cotée à la Bourse et à ce stade je ne peux pas m’exprimer.

Je ne suis pas appelé à vous divulguer des informations avant que le board ne prenne connaissance d’une réorganisation en cours. Une réorganisation qui sera parallèlement validée par la Stock Exchange of Mauritius avant communication aux stakeholders.

Mais je confirme que les manoeuvres ont été enclenchés pour une réorganisation en profondeur.

Comment se portent les activités à La Réunion ?

Le groupe Naïade Resorts y gère deux établissements notamment Le Récif, un 3-étoiles et Le Grand Hôtel du Lagon un 4-étoiles qui vient d’être rénové. Celui-ci a du succès sur les marchés réunionnais et français.

Comme partout dans le monde, les activités de l’hôtellerie souffrent d’une certaine baisse de prix et du ralentissement économique.

Ainsi, nous pensons qu’au niveau de La Réunion les affaires iront de mieux en mieux, avec une sortie de crise d’ici la fin de l’année.

Ces hôtels sont les dernières acquisitions du groupe. Croyez vous avoir conclu, là, de bonnes affaires ?

Naïade Resorts a racheté un groupe de trois hôtels pour un montant vraiment minime.

Il en a vendu un pour deux tiers du prix d’achat global.

Nous nous retrouvons avec Le Récif et Le Grand Hôtel du Lagon, qui ont une valeur intrinsèque importante.

Je suis tout à fait serein sur ce deal, même si au niveau opérationnel le marché français/ réunionnais reste difficile avec des marges moins importantes que nous obtenons à Maurice et aux Maldives.

N’est-ce pas là un paradoxe que GML préside «Naïade Resorts» et se fait représenter sur le «Board» de son concurrent «Sun Resorts» ?

Pas du tout. Nous détenons que 10 % dans Sun Resorts. Nous considérons cela comme étant un investissement historique, remontant à la création même de ce groupe. Nous detenons 30 % de Naïade Resorts et nous en avons une influence plus importante.

Mais vous savez, le groupe Rogers est actionnaire minoritaire de New Mauritius Hotels mais il détient la majeure partie des parts dans Veranda Resorts.

Même cas de figure pour le groupe Ciel avec ses 25 % dans Sun Resorts, mais également présent dans le Four Seasons d’Anahita et Constance Hotels.

Faut-il s’attendre à ce que GML se désengage de certaines activités dans un proche avenir ?

Aujourd’hui, nous avons stabilisé le groupe autour d’une poignée de clusters. A priori, nous n’avons pas de désengagement prévu. Le dernier en date, annoncé depuis début 2009, était dans le textile. Nous sommes sortis complètement de Ciel

Textile il y a une dizaine de jours, achevant ainsi, la réorganisation que j’ai voulue.

Maintenant, nous avons des intérêts direct dans les opérations, à l’instar d’IBL qui étaient détenus indirectement via Ciel Investment. Toutes les stratégies clairement énoncées ont été mises en pratique.

Nous devons nous assurer qu’elles fonctionnent. effectivement, nous nous retrouvons avec deux défis, MSM, que nous accompagnons, et Naïade qui est en voie de réorganisation.

Heureusement, les autres compagnies du groupe, à l’instar de United Basalt Products, Phoenix Beverages, IBL Robert Le Maire, la banque AfrAsia et Abax marchent très bien.

GML est le premier actionnaire d’IBL. Quels sont les projets qui seront bientôt mis en chantier ?

IBL est un groupe complexe, étant lui-même un conglomérat avec des activités dans les services financiers, le seafood hub, le retail, la logistique et l’ingénierie.

Aucun chantier majeur n’est prévu chez IBL, car le nouvel actionnaire que nous sommes, est en train de prendre la mesure des opportunités qu’offre ce groupe et des synergies qui peuvent être dégagées avec le Groupe Mon Loisir. Nous devrons également nous assurer d’avoir de bonnes compétences à tous les niveaux afin qu’IBL croît en termes de earnings per share et net asset per share.

Il y a quand même un défi à relever car IBL a un endettement élevé, qui, pour l’instant, n’est pas un problème par ce que ses activités marchent bien. Je pense qu’il est du ressort de CIDL de s’assurer que cet endettement soit géré afin qu’il n’y ait pas de dérapages en cas de ralentissement.

Le segment de l’alimentation et de la grande distribution est quand même sous pression de la concurrence.

Vos commentaires. Winner’s, comme l’indique son nom, est un succès. en 2010, nous ouvrons une 18e branche. Son chiffre d’affaires se situe aux alentours de Rs 3,5 milliards, avec une profitabilité qui reste basse car le marché est très concurrentiel, mais positive. Mais nous avons aujourd’hui développé un goodwill auprès de la population mauricienne qui reste incomparable. Nous avons développé la chaîne de supermarchés dans les régions rurales, proche de la population.

Les nouvelles enseignes qui débarquent ne vous interpellent- elles pas ?

Le marché de la consommation n’est pas extensible à Maurice. Aujourd’hui, nous assistons à une mouvance au sein des consommateurs, qui abandonnent le réflexe de faire des courses dans la petite boutique du coin. Ils préfèrent une destination de shopping qui inclut un food court, un supermarché et diverses autres facilités que peuvent offrir les futurs grands complexes commerciaux.

Mais ils sont situés dans des régions urbaines principalement.et dans ces endroits, nous n’avons pas de Winner’s.

Les activités de«Phoenix Beverages» à Madagascar tardent à démarrer. Quand estimez- vous que la situation se décantera ?

Par souci de développement régional, nous avons estimé que c’était opportun d’ouvrir une brasserie à Madagascar et concurrencer l’unique brasserie présente. Ce projet a pris du temps. De nombreuses études ont été effectuées avant sa réalisation. Je dirai que nous avons monté une superbe brasserie de 150 000 hectolitres employant pas moins de 150 personnes.

Avec le début de la crise politique malgache, au moment où nous devions démarrer nos opérations, il nous manquait la dernière accréditation des autorités.

Mais pour des raisons que nous savons à notre niveau, la haute autorité de transition retient un dernier permis.

De ce fait, nos opérations mauriciennes sont touchées car nous devons soutenir un compte courant de la brasserie malgache. Valeur du jour, le personnel n’a pas été renvoyé. Nous y employons toujours un certain nombre de cadres. Nous nous battons sur une base quotidienne pour obtenir ce permis.

C’est une expérience très douloureuse pour Phoenix Beverages. Nous avons appris de la manière dont les choses se font à Madagascar, avec un degré de gouvernance proche de zéro.

La coupe 2009 a été quelque peu décevante. Quelle est votre analyse pour 2010 ?

Si les dieux sont avec nous, peu importe lesquels, et que nous avons un temps clément, nous aurons une bonne campagne sucrière.

Mais l’industrie est touchée par deux facteurs: la baisse systématique de la superficie sous canne, soit 9 000 hectares en six ans, et une roupie très et trop forte. Avec le présent taux de change de la roupie à l’euro, la communauté des producteurs sucriers (petits planteurs, usiniers- planteurs et métayers) enregistrent un manque à gagner de Rs 2 000 par tonne de sucre. Le secteur ne gagne pas d’argent, malgré tout ce que les syndicats peuvent dire. La situation est catastrophique à mon sens et ce après tant de sacrifices à la suite de la restructuration de la filière cannière.

La politique monétaire est-elle inadaptée ?

La politique monétaire qu’adopte le gouvernement est audacieuse. Autant le contrôle de l’inflation demeure une priorité, autant cette roupie «forte» a une incidence très négative sur l’industrie sucrière et ses milliers de petits planteurs, l’hôtellerie, les services financiers, le textile et le Business Process Outsourcing.

S’il n’y a pas de redressement et d’ajustement de la parité roupie/euro principalement et une baisse du taux directeur, nous allons au devant d’une crise majeure avec un taux de chômage qui sera croissant.

GML s’est séparé du groupe CIEL mais en garde quand même des partenariats. Quels sont ces secteurs où vous faites cause commune ?

Nous gardons un partenariat fort dans l’immobilier, le sucre et le tourisme. Il s’inscrit dans la durée.

 

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