Publicité

Ashok Subron, syndicaliste

22 décembre 2012, 03:32

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Mardi, la police a embarqué 20 syndicalistes qui manifestaient illégalement devant le bâtiment du Trésor. L’un d’eux, Ashok Subron, de la «General Workers Federation» (GWF), explique le pourquoi de leur décision de défi er les autorités, mais surtout ce qu’ils reprochent au ministre Shakeel Mohamed.

L’on dit que mardi, devant le Parlement, vous aviez en fait courtisé une arrestation est- ce vrai ?

Non. Manifester devant le Parlement ne devenait une option que si Shakeel Mohamed refusait de nous donner la garantie que le Parlement n’allait pas voter les amendements aux lois du travail. C’est tout ce que nous demandions : une confi rmation offi cielle.

Mais il vous l’a bien confirmé !

Trop tard ! Nous étions déjà arrêtés et dans le véhicule de la police quand nous avons appris qu’il avait fi nalement reculé.

Le matin, Shakeel Mohamed convoque la presse pour dire qu’il maintenait les deux projets de loi, mais que ce n’était que dans le courant de la journée qu’il allait prendre une décision concernant le vote.

A 13 h 30, n’entendant toujours rien de lui, nous décidons donc d’aller devant le bâtiment du Trésor pour attendre les nouvelles.

Ce n’était ni un sit- in ni une manifestation.

Mais enfin ! Au moment où vous étiez assis devant le bâtiment du Trésor, Shakeel Mohamed rencontrait des syndicalistes pour discuter.

Mais il refuse quand même de confirmer officiellement sa position ! Shakeel Mohamed a démontré, dans un passé très récent, qu’on ne pouvait pas lui faire confiance. Donc, pour nous, une confi rmation officielle était impérative. Car pendant que nous étions devant le bâtiment du Trésor, le ministre Arvin Boolell m’appelle et confirme qu’il ne comprend pas pourquoi Shakeel Mohamed tarde à annoncer la décision que le gouvernement n’ira pas de l’avant avec le vote du projet de loi.

Et, quand un « Senior Minister » en la personne d’Arvin Boolell vous donne la garantie que le gouvernement n’ira pas de l’avant avec le vote, ce n’est quand même pas assez pour vous satisfaire ?

Oui, mais Arvin Boolell ne me donne pas l’autorisation de le citer ! Je lui demande s’il peut officialiser ce qu’il me dit, et il dit non, puisque seul Mohamed était mandaté à le faire. C’est la preuve que Shakeel Mohamed pe fer sinema depi gramatin !

On vous accuse de faire bande à part même quand il y a unanimité au niveau des principaux groupes syndicaux on l’a vu cette fois encore avec la Confédération des travailleurs du secteur privé ( CTSP) de Reeaz Chuttoo et Jane Ragoo ! Pourquoi ?

Dans ce combat, le CTSP est notre allié.

C’est pour cela que nous les avons invités à venir à une réunion pour organiser notre résistance à la loi. Le principe avait déjà été accepté, quand je reçois un mail qui m’informe que Jane Ragoo nous convoquait à une deuxième réunion 30 minutes avant la nôtre ! Ensuite, ils ont demandé à ce que l’on change le lieu où nous allions tenir notre réunion car ils ne voulaient pas que ce soit dans les locaux de la GWF ! Nous nous sommes dit qu’il y avait urgence car il fallait stopper le vote de ces lois et qu’on n’avait pas le temps ni l’inclination d’encourager ce genre d’enfantillages.

Vous savez, pour nous, le plus important n’est pas l’unité de façade c’était la victoire des travailleurs et notre but était d’assurer que cette loi ne soit pas votée ce jour- là. Nous l’avons fait et nous avons gagné !

Venons- en maintenant à ce que vous reprochez à ces amendements ?

Shakeel Mohamed a pris un scalpel et a essayé d’enlever toutes les provisions qui permettent le recours effectif des travailleurs au droit de grève dans le cadre d’une négociation collective.

Comment ?

Il change la défi nition d’un litige industriel ( labour dispute ). Le droit de grève est totalement associé au litige industriel.

Actuellement, la définition est que toute chose qui a à voir avec les conditions d’emploi, y compris la réintégration, constitue un litige industriel. La législation actuelle dit aussi que quand on déclare litige, on n’a pas le droit durant les six mois suivants de déclarer un deuxième litige. La loi dit aussi que pendant les 24 mois suivant l’accord ou pendant la durée de l’accord, les deux parties qui ont signé l’accord n’ont pas le droit de déclarer un nouveau litige sur les questions qui ont été résolues.

C’est logique, non ?

Pas selon la Mauritius Employers’ Federation et la Mauritius Sugar Producers’ Association . Ils objectent à ce principe depuis 2010.

Ils disent que si l’on signe un accord sur dix points, pour eux, cela veut dire que l’on a signé un accord sur la totalité des conditions de travail ! Shakeel Mohamed partage totalement leur avis et il a intégré cette disposition dans la loi !

Quid du droit de grève ?

La grève est une suspension de la force du travail car les travailleurs demandent la renégociation de la valeur de la force de travail. Cela ne peut pas constituer une rupture, donc il ne peut y avoir de licenciements au cours de cette négociation, c’est ce que le Bureau international du travail dit.

Il y a actuellement une disposition fondamentale dans la loi si un travailleur participe à une grève illégale pour la première fois, il est protégé et il n’y aura pas licenciement. Shakeel Mohamed enlève cela de la loi. Si cette provision n’existait pas à l’époque du confl it avec les sucriers, le droit acquis des travailleurs de l’industrie sucrière aurait déjà été enlevé en 2010. Et, la négociation sectorielle aurait été imposée.

Qu’en est- il de cette supposée demande de permission à l’ « Employment Relations Tribunal » ( ERT) avant d’entamer une grève ? Car Mohamed dit qu’il n’est pas question de demander une autorisation à qui que ce soit !

Mohamed veut que la grève soit sujette à une application au ERT. L’amendement dit qu’il faut apply . Une application est une demande. De quoi parle- t- il alors ?

Mais demander quoi ? La permission de faire la grève ?

Je ne sais pas, mais cette clause introduit un élément d’incertitude dans l’option de grève. Connaissant la facilité avec laquelle l’ERT a donné un ordre ex parte la dernière fois, sans écouter la voix des travailleurs, nous ne pouvons pas accepter que le droit des travailleurs soit sujet à l’ERT.

Vous m’étonnez. Le ministre écrit pourtant dans une lettre à « l’express » que « le droit de grève est un droit fondamental du travailleur et je n’ai rien fait et ne ferai jamais rien pour saper ce droit » .

Il induit les lecteurs de l’express en erreur. Mais, je lui demande, s’il veut prouver sa bonne foi, de retirer tous les amendements ayant trait au droit de grève.

Vous dites aussi que les amendements de Shakeel Mohamed remettraient en question l’accord arrêté avec l’industrie sucrière. Le ministre dit que non qu’en est- il ?

L’accord avec la MSPA arrive à terme en décembre 2013. Mais, les négociations pour le nouvel accord doivent commencer en janvier, c’est l’engagement que les deux parties ont pris. Or, Shakeel Mohamed propose d’amener un amendement pour dire que tant qu’un accord est en vigueur, même si c’est pendant la période de négociations, nous n’avons pas le droit de déclarer de litige industriel si nous ne tombons pas d’accord sur un point.

Mais Shakeel Mohamed dément. Il affirme dans sa lettre que l’accord collectif ne sera pas affecté par les amendements !

Shakeel Mohamed est en train de jouer sur les mots. Nous ne sommes pas en train de dire que c’est le contenu de l’accord qui sera remis en question. Nous disons que le cadre qui fixe les règles du jeu de la négociation de 2013 va changer. Pour moi, cela remet en question la bonne foi du ministre pendant la négociation. Car il sait très bien que la négociation doit commencer en janvier 2013 ! C’était dans l’accord ! Alor si ou pa le mo al asiz divan Parlman pou sa, mo pa kone ki pou fer mwa asiz divan Parlman !

C’est pour cela que vous dites ne pas faire pas confiance à Shakeel Mohamed ?

Mais exactement ! Car pour moi, quand lors du conflit avec la MSPA, Shakeel Mohamed discutait avec nous au 1 er étage, il prenait, en même temps, d’autres engagements avec la MSPA, au 9 e étage, pour lui donner que ce qu’elle n’a pas eu au moment où nous étions en train de négocier l’accord.

Shakeel Mohamed décide donc d’utiliser son autorité pour tenter de berner le peuple et de passer ces amendements en période de fêtes.

Voilà la source de notre colère. Un ministre de la République ne peut pas agir ainsi.
 
 

Publicité