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Bérenger: «Je regrette la politisation de la Fête du Travail»

2 mai 2009, 11:26

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Dans un entretien accordé au supplément Dime d’Amnesty International Section Maurice, paru dans l’express du 30 avril, Paul Bérenger remonte le temps pour retracer les grands moments du syndicalisme à Maurice.

Comment analysez-vous le rapport du salarié à son travail au fil du temps?

C’est un rapport qui a beaucoup évolué et pas nécessairement de manière positive. Depuis un certain temps, je regrette la politisation à outrance de la Fête du Travail à Maurice. Dans le passé, c’était surtout la Fête des travailleurs et des syndicats. A plusieurs reprises ces dernières, j’ai lancé un débat pour rendre cette Fête aux syndicats.

Il n’empêche que les politiques continuent à occuper la scène le 1er, se livrant des bagarres de foule…

C’est, en fait, un couteau à double tranchant. Car le parti qui prendrait le risque de ne pas organiser de rassemblement le 1er mai sera accusé de capitulation. Ce qui nous contraint à continuer ces mobilisations.

Quelles ont été, selon vous, les grandes époques du syndicalisme mauricien?

Il y a deux périodes fortes du syndicalisme mauricien. La première couvre les années 1937-1948. C’est la période du vrai Parti Travailliste (PTr).

Lancé en 1936 par le Dr Maurice Curé et le pundit Sahadeo, le PTr ne donnera une dimension syndicale à son mouvement que l’année suivante avec l’adhésion d’Emmanuel Anquetil au parti. Ce dernier était un véritable artisan syndicaliste. C’est donc en 1937 que le mouvement syndical va véritablement se développer dans le pays. Le Dr Maurice Curé, le pundit Sahadeo et Anquetil vont sillonner le pays pour mobiliser la masse travailleuse sur une base de classe. Dès lors, on aura les grandes grèves qui aboutiront, en 1943, au soulèvement dans les camps sucriers. C’est la période héroïque du PTr.

Qu’est-ce qui va interrompre la dynamique syndicale à cette époque?

Les premières grandes élections générales de 1948, où le nombre de votants passe de quelque 7 000 à 70 000, marque un tournant. La politique entre sur la scène, reléguant le syndicalisme au deuxième plan. La dimension syndicale du PTr commence à s’estomper même si Anquetil demeurera toujours plus syndicaliste que politique. Il faut aussi savoir que, subissant les effets d’une intense répression syndicale en 1948, le PTr est très désorganisé. D’ailleurs nombre de ses candidats à ces élections sont davantage des compagnons de route que des membres du parti. C’est après les élections que les progressistes vont serrer les rangs. Parallèlement, le contenu syndical du PTr s’effrite. A la mort de Rozemont en 1956 et celle de Seeneevassen en 1957, le PTr délaissera ses habits de parti de classe pour davantage prendre en compte des considérations communales dans ses calculs.

Comment va s’organiser le mouvement syndical jusqu’à l’indépendance?

1958 à 1968, c’est une période importante pour le PTr. Ramgoolam va opter pour une alliance avec le Comité d’Action Musulmane (CAM) pour les élections de 1959. A partir de ce moment, la mouvance indépendance et le fait communal vont être imbriqués. D’ailleurs, les élections de 1963 vont être marquées par une forte division communale. La réalité des classes va reculer et c’est le communalisme qui fait son entrée dans la politique. Avec les bagarres communales de 1965 et de 1968, le 1er mai et l’action syndicale vont quasiment disparaître.

Quel est le syndicalisme que pratique le MMM à sa naissance?

Nous allons, en fait, révolutionner le syndicalisme post-indépendance. A cette époque, en 1969-70, les syndicats se comportaient comme des patrons, se signalant même avec une dose de mépris à l’encontre des travailleurs. Nous, nous allons rendre les syndicats aux travailleurs. Et c’est ensembles que travailleurs et MMM vont faire face à l’Industrial Relations Act (IRA), l’interdiction et la répression syndicale, les grèves… Après les élections de 1976, la chose politique reprendra le dessus sur la chose syndicale. Entre 1970 et 1976, nous avions pratiqué un syndicalisme à démocratie directe. Les travailleurs vont prendre le pouvoir dans leurs syndicats.

Pour beaucoup de personnes, le MMM, après 1982, aura trahi sa lutte syndicale…

Trahir, c’est un terme excessif. A la limite, je dirais que nous avons «délaissé» la lutte syndicale. Mais, c’est aussi vrai qu’à travers notre présence au Parlement, nous avons incessamment essayé de ramener la question du droit des travailleurs dans le pouvoir.

Quel regard jetez-vous sur le mouvement syndical contemporain?

La lutte syndicale devient difficile à cause de la mondialisation et de la division au sein du mouvement syndical.

Diriez-vous qu’on assiste actuellement à une renaissance du mouvement?

Dans une certaine mesure oui. Car, il y a une unité en gestation. De mon point de vue, c’est surtout la conjoncture qui pousse vers cette unité.

 

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