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Bruno Carta (Physico-chimiste) : «La conscience environnementale fait son chemin à Maurice»

17 avril 2011, 07:34

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Après huit ans dans l’enseignement, Bruno Carta est devenu consultant en sciences de l’environnement. Il planche sur un projet d’usine de traitement de solvants organiques usés.


Le projet d’incinérateur de La Chaumière a provoqué des débats très vifs. Que préconisez-vous ?

Évidemment, il y a des arguments pour et des arguments contre ce projet. Il en existe trois dans la région parisienne dont une sous la Seine et il n’y a pas plus de cancers qu’ailleurs ! Cependant, les technologies choisies doivent être high tech et les déchets ultimes doivent avoir des filières de traitement ou de conditionnement.

Étant donné le contexte insulaire et la grande quantité de déchets verts disponibles, je préconise plutôt une valorisation des déchets par compostage et bio méthanisation. D’autre part, il est indispensable de mettre en place des filières de recyclage et de régénération communes dans la région regroupant les déchets des îles de l’océan indien. Ainsi, les quantités critiques seront atteintes pour que les installations soient viables économiquement.

Où en êtes-vous avec votre projet de mise en place d''''une usine de traitement de solvants organiques usés?

L’étude de faisabilité complète est prête depuis plusieurs mois. La quantité de solvants usés disponibles à Maurice est toutefois limitée et les industriels estiment le risque trop important. L’idée est de regrouper les solvants usés de Maurice et ceux de La Réunion qui sont actuellement traités en France hexagonale. Dans ce cas, le projet serait plus que rentable. Les négociations vont dans ce sens.

Y a-t-il eu des études à Maurice pour mesurer les conséquences des liquides déversés dans la nature sur les nappes phréatiques ?

Aucune étude à ma connaissance. Il est évident que l’impact du déversement des solvants est néfaste pour les écosystèmes terrestres et marins. Un pôle de surveillance de l’Environnement confié à un organisme indépendant devrait faire l’objet d’une attention particulière afin de prévenir les risques sanitaires. Les rapports doivent être rendus publics car la population doit être informée des dangers qu’elle encoure. Ce pôle de surveillance concerne aussi les autres types de pollutions aqueuses, la pollution de l’air, la pollution sonore, entre autres.

En tant que physico-chimiste, avez-vous pu faire comprendre comment les sciences peuvent permettre de prévenir, rectifier ou appréhender les bouleversements à venir ?

J’essaie de transmettre mes convictions à travers des conférences ou des articles de presse. Le public semble enthousiaste. Je crois que la conscience environnementale fait son chemin chez les industriels et les particuliers : on aimerait que cela aille plus vite ! Nous sommes en retard concernant bien des domaines tels que les énergies renouvelables. Espérons que le rachat de l’électricité issue de sources naturelles comme le soleil, la force de l’eau ou le vent se concrétise enfin avec rigueur sur le plan technique en utilisant des technologies nouvelles de seconde génération et non pas des matériaux désuets dont plus personne ne veut aujourd’hui.

Avant d’investir dans une production d’énergie renouvelable, n’oublions pas de faire des économies d’énergie en premier lieu.

Un stade de foot au Havre, en France, qui collecte les eaux de pluie, des artistes qui puisent leurs matériaux des poubelles. Se dirige-t-on enfin vers une prise en compte des enjeux environnementaux ?

Lorsqu’on regarde globalement, les habitudes changent petit à petit face à des problématiques comme la gestion des ressources hydriques, la valorisation de la matière ou l’exploitation de sources d’énergie propre. Seulement, nous pouvons vite nous rendre compte des limites du tout pour la protection de l’Environnement, car les lobbies économiques sont toujours omniprésents à travers ce fameux «temps de retour de l’investissement initial» malgré la leçon de la crise économique et sociale.

Je viens justement de proposer un projet de récupération d’eau de pluie pour un stade communal à La Réunion et le toit du gymnase sera équipé de panneaux photovoltaïques. A Maurice, nous sommes encore très loin de ces considérations.

A Maurice, il y a aussi beaucoup de discours en faveur de l’environnement. Ne pensez-vous pas que le temps n’est justement plus aux discours ?

Tout à fait. Les actions sont encore bien rares, aussi bien sur le plan national avec des projets d’envergure que sur le plan individuel. Par exemple, peu de propriétaires fabriquent eux-mêmes leur compost pour l’utiliser en tant qu’engrais naturel alors que la technique est très simple.

Il faudra beaucoup de temps et tout un travail de sensibilisation pour faire passer des idées simples. Il faut que les autorités donnent des lignes directrices sur un plan triennal ou quinquennal avec des objectifs mesurables pour que nous avancions tous dans le même sens et ne plus attendre une carotte qui fait avancer l’âne qui reçoit des coups médiatiques. Plus qu’un projet, aujourd’hui, le programme Maurice Ile Durable devient une nécessité si Maurice veut rester une destination touristique prisée. Lorsque des touristes vous disent que l’île est magnifique mais très sale, que répondre ?

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