Publicité
Bruno Raya: «Un peuple sans culture, c’est comme un arbre sans racine»
Par
Partager cet article
Bruno Raya: «Un peuple sans culture, c’est comme un arbre sans racine»

Le leader de Otentikk Street Brothers revient sur le parcours de son groupe qui célèbre ses 17 ans ces jours-ci.
 
Bruno Raya, considérez-vous avoir atteint vos objectifs en ces 17 ans ?
Non. Pas du tout. Je considérerai que j’ai atteint mes objectifs quand je serai dans ma tombe. Il nous reste encore beaucoup de travail à faire et c’est pourquoi le thème de notre concert cette année est «Insisté Persisté pou ki nu Existé».
Nous n’oublions pas nos fans parce que, sans eux, nous n’aurions pas avancé durant ces années. Je dois dire que sans nous aussi, ils n’auraient pas appris la dure réalité des problèmes dans notre île. OSB n’est pas qu’un groupe musical, mais aussi un groupe social qui partage et fait connaître tous les maux de notre société. Nous formulons des critiques constructives à l’encontre des injustices que nous voyons autour de nous. C’est ce que nous faisons depuis que le groupe a été lancé, le 26 août 1992.
Justement, vos morceaux ont parfois choqué certaines personnes. On disait même que vous alliez avoir des ennuis avec les autorités…
C’est vrai. A l’époque, il y avait une seule radio, il y a encore une seule télévision (il précise en grimaçant), il y avait beaucoup de censures sur nos morceaux. Les textes que nous écrivions étaient toujours avancés et explicites. On nous censurait parce qu’on pensait que nous disions trop et que nous exagérions. Mais c’était en fait un message de vérité que nous faisions passer et qui choquait. Aujourd’hui, tout le monde confirme nos dires. Je pense aussi qu’OSB continue de vivre dans le cœur des gens car tout ce que nous avons dit dans nos chansons s’est avéré vrai.
Je me rappelle, nous avions un morceau qui s’appelait Virus, dans laquelle nous parlions des problèmes dans les banlieues de façon très franche. La radio nationale nous avait censurés. Mais aujourd’hui, ce morceau passe sur toutes les ondes car on a compris que le problème existe bel et bien et s’aggrave de plus en plus.
Quel est essentiellement votre combat?
Notre combat, c’est de faire passer notre message par la musique. Nous combattons la négativité, les fléaux qui font du mal à notre société. Nous combattons surtout pour faire respecter la créolité de tout un chacun dans la société. Encourager les gens à respecter toutes les religions et cohabiter dans l’harmonie ensemble. Nous voulons promouvoir l’unité mauricienne dans un système où certains politiciens adoptent le dicton: «diviser pour mieux régner.» Nous rassemblons pour mieux faire prospérer une île Maurice moderne.
Votre musique a surtout attiré beaucoup de jeunes. Quels sont vos projets pour l’avenir, surtout en rapport aux jeunes?
Nous étions le premier groupe à commencer un certain style de musique (Ragga créole) dans l’océan Indien à notre époque. Je constate avec plaisir qu’il y a beaucoup de jeunes qui se sont inspirés de ce style pour faire leur propre morceau et, grâce à ces jeunes, la musique évolue beaucoup ici. Nos projets visent à essayer de trouver d’autres idées pour mieux promouvoir ce que nous faisons.
De nos jours, il y a un nouveau combat des artistes mauriciens. Tous militent pour qu’on les reconnaisse. Ils ont d’ailleurs voté des résolutions lors de la Journée des artistes. Mais, en même temps, nous voyons que rien n’a été fait pour respecter leur demande. Qu’en pensez-vous?
C’est dommage que jusqu’à ce jour, notre pays ne fait toujours pas confiance à ses artistes. On ne croit pas en notre culture, mais plutôt en celles des autres. On croit que la culture des autres à plus de richesses. Mais c’est totalement faux. Et la personne qui est à la tête du ministère de la Culture à Maurice, cette personne n’a aucune notion de ce que la culture veut dire. Je ne crois pas qu’il comprend la culture mauricienne. A part lire les discours déjà rédigés par ses subordonnés, je ne vois pas ce qu’il fait. Il y a des choses qui viennent du cœur et il y en a d’autres qui existent seulement sur les pages qu’on lit. Ce sont deux choses différentes. Tant qu’il n’y aura pas des personnes qui aiment vraiment la culture et qui croient en la capacité des artistes mauriciens au ministère de la Culture et au sein de l’Etat, ce sera dur de faire avancer la culture.
Ce qui est également dommage, c’est le fait que le potentiel est là. Nous avons produit de grand noms comme Eric Triton, Linzy Bacbotte, et, du côté du reggae, OSB a joué sur le plus grand podium en Europe, le Summer Jams, en 2007. Cela démontre que nous avons le potentiel. Ce que certains ne réalisent pas, c’est que quand un artiste part à l’étranger pour jouer sa musique, c’est surtout le pays qu’il représente. Par contre, il y a des gens qui tiennent de beaux discours. Mais lorsqu’il faut passer aux actes, il ne se passe rien.
Je dis qu’il faut prendre en compte les artistes avant qu’il ne soit trop tard. Laissez s’exprimer la musique parce qu’un peuple sans culture, c’est comme un arbre sans racine…
Mon message est le même que Kaya, mon frère que j’aime tant et qui est venu avec la même idéologie. Quand Kaya chantait (il chante) «mo pep to racine pé brilé», l’île Maurice vibrait sans comprendre ces mots.
Aujourd’hui, c’est ce qui se passe, nos racines brûlent et il faut sauver le peu qui reste si nous ne voulons pas ressembler au peuple allemand dans les années 40 sous la dictature de Hitler: un peuple meurt sans culture.
Aujourd’hui, nous ne pensons qu’au développement économique sans regarder en arrière (il chante): «Nous pé guet zis divan nou pa pé mazine sa li pa bon pas bon, ki pou arriver divan si par derryer a pé souffer man, la mo pé pose question.»
 
Publicité
Publicité
Les plus récents




