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Charles Ng : «China Town : priorité à la sécurité»
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Charles Ng : «China Town : priorité à la sécurité»

La vague de violence que connaît China Town en interpelle plus d’un. Le meurtre d’un cuisinier chinois, il y a une semaine, a marqué les esprits. On en a profi té pour faire le tour de la question avec Charles Ng Tai Mui, directeur d’«Atom Travel» et président d’honneur de la «Heen Foh Society» et de la «Chinese New Day School Friendship Association». Ce décoré de la République (GOSK, CSK), âgé de 75 ans, qui a grandi à China Town, exprime ses craintes en ce qui concerne le tourisme chinois face aux cas d’agression qui ne cessent d’augmenter.
◗ Vous vous dites inquiet pour le tourisme après la vague de violence qui s’abat sur China Town. Pourquoi ?
Les touristes ne s’intéressent pas uniquement aux plages et au soleil à Maurice. Certains recherchent également des endroits uniques, comme China Town. Les touristes chinois, plus particulièrement, s’y sentent un peu comme chez eux.
Toutefois, après le meurtre du cuisinier chinois, il y a une semaine, à China Town, nombre de tour-opérateurs en Chine m’ont appelé pour s’enquérir de la situation et exprimer leur inquiétude.
◗ Est-ce le début d’une psychose en Chine ?
Nous n’irons pas jusque-là, mais une chose est sûre : les opérateurs sont inquiets. Certains m’ont demandé si ce ne serait pas mieux d’enlever les visites à China Town au programme. J’ai répondu non et que les touristes aiment s’offrir une pause déjeuner dans le quartier chinois.
◗ C’est donc dans l’intérêt du pays de préserverChina Town ?
D é f i n i t i vement oui. Si l’on perd des touristes chinois, ce sera très mauvais pour l’économie. Lors de mes visites en Chine pour mes campagnes, je mets toujours en avant le fait que Maurice jouit d’une stabilité politique et que la sécurité des citoyens est une priorité. Soit deux aspects auxquels les touristes chinois accordent de l’importance.
Il n’y a qu’à prendre exemple sur ce qui s’est passé au Kenya et en Égypte. L’instabilité a fait reculer les arrivées de touristes chinois. Maurice a commencé à prendre avantage de ce marché. Il faudrait continuer.
◗ Les habitants et commerçants du quartier chinois ontilspeur ?
Oui, ils sont effrayés. Le soir du meurtre, je dînais dans un restaurant dans le quartier avec mon épouse. Le responsable de l’établissement est venu me dire que la préparation du repas allait prendre un peu plus de temps que prévu, car les ressortissants chinois employés au restaurant avaient du mal à travailler après avoir appris qu’un de leurs compatriotes avait été tué. Ils étaient en panique et réclamaient qu’on les renvoie en Chine. Les gens ont peur de sortir. Quand on passe aux abords des rues Arsenal, Emmanuel Anquetil ou Royale la nuit, on ne peut que constater le manque d’éclairage.
◗ Ce sentiment d’insécuritéest-il récent ?
Non, cela fait un moment déjà que les habitants de China Town ne se sentent plus en sécurité. Mais ces derniers temps, les cas liés à la violence ont pris de l’ampleur. Vous savez, nombre de cas ne sont pas rapportés à la police.
◗ Pourquoi ne sontils pas rapportés à la police ?
Les habitants de ChinaTown sont tranquilleset calmes. Ils craignentdes représailles. De nombreux cas concernentdes personnes âgées quihésitent à se rendre auposte de police. Voici une petite anecdote d’un casqui n’a jamais été rapporté.C’est un vieux bonom sinwaki pe al bazar. Des voleurs l’ont interpellé et l’ontmenacé avec un couteau.Le bonhomme n’avait queRs 1 000 sur lui, alors queles malfrats lui réclamaientRs 10 000.
◗ Lors de la réunion tenue récemment entre la police et les habitants de China Town, vous avez donné l’impression d’être contre le «Chinese Food Festival ». Est-ce exact ?
Non, je ne suis pas contre. Au contraire, je suis un des participants. Je voulais dire qu’actuellement, les temps sont durs pour le business. La Chambre de commerce et les commerçants font, certes, de grands efforts pour faire revivre le quartier chinois à travers le Chinese Food Festival. Mais j’estime que ce n’est pas ce festival qui fera revivre China Town. La priorité devrait être accordée à l’aspect sécurité. Quand la sécurité est présente, les gens viendront plus nombreux et le quartier revivra automatiquement.
◗ Un intervenant a indiqué, lors de la réunion,que des jeunes préfèrent émigrer. Qu’en pensez-vous ?
Oui, c’est vrai. Les statistiques démontrent que la majorité des jeunes qui font leurs études à l’étranger ne retournent pas. Ils estiment peut-être que leur avenir n’est pas brillant à Maurice, étant donné ki zot an minorite. Et ce, malgré l’effort de l’État qui encourage les jeunes à retourner. Cela m’attriste de les voir s’installer à l’étranger.
◗ Que signifie China Town pour vous ?
C’est toute une partie de ma vie. Mo ankor revChinaTownlepok lontan. J’y ai passé toute mon enfance. Je me souviens de la tabagie Lam Chan Kee, à la rue Royale. Je m’y rendais tous les jours. Assis sur des caisses, j’y restais jusqu’à fort tard, à bavarder avec des amis, garçons et filles. Pour 50 sous, l’on obtenait un pain chaud avec des saucisses. Il n’y avait pas de télé à l’époque (NdlR : les années 50), c’était notre passe-temps. Qui plus est, le quartier était complètement sécurisé. Du coup, nous n’avons jamais eu de problème.
◗ Reconnaissez-vous toujours China Town ?
Il y a eu de nombreux changements. À commencer par la construction de grands bâtiments. Les marchands de nourriture ont, eux, disparu le soir. Avant, on en trouvait aux quatre coins de ChinaTown. Ils vendaient des boulettes, gato arouille, entre autres.
◗ Comment résoudre les soucis de ce quartier ?
Il faudrait avant tout plus de sécurité. La police doit être plus présente et faire davantage de patrouilles en uniforme. Puis, les caméras de surveillance devraient être plus nombreuses et opérationnelles. En attendant, tout ce que j’espère est qu’un jour je vois revivre
China Town, que le quartier redevienne ce qu’il était il y a 40 à 50 ans.
◗ Vous gardez donc espoir ?
(rires) Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir !
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