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Clémentine Ngarumuryango, une soudeuse heureuse

12 janvier 2014, 20:00

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Clémentine Ngarumuryango, une soudeuse heureuse

Une femme soudeuse, cela ne se rencontre pas tous les jours dans les pays en voie de développement et encore moins à Rutshuru, zone de guerre en république démocratique du Congo. Qu’à cela ne tienne, Clémentine Ngarumuryango a fait de la soudure son métier, «bousculant» les hommes et leurs a priori pour pouvoir se faire une petite place au soleil. Son savoir-faire, fruit de 13 années d’expérience, fait d’elle une femme admirée et respectée de tous, une femme qui arrive à concilier sa profession et ses rôles de mère et d’épouse.

 

Clémentine Ngarumuryango est mariée et mère de trois enfants. Mais cela ne l’empêche pas d’être une professionnelle dédiée à son travail qu’elle pratique avec endurance et détermination au sein d’un groupe d’hommes où elle agit comme ajusteuse et soudeuse. Sa réputation de bonne travailleuse est connue jusque dans la ville de Kiwanja en territoire de Rutshuru, à 72 kilomètres au nord du chef-lieu de cette province du Nord-Kivu.

 

Elle passe toutes ses journées dans un garage, maniant la ponceuse, le burin, le poste à souder et les autres outils avec une égale aisance. «Être femme n’est pas synonyme detout attendre de l’homme. C’est aussi prouver que l’on peut être productive, que l’on sait travailler, que l’on a de l’ambition et la détermination d’apprendre un métier difficile censé être réservé aux hommes», raconte Clémentine Ngarumuryango à quiconque veut savoir pourquoi elle a choisi une voie empruntée par peu de femmes jusqu’ici.

 

Les clients qui viennent solliciter ses services sont unanimes. «Si toutes les femmes agissaient comme Clémentine, je pense qu’on ne parlerait même pas du clivage dans la parité hommes-femmes qui crée beaucoup de polémiques au sein de la société. C’est sans tambour ni trompette qu’elle est entrée dansle métier et d’autres femmes gagneraient à suivre son exemple», déclare Benjamin Kasereka, un chauffeur de minibus sur l’axe Goma-Butembo qui a déjà eu recours aux services de la soudeuse.

 

Même ses collègues éprouvent de l’admiration à son égard. «Pour moi, Clémentineest un modèle. Elle a toutes les qualités d’une travailleuse méticuleuse. Elle sait ce qu’elle veut, ce qu’elle cherche. Je n’ai rien à lui reprocher», raconte Omar Fataki, le responsable du garage Mango où travaille actuellement la jeune femme.

 

C’est avec modestie que Clémentine Ngarumuryango accepte ces compliments. «Je me considère comme un médecin qui s’occupe de ses patients, sans tenir compte de leur race, de leur ethnie, de leur religion. Ma préoccupation est d’être au service de tous et de faire du bon travail. Vous savez, lorsque vous avez du travail sur les bras, vous ne perdez pas votre temps à parler des autres. Le travail est ma priorité», dit-elle simplement.

 

Briser les stéréotypés

 

Dans la cité de Kiwanja, Clémentine Ngarumuryango est la seule femme à exercer ce métier de soudeuse. Il arrive que des gens viennent des villages environnants, comme ceux de Burai, Katuiguru ou Kiseguru afi n de recourir à ses services. «Si Clémentine est souffrante, tout le monde remarque son absence au travail. Il y a des clients qui la réclament tant et plus que nous sommes obligés de l’appeler pour savoir quand elle reprendra le travail», raconte Jean, son collègue.

 

Malgré la présence, depuis plusieurs années, de différents groupes armés dans cette partie du pays, la jeune femme travaille comme si de rien n’était et ne craint pas les agressions. Si cette situation de guerre n’affecte pas son travail, ses revenus, par contre, en pâtissent. «Dans mon village de Kiwanja, il y a des enlèvements à répétition au sein de la communauté. Les rebelles du M23 nous mènent la vie dure et nous taxent lorsque nous devons traverser la barrière. Ce qui ne permet malheureusement pas de faire des économies et tout le surplus que j’ai gagné y passe», soupire Clémentine Ngarumuryango.

 

«Toutes les femmes devraient suivre son exemple car elle brise les stéréotypes», déclareJosé Binombe, présidente del’organisation Action pourla réhabilitation de filles désœuvréeset de leurs enfantset membre du collectif desassociations féminines pourle développement.

 

Bien qu’étant professionnelle jusqu’au bout des ongles, elle n’oublie pas qu’elle est aussi mère. Et sait faire la part des choses entre son travail et sa famille. Elle force d’ailleurs l’admiration de ses voisins et surtout d’autres femmes. «C’est une vaillante femme qui, bien que travaillant dur et rentrant fatiguée, trouve toujours du temps à consacrer aux siens. C’est une fée du logis», assure Francine Kabuo, une de ses voisines. Il faut dire que le chef de Clémentine lui facilite la vie.

 

«Mon chef m’accorde chaque jour un temps à midi pour que je puisse m’occuper du repas de mon mari et de nos enfants. S’il ne le faisait pas, j’aurais insisté car j’ai beau être une professionnelle, je suis aussi épouse et mère et je dois jouer tous ces rôles pleinement.»

 

C’est par son amour du métier et sa force tranquille que Clémentine Ngaraumuryango a réussi à vaincre les oppositions et briser les stéréotypes comme le demande le Protocole de la Southern African DevelopmentCommunity sur le genre et le développement. Elle devrait inspirer plusieurs de ses congénères.

 

Esther NSAPU*

 

*Esther Nsapu est journaliste en république démocratique du Congo. Cet article du service d’informations de Gender Links apporte des perspectives nouvelles à l’actualité quotidienne.

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