Publicité
Cédric de Spéville : «Les taux de croissance sont essentiels, mais il faut considérer la réalité quotidienne de chaque Mauricien»
Par
Partager cet article
Cédric de Spéville : «Les taux de croissance sont essentiels, mais il faut considérer la réalité quotidienne de chaque Mauricien»

Interview du Chairman de la Mauritius Chamber of Commerce & Industry (MCCI).
? La MCCI lance actuellement un exercice pour recruter un Secretary- General Designate. Comment évaluez-vous cette démarche. Est-ce une stratégie pour rajeunir l’équipe de direction ?
En fait, l’équipe est déjà jeune. Mahmood Cheeroo, l’actuel secrétaire général, a simplement signifié son intention de partir à la fi n de, ses obligations contractuelles existantes.
La démarche se résume à mettre en place un plan de succession clair, pour s’assurer d’avoir les meilleures compétences à la tête d’une institution aussi importante et forte que la MCCI. Mahmood Cheeroo a largement contribué à la positionner comme une référence sur la scène locale et internationale.
Lui succéder ne sera pas chose facile, mais les structures sont bien en place, et il nous a assuré de son total soutien le temps qu’il sera nécessaire.
Nous avons confié le processus de recrutement à une entreprise spécialisée, et je comprends que nous avons reçu de nombreuses candidatures à la clôture de l’exercice de l’appel à candidatures, lundi dernier.
Un sous-comité du conseil de la MCCI procédera, avec l’aide du consultant, aux interviews. Il portera sa recommandation au conseil pour l’approbation.
? Comment voyez-vous le rôle de la MCCI. Estimez-vous que cette institution- phare du secteur privé est suffisamment écoutée par ses membres et les principaux stake holders du pays ?
Le rôle de la MCCI est incontournable dans le milieu économique du pays, tant pour ses différentes contributions au niveau du cadre légal du commerce international, de l’éducation, de la facilitation des affaires, que pour ses analyses macroéconomiques ou encore pour ses forces de propositions.
Tout ceci, grâce à la force de ses équipes – qui sont plus d’une soixantaine et dont 25 ont un bac + 5 – et de la diversité et pro activité de ses membres.
La MCCI jouit visiblement d’une grande écoute des autorités, des différents acteurs de l’économie mauricienne ainsi que des institutions régionales et internationales. Sa crédibilité se construit tous les jours, par un regard professionnel et profond sur les différentes problématiques auxquelles doit faire face le pays, en évitant de s’enfermer dans des polémiques souvent contre-productives.
Depuis 1963, nous nous acharnons à voir plus loin pour contribuer à l’avancement du pays.
C’est, par ailleurs, pour cela que nous avons choisi comme slogan «l’Expérience de l’Avenir».
Le travail de la MCCI va bien au-delà de ce qui est directement visible ou sensationnel.
Il est vrai que son rôle n’est pas toujours bien assimilé par le grand public. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés, depuis plus d’un an, dans un grand exercice de communication. Le but est de nous rapprocher des différents stakeholders.
? La MCCI regroupe des membres engagés dans tous les secteurs économiques du pays. Vous êtes mieux placés pour savoir quel est leur mood.
Comment se comportent-ils actuellement, face aux effets de la crise ?
Quelle analyse faites-vous de l’état actuel de l’économie mauricienne ?
Effectivement, la MCCI est l’institution multisectorielle par excellence. Nous sommes très proches des entrepreneurs, notamment à travers une consultation permanente des différents sujets qui les touchent. Nous nous assurons aussi de tenir au courant nos membres et le monde des affaires, en général, de toutes problématiques que nous jugeons importantes, par le biais de nos outils, tels que MCCI News, MCCI Mag et les autres canaux de communication classiques.
Les outils, tels que le Business Confidence Indicator, nous permettent de prendre le pouls du monde des affaires, de manière régulière et selon une méthode établie. Ce genre d’outils est essentiel pour déceler les tendances pouvant nécessiter, dans certains cas, une intervention forte du régulateur.
Quant à l’état de l’économie du pays, je dirai qu’il est dangereux de s’accrocher à des généralités. Les problèmes ne sont pas les mêmes dans les différents secteurs de l’économie.
Mais il est clair – et cela, les chiffres et les différentes analyses le montrent – que nous avons un mauvais cap à passer. C’est un fait indéniable, qui dépend en grande partie de facteurs externes. Nous pouvons nous plaindre ou adopter la politique d’autruche ou alors relever la tête et continuer d’être fi ers de ce pays exceptionnel et de ses entrepreneurs qui continuent de prouver que nous réussirons. Pour cela, le diagnostic doit être clair et partagé dans des blame games improductifs.
Nous devons faire plus en termes de business facilitation pour éliminer les obstacles à l’investissement. Un comité de haut niveau public/privé travaille actuellement sur ce sujet.
Aussi, la compétitivité du pays, dans son ensemble, doit être notre priorité.
? Pensez-vous que la croissance de 3,7 % est réalisable en 2012. Est-ce une bonne performance ?
La MCCI va sortir une nouvelle estimation de la croissance pour 2012 ainsi qu’une première estimation pour 2013, durant la première semaine d’octobre.
Les chiffres risquent d’être moins bons qu’initialement prévus.
Vu la structure de l’économie mauricienne, une croissance de 3,7 % n’est pas suffi sante pour avoir un développement vraiment inclusif, ce qui doit rester notre priorité.
Nous parlons plutôt de 5 % à 6 % comme chiffre raisonnable.
Dans tous les cas, les taux de croissance et autres indicateurs macroéconomiques sont essentiels, mais nous ne devons jamais perdre de vue la réalité quotidienne de chaque Mauricien, de chaque famille.
Dans un pays sans ressources, tel que Maurice, ce sont l’inventivité, l’audace et la foi en l’avenir dans un cadre légal pro-business qui permettront de placer l’île sur une trajectoire appropriée.
D’un point de vue de comptabilité nationale, le niveau du déficit public ainsi que celui de la dette du pays restent raisonnables, et ce malgré les challenges auxquels nous faisons face.
Le budget, qui sera présenté le 9 novembre prochain, est très attendu. D’ailleurs, les consultations avec le ministère des Finances ont déjà commencé.
? La publication du rapport du PRB, proposant une révision salariale des fonctionnaires et des employés des corps para-étatiques, risque d’entraîner des demandes d’augmentation salariales du côté des employés du secteur privé. Comptez-vous réagir à cette nouvelle situation ?
C’est clair que le niveau d’ajustement défi ni par le Pay Research Bureau (PRB) va ancrer les attentes des employés du secteur privé. Au total, si les augmentations ne sont pas raisonnables, c’est le pays tout entier qui prend le risque d’entamer sa compétitivité par rapport au reste du monde.
Le problème, c’est la capacité très inégale des différents secteurs et entreprises, à suivre la politique salariale de l’Etat. Le ministre des Finances a récemment déclaré que le gouvernement sera prudent sur ce sujet.
Nous ne devons pas oublier que ce sont les gains de productivité qui, au final, permettent une augmentation soutenable des salaires. Même si elle est évidemment justifiable, la compensation ne doit pas être uniquement basée sur une «compensation» pour l’évolution du Cost Price Index (CPI).
En cette période de crise, de nombreux pays ont pu faire le sacrifice d’une baisse réelle de leurs coûts de fonctionnement et nous devons aussi, à notre niveau, trouver le juste équilibre de court terme, sans handicaper notre économie à long terme. Le ciblage des subventions est un sujet qui devrait probablement être remis à l’ordre du jour.
? Comment se présentent actuellement les relations entre le gouvernement et le secteur privé ?
Je l’ai dit à plusieurs reprises, et bien d’autres l’ont dit avant moi : la force certaine de l’économie mauricienne est le dialogue permanent qui existe – chacun bien dans son rôle – entre les secteurs privé et public.
Les divergences de points de vue et les conflits sont inéluctables. L’important est de continuer à dialoguer, en s’attachant à trouver des solutions, sans stigmatiser les parties en présence.
Propos recueillis par Villen ANGANAN
Publicité
Publicité
Les plus récents




